Depuis l’assassinat, il y a une année, de l’opposant Mohamed Brahmi, constituant et coordinateur général du parti «le Mouvement populaire», par 14 balles devant son domicile et devant sa famille, à la Cité El Ghezala (gouvernorat de l’Ariana), par un djihadiste islamiste, le présumé Boubaker El Hakim, actuellement en fuite, la Tunisie postrévolutionnaire a franchi, par l’effet de ce sacrifice suprême, d’importants pas sur la voie de la transition démocratique avec comme corollaire le recul, chaque jour, de l’obscurantisme islamiste que représentait Ennahdha et ses dérivés.
Gros plan sur les impacts heureux de cet assassinat sur le paysage politique en Tunisie.
Ce forfait, qui intervenait six mois après l’assassinat, avec la même arme (comble de la psychopathie des commanditaires), du leader de gauche Chokri Belaïd, a beaucoup ému les Tunisiens et les a interpellés dans leur profondeur d’autant plus que le martyr Mohamed Brahmi était un bon père de famille et un fervent musulman qui a accompli, plusieurs fois, les rites du pèlerinage.
L’assassinat a éveillé la conscience politique des Tunisiens
Les Tunisiens, qui avaient déjà ras-le-bol de l’autoritarisme et du totalitarisme d’Ennahdha, de l’islam politique et de la Troïka, et encore traumatisés par l’assassinat de Chokri Belaïd, se sont rendu compte, dans la douleur générée par ce nouvel assassinat, que ceux qui les gouvernaient étaient tout simplement des commerçants de la religion sans foi ni loi, voire des mercenaires à la solde du mouvement international des Frères musulmans.
Car, ne l’oublions pas, l’arrêt de mort de Mohamed Brahmi a été décidé en raison de ses convictions progressistes et nationalistes nasséristes arabes. Il était le premier responsable politique à avoir salué, en public, quelques jours avant sa mort, la déposition, en début juillet 2013, par l’armée égyptienne du président des fréristes, le gourou Morsi, ce qui constituait pour les islamistes tunisiens une ligne rouge. D’où la décision de l’éliminer. L’objectif était de faire en sorte que ses déclarations ne fassent pas tâche d’huile.
L’assassinat a boosté la transition démocratique
Seulement, cet assassinat, au lieu de faire peur aux Tunisiens et de les terroriser comme le souhaitaient ses commanditaires, a provoqué l’effet contraire et les a poussés à s’unir plus que jamais et à s’opposer, avec tous les moyens pacifiques, contre une dictature nahdhaouie naissante.
Cette réaction populaire dont l’illustration la plus spectaculaire a été l’historique sit-in baptisé «Dégage» à la place du Bardo qui a duré tout le mois d’août 2013 et qui avait appelé au limogeage de l’équipe élue lors du 23 Octobre 2011, a été, de toute évidence, un moment fort et un tournant décisif dans l’accélération de la transition démocratique du pays.
Depuis, tout a été remis en question et rien n’est plus comme avant. Après avoir perdu, sur le plan géostratégique l’appui de ses aînés fréristes égyptiens et se sentant rejetée de plus en plus par de grands pans de la société tunisienne, le parti Ennahdha, craignant pour sa survie face à cette tournure inattendue des choses, a été amené à négocier et à accepter le Dialogue national et ses décisions.
Parmi celles-ci figurent le réexamen du projet de Constitution ratifiée au mois de juin 2013, et l’adoption, en janvier 2014, d’un texte consensuel, la démission du gouvernement du nahdhaoui Ali Larayedh et la formation d’un nouveau gouvernement de technocrates, l’adoption d’une loi électorale et de plusieurs institutions de régulation (Instance supérieure pour l’indépendance de la justice, Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois…).
La Tunisie lui sera reconnaissante
Cela pour dire que le meurtre de Mohamed Brahmi a eu pour effet bénéfique de booster la conscience politique des Tunisiens, de les persuader de la nature dictatoriale du régime nahdhaoui, de les inciter à descendre massivement dans les rues pour mettre la pression sur les djihadistes au pouvoir et à les amener à faire des concessions significatives en matière de démocratie et d’édification d’un Etat de droit et des institutions.
Perçu sous cet angle, le décès de Mohamed Brahmi n’aurait pas été pas vain. Il a servi, non pas à fragiliser davantage comme l’espéraient les commanditaires de son assassinat, mais à cimenter l’union des républicains tunisiens et à préserver l’unité du pays.
L’Histoire lui reconnaîtra cet apport et les Tunisiens lui seront, à jamais, reconnaissants.
Par-delà cette contribution politique indéniable digne de celles qu’avaient consentie par leur sacrifice suprême des martyrs comme Farhat Hached et Chokri Belaïd, la mort de Mohamed Brahmi a été une lourde perte sans doute pour sa famille, mais surtout pour l’arrière-pays.
La Fondation Mohamed Brahmi pour pérenniser sa pensée et son combat
Pour mémoire et à sa mémoire, rappelons l’exploit qu’il avait accompli, en Octobre 2012, quant il avait observé une grève de la faim avec son collègue-député, Ahmed Khaskhoussi pour protester contre l’arrestation de plusieurs citoyens de Sidi Bouzid, à la suite de manifestations.
Plus qu’un “porte-voix des régions défavorisées”, Mohamed Brahmi était, surtout, un opposant pur et dur. En tant que constituant, il n’avait jamais mâché ses mots pour défendre le droit des régions de l’intérieur au développement, pour dénoncer l’argent sale qui a mené la Troïka au pouvoir et pour déplorer la mainmise des nahdhaouis sur le pays.
Pour lui, «l’Assemblée nationale constituante était l’otage de la majorité (détenue par Ennahdha), au détriment des intérêts du pays».
Et pour ne rien oublier : un souhait. Espérons que la Fondation créée en son nom, «La fondation Mohamed Brahmi», saura pérenniser la pensée de ce député éclairé et exaucer ses vœux, particulièrement en ce qui concerne la lutte contre la violence sous toutes ses formes, le développement équitable des régions défavorisées et la prise en charge des jeunes de condition précaire.
Qu’il repose en paix.