Il est parti depuis un an! Un jour comme celui-là ! Le 25 juillet 2013, Mohamed Brahmi a été assassiné devant chez lui à la Cité El Ghazala à Ariana. Ses assassins courent toujours. Son sang ne s’est pas asséché dans les mémoires et les larmes de sa disparition coulent encore. Il n’est ni le premier ni le dernier des martyrs de la Tunisie. Hached l’a précédé avec de milliers d’autres tombés pour l’indépendance du pays. Des centaines de nos jeunes, de nos policiers, de nos soldats l’ont suivi sur la même voie.
Cependant, Mohamed Brahmi demeure un cas à part. Sa mort douloureuse coïncide avec notre commémoration de l’avènement de la République. Il n’y a pas plus beau linceul pour un martyr et nationaliste nassérien de surcroît. Feu Haj Mohamed Brahmi et, avant lui, feu Chokri Belaïd, ont été les victimes «têtes d’affiches» du mouvement Ansar Charia.
Leur mort a déclenché un séisme politique qui a duré jusqu’au mois de novembre 2013 et a fini par la chute du Gouvernement II de la Troïka et par l’adoption de la Constitution dans les meilleures conditions possibles.
L’assassinat de Brahmi a par ailleurs déclenché un grand mouvement citoyen, qui a été le fer de lance de la pression exercée sur la Troïka, à commencer par le sit-in du Bardo et toutes les manifestations qui l’ont suivi.
Ainsi, la mort d’un grand homme devient un moment historique. Un an après sa mort, Haj Mohamed Brahmi s’approprie les traits du symbole de la nouvelle République naissante, et il contribue ainsi à remettre la République à sa place, la première de toutes, dans l’échelle des valeurs du pays.
La république ne nous interpellait que mollement depuis sa confiscation, d’abord par Habib Bourguiba, ensuite par le Parti Destourien, et enfin par le gang de Ben Ali. Le citoyen ne voyait en elle que le symbole du nouveau pouvoir oppresseur. Les valeurs centrales de la République, celles de citoyenneté, de liberté, d’égalité de chances ont été masquées par les effets de la dictature.
Pourtant, nous autres Tunisiens, nous sommes tous, et particulièrement les générations nées après son avènement, les fils de la République et ses obligés.
C’est la République qui a été le berceau et le catalyseur des spécificités qui font aujourd’hui notre force et notre singularité sur l’échiquier arabe. La liberté de la femme, l’école gratuite et obligatoire, la santé pour tous, la sécurité sociale pour les travailleurs, la justice, l’ouverture sur le monde… tout ceci c’est la République. Notre martyr Haj Mohamed Brahmi se fond aujourd’hui dans les oripeaux de cette belle idée de la gestion de la cité. Il se fond dans l’histoire trois fois millénaire de son pays.