L’avocate
Faouzia Bacha Amdouni considère que “les gens ont tendance à accuser la
révolution de tous les maux y compris de la catastrophe environnementale qui
persiste depuis trois ans dans le pays. En fait, cette dernière n’a pas été
causée par la révolution, mais plutôt par la corruption et le régime mafieux,
dont les caciques sont encore là et ne veulent pas changer les choses de peur
d’être découverts”.
Lors d’une conférence de presse tenue vendredi à Tunis, elle a souligné que “les
trois gouvernements successifs et les autorités de tutelle ne sont pas parvenus
à trouver une solution rien que pour la collecte des déchets qui envahissent les
rues et enveniment la vie des Tunisiens”.
«Le département même de l’Environnement a été créé en 2005, non pour développer
les politiques et les projets innovateurs de traitement des déchets ou des
stations d’assainissement, mais pour recevoir les ressources des bailleurs de
fonds internationaux et les investir, en absence totale de contrôle, dans des
projets personnels profitant aux clans au pouvoir et à leurs proches»,
affirme-t-elle.
Preuve à l’appui, le rapport de la Cour des comptes pour 2012, dont elle a
présenté une copie aux journalistes, évoque des “fonds colossaux destinés, au
départ, à la réalisation de projets environnementaux et qui ont été décaissés,
durant la période 2007-2010, par le ministère de l’Environnement à travers ses
agences (ANGED, ANPE, APAL, ONAS, CITET ..), pour exaucer les vœux de la mafia
qui était en place avant janvier 2011”.
Elle a cité quelques exemples de l’utilisation frauduleuse des fonds collectés
dont l’acquisition, au profit du ministre de l’Environnement (un proche de Ben
Ali), de médicaments pour des maladies chroniques pour un montant de plus de 6
mille dinars, l’aménagement des alentours de l’Ecole internationale de Carthage
(établissement privé de Leila Ben Ali), pour un investissement de l’ordre de 178
mille dinars, l’aménagement d’un bus dans le cadre de la campagne électorale
présidentielle, ou encore l’acquisition moyennant un montant de 400 mille dinars
de jouets pour les enfants des familles au pouvoir et l’investissement de 10
mille dinars pour l’acquisition de fleurs (2009).
Pourquoi aucune alternative n’a été trouvée alors que le système de gestion des
déchets est défaillant?, s’interroge l’avocate avant de répondre: “parce que
nombreux sont les responsables encore en fonction au sein des agences relevant
du département de l’environnement et qui oeuvrent non pour concevoir de
nouvelles stratégies, mais occulter leurs implications dans des affaires de
corruption».
Depuis la révolution, le système de gestion des déchets s’est trouvé de plus en
plus défaillant et a même suscité des troubles sociaux dans plusieurs régions,
dont les récents affrontements à Guellala à Djerba, où les citoyens habitant aux
environs des décharges, exposés à des risques de maladies graves, ont revendiqué
la fermeture de ce site mal géré dès le départ.
La situation risque de s’envenimer encore, prévient Karim Abdelwaheb, président
de l’Association tunisienne pour la promotion de la santé, en évoquant les
dépassements dans la gestion des déchets hospitaliers assurée, dans la plupart
des cas, par des sociétés privées sans aucun suivi du ministère de la Santé ni
de l’ANGED, chef de file pour les contrats de ce genre.
«Nous avons mené des investigations et confirmé qu’aucune société ne gère
convenablement ces déchets dangereux pour la santé humaine et l’environnement»,
a-t-il affirmé.
Pour sa part, Nabil Hammada, président de l’Association tunisienne des
ingénieurs agronomes (ATIA), a qualifié de «bombes à retardement» le système de
collecte des eaux usées et des bassins de lixiviats au sein des décharges.
Il a indiqué que les impacts des méthodes de traitement actuel des eaux et aussi
des déchets (mise en terril, collecte dans des bassin à ciel ouvert, versement
des eaux dans les barrages…) “auront des répercussions graves et de long terme
sur les exploitations agricoles, l’eau, les productions agricoles. Ce qui a
contribué aux déclenchement des derniers affrontements à Guellala à Djerba,
c’est encore l’implosion des bassins de lixiviats (eaux toxiques) et
l’infiltration des eaux dans les champs agricoles, lesquelles ont provoqué la
révolte des agriculteurs de cette localité”.