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[25/07/2014 12:03:20] Genève (AFP) L’énorme caution de 1,1 milliard d’euros, infligée mercredi par la justice française à la banque suisse UBS, accusée de blanchiment aggravé de fraude fiscale, a provoqué une vague d’indignation en Suisse, où l’on s’émeut de ce nouveau coup aux relations avec la France, déjà tendues.
Les réactions ont été quasi-unanimes dans les milieux politiques, économiques et les médias pour dénoncer ce qui est interprété comme un geste politique de la part de la France contre Berne et sa prospérité affichée.
“La mise en examen d’UBS devient une affaire d?État”, écrit vendredi en Une l’influent quotidien suisse Le Temps, qui dénonce le montant “vertigineux” de la caution fixée par le parquet de Paris, destinée à couvrir la future éventuelle amende infligée par la justice française à UBS, et souligne l’intervention des “plus hautes instances” des deux pays dans ce dossier.
Selon une source proche du dossier citée par le journal, la ministre suisse des Finances, Eveline Widmer-Schlumpf, aurait tenté en vain d’intervenir, à la demande d’UBS, auprès de son homologue français, Michel Sapin.
Interrogé vendredi par l’AFP, le porte-parole de Mme Eveline-Schlumpf s’est refusé à tout commentaire.
De son côté, la Neue Zuercher Zeitung, le quotidien des milieux d’affaires suisses, souligne que “l’image selon laquelle la prospérité de la Suisse et sa stabilité sont à mettre sur le compte des énormes flux financiers cachés est encore incroyablement répandue en France”. Et de rappeler une phrase du président français, François Hollande, prononcée le 22 janvier 2012, “mon véritable adversaire… c’est le monde de la finance”.
Enfin, le journal Blick écrit que les socialistes français ont trouvé une nouvelle source de financement pour renflouer l’Etat, une “source qui coule en Suisse, à l’UBS”.
– Une attaque contre la Suisse –
Pour l’avocat fiscaliste suisse Philippe Kenel, le fait que la justice française ne s’attaque pas aux banques françaises établies en Suisse, mais uniquement aux banques suisses, montre qu’il s’agit en fait d’une attaque contre la Suisse, et non pas contre UBS.
M. Kenel s’attend à ce que d’autres banques suisses soient attaquées par la justice française. “J’ai peur, au vu du montant exorbitant de la caution demandée, qu’on ait sous-estimé le pouvoir pénal des Etats européens”, a-t-il déclaré.
Le député suisse Christian Lüscher (Libéral) dénonce pour sa part “le risque systématique pour la Suisse de cette nouvelle pratique des juges français à faire appliquer leur droit hors de leurs frontières (…) Eveline Widmer-Schlumpf doit taper sur la table et dire que ça suffit!”.
UBS de son côté reste silencieuse depuis sa réaction mercredi soir, annonçant qu’elle allait faire appel pour le montant de la caution.
L’Association suisse des banquiers, interrogée par l’AFP, s’est refusée à tout commentaire, indiquant seulement qu’il s’agit d’une affaire “individuelle”, concernant un seul de ses membres, et qu’elle ne prenait pas position.
La justice française reproche notamment à UBS d’avoir démarché des clients sur son sol pour les convaincre de placer leurs fonds en Suisse, à l’abri du fisc.
Le ministre français des finances, Michel Sapin, a refusé une transaction “à l’amiable”, pour solder le dossier, comme les Etats-Unis l’ont acceptée pour des faits similaires.
La première banque suisse est soupçonnée de blanchiment aggravé de fraude fiscale pour la période 2004-2012.
Le montant de la caution correspond à 42,6% du bénéfice après impôts d’UBS, ou à 2,8% des fonds propres de la banque.
Il y a un mois, Michel Sapin était venu à Berne pour rencontrer Mme Widmer-Schlumpf. Juste avant, il avait reçu à Bercy des représentants de banques helvétiques, dont UBS et Credit Suisse.
UBS s’est installée en France à la fin des années 90. La banque y emploie 400 personnes.
En 2013, la banque a déclaré un bénéfice net consolidé de 3,38 milliards de francs suisses (2,81 mds euros). En 2012, elle était en perte de 2,25 milliards CHF.
L’an dernier, la banque a provisionné aussi quelque 1,7 milliard de francs suisses pour couvrir les frais de tous les litiges auxquels elle fait face.
La Bourse suisse a réagi avec détachement aux ennuis d’UBS en France. Jeudi, l’action UBS a progressé de 1% à 11,67 francs suisses et, vendredi, la tendance était également à la hausse en milieu de séance.
Le groupe UBS doit annoncer mardi ses résultats semestriels à Zurich.