Presque jour pour jour, une année après avoir égorgé -un certain 29 juillet 2013- huit soldats au mont Chaambi, les terroristes qui, en dépit des récentes fausses assurances officielles quant à l’assainissement total du mont de toute trace terroriste, ont prouvé, de manière humiliante pour l’armée, qu’ils continuent, hélas, à y séjourner, même à y prendre goût et à y manœuvrer en terrain conquis.
A preuve, mercredi soir (16 juillet), à la rupture du jeûne, une trentaine de terroristes se réclamant de la Katiba Okba Ibn Nefaa, selon des sources concordantes, ont attaqué à le RPG (lance-roquettes) et à la mitraillette deux points de contrôle de l’armée, à Henchir Talla (zone du mont Chaambi). Le bilan de l’attaque est, le moins qu’on puisse dire, catastrophique: 14 soldats assassinés, une vingtaine de blessés et un terroriste tué.
Pourtant, cet acte terroriste, le plus meurtrier qu’ait connu le pays depuis l’émergence de ce fléau dans le pays, était prévisible. Les forces de sécurité du pays (armée, gendarmerie, police) savaient pertinemment que les terroristes djihadistes allaient commettre des attentats, en ce mois de Ramadhan.
Le terrorisme est bien implanté dans le pays
Cet attentat vient démontrer de manière éloquente que le terrorisme est bien implanté dans le pays et que l’armée, après plus d’un an et demi de ratissage et de bombardement des hauteurs du centre-ouest et du nord-ouest, rencontre de sérieuses difficultés pour y mettre un terme.
Est-ce nécessaire de rappeler que l’attaque de Henchir Talla intervient après trois actes terroristes qui ont eu lieu en l’espace d’un mois et demi. Il s’agit de l’attaque, en mai dernier de la maison du ministre de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, à la cité Nour à Kasserine, laquelle attaque avait fait 4 morts parmi les policiers et au cours de laquelle des témoins avaient signalé le RPG comme une des armes tenues par les assaillants.
Viennent ensuite le démantèlement, le 13 juin 2014, d’un essaim terroriste sur les hauteurs d’Ain Debba (délégation de Fernana) avec comme bilan la mort de deux terroristes et la capture d’un autre (Wael Bousaidi), et enfin, l’assassinat, le 2 juillet 2014, de 4 soldats qui ont sauté sur une mine au Mont Touiref (gouvernorat du Kef).
Conséquence: les actes terroristes ne cessent de s’intensifier, de s’étendre et de faire plus de morts.
Les enjeux sont géostratégiques
Face à l’extension des champs de manœuvre des terroristes, l’armée nationale, sous-équipée, mal préparée et affectée durant plus de trois ans par un président provisoire qui se dit chef suprême des forces armées, à des tâches qui ne sont pas les siennes (gardiennage des entreprises et institutions de l’Etat), n’arrive pas, jusque-là, à prendre l’initiative et à déstabiliser sérieusement les terroristes.
Noureddine Ennaïfer, universitaire spécialiste des questions sécuritaires, a récemment déclaré que la Tunisie n’a pas, hélas, les moyens requis pour faire face au terrorisme.
Dans une interview accordée au quotidien Essabah du 19 mars 2014, il avait estimé qu’aujourd’hui, en Tunisie, à plus de 40 camps d’entraînement pour le jihad, le plus important étant celui situé au Jebel Chaâmbi, à Kasserine.
Il a ajouté qu’après la découverte du camp de Jebel Chaâmbi par les forces de sécurité et de l’armée, les jihadistes se sont rasés la barbe et se sont aussi répartis en petits groupes et s’entraînent dans des zones éparpillées dans plusieurs régions.
Mieux, l’expert a, par ailleurs, confirmé l’information publiée, le 18 mars par le journal ‘‘Akher Khabar’’ à propos d’un plan de rassemblement de divers groupes terroristes maghrébins dans une sorte d’«Armée Libre», basée en Libye et appelée l’Etat islamique au Maghreb (ou Damis), inspirée de l’Etat islamique en Irak et au Cham (Daâch), le groupe jihadiste opérant actuellement en Syrie.
C’est ce qui explique, en partie, cette mobilité aisée des terroristes et leur facilité de manœuvre sur le territoire.
Pour preuve, un extrémiste religieux arrêté, mercredi 9 juillet 2014, par des unités sécuritaires du district de Yasmine Hammamet a avoué, lors de son audition, qu’il s’était entraîné, à Jebel Chaâmbi, en mars 2014 –bien mars 2014- et qu’il comptait, avec l’aide d’un groupe de complices, se rendre prochainement en Syrie ou en Irak pour le djihad.
Ainsi, après trois ans de la déclaration du mont Chaâmbi zone militaire, ce jeune djihadiste a trouvé le moyen de s’y entraîner… Sans commentaire.
Cela pour dire qu’a priori la situation est si gravissime qu’elle semble dépasser de loin les compétences de la petite armée tunisienne et qu’elle suppose, plus que jamais, un partenariat international et de très gros moyens.
Des comportements scandaleux
En d’autres termes, il nous paraît qu’il est trop prématuré et trop précipité de voir dans ces failles un mauvais rendement de l’armée. Celle d’Al Maliki, chef du gouvernement irakien, bien qu’elle soit bien formée par les Américains et dotée d’un budget conséquent et d’équipements sophistiqués, n’a pas résisté aux assauts de Daech.
Par-delà l’attaque et sa gravité, et au-delà des limites révélées par les services de renseignement, les forces de sécurité du pays, l’attentat de Henchir Talla a mis à nu deux comportements fâcheux.
Celui des chaînes de télévision qui, bien qu’elles soient bien informées de l’attaque, leurs premiers responsables -car il s’agit bien d’eux et non des journalistes-, n’avaient pas daigné interrompre leurs programmes festifs et divertissants. Un tel comportement scandaleux a amené Oum Ziad à écrire sur sa page Facebook que pour une fois les médias sont véritablement «des médias de la honte» (Ilam al Ar).
Carton rouge, également, pour ces salafistes djihadistes qui, après avoir entendu les informations ont fait la fête dans les rues et dans les mosquées en toute impunité. Ces scènes d’allégresse et de victoire ont eu lieu, entre autres, à Jarzouna (gouvernorat de Bizerte), à Sidi Ali Bou Oun (gouvernorat de Sidi Bouzid) et à la cité Ezzouhour à Kasserine.
Le chef du gouvernement a certes donné des directives pour sévir contre ces manifestations illégales et honteuses mais cela est insuffisant. Il faudrait extirper ce mal de ses racines et consacrer de manière claire la séparation du politique du religieux et mettre la pression sur les députés pour qu’ils accélèrent l’adoption de la loi sur le terrorisme.
Il s’agit in fine de faire assumer aux gourous de la Troïka, les Rached Ghannouchi, Marzouki et autres Ben Jaafar, toute la responsabilité de la prolifération du terrorisme dans le pays et les traduire en justice, tous comme leurs sbires, pour haute trahison de l’Etat.