ème exportateur mondial de viande bovine (Photo : Biju Boro) |
[28/07/2014 07:10:36] New Delhi (AFP) Le Premier ministre Narendra Modi a eu beau fustiger avant d’être élu la “révolution rose” qui a propulsé l’Inde au rang de deuxième exportateur mondial de viande bovine, les industriels indiens prévoient de renforcer leur position grâce au gros appétit de leurs clients.
“La demande en viande indienne progresse à l’étranger et il nous faut encore améliorer le positionnement de notre produit en insistant sur la qualité”, déclare à l’AFP le directeur général d’un grand exportateur indien, ALM Industries, Mujeeb Malik.
A Ghazipur, en lointaine banlieue de la capitale New Delhi, un imposant portail de fer marque l’entrée des nouveaux abattoirs de la capitale, bâtiment blanc moderne sous haute surveillance auquel n’accèdent que les employés et les camions frigorifiques.
La nouvelle installation a pris le relais en 2009 du vieil abattoir installé dans le centre de la capitale et est gérée par le premier exportateur indien de viande bovine, Allana.
“Il y a toujours beaucoup de travail, mon emploi est très mécanisé et n’est pas compliqué”, dit MD Sanwaj, 30 ans, qui sort de ses huit heures de découpe, chaussé de grande bottes maculées. L’employé se dit “méfiant” vis-à-vis de Modi mais “peu inquiet” pour son emploi.
En dépit de sa population hindoue largement végétarienne et de sa faible consommation de boeuf, l’Inde a percé sur les marchés internationaux grâce aux ventes de buffle proposé à des tarifs très compétitifs.
Ses exportations ont triplé depuis 2008 et l’Inde est désormais le deuxième exportateur mondial de boeuf – grâce à son buffle d’eau – avec une part de marché de 20%, derrière le Brésil, selon les services américains de l’agriculture (USDA).
Le précédent gouvernement, sous l’égide du parti du Congrès, a encouragé à partir de 2007 l’exploitation des carcasses de buffles laitiers et a soutenu la modernisation des abattoirs.
Mais au pays de la vache sacrée, les exportateurs ont vu leur horizon se troubler lorsque le nationaliste hindou Modi a dénoncé lors de sa campagne électorale la “révolution rose” de la viande indienne, en analogie avec la “révolution verte” de l’agriculture indienne.
Il a même accusé le précédent exécutif d’avoir “un agenda secret (..) pour les exportations de boeuf”.
“L’industrie de la viande contribue à l’économie indienne par l’impôt et l’afflux de devises étrangères. Le gouvernement doit nous soutenir et ne pas prêter d’attention aux commentaires partisans et orientés”, réagit le patron d’ALM Industries.
– Trafic illégal –
Ardent défenseur de la vache sacrée et de la cause hindoue, Ashoo Mongia a monté un groupe baptisé Rashtriye Goraksha Sena (“armée nationale de protection des vaches”).
Il affirme disposer d’informateurs dans une quinzaine d?États lui permettant d’organiser des opérations contre des camions de vaches alimentant un trafic illégal, en particulier vers le Bangladesh.
“La demande est forte et le trafic génère beaucoup d’argent”, assure-t-il.
Au Bengale occidental, “l’abattage illégal de vaches et le transport vers le Bangladesh se font au vu et au su de tout le monde sans que le gouvernement de l?État n’intervienne”, s’insurge-t-il. Dans cet État, l’abattage de vaches est légal mais très encadré.
Seuls une dizaine d?États autorisent l’abattage de buffles, un travail quasiment uniquement réalisé par des musulmans.
La qualité de la viande indienne, nutritive et peu grasse, et son abattage selon le rite hallal lui offrent de larges débouchés dans les pays du Golfe, relève un représentant de la corporation des bouchers musulmans, les “Qureshi”, Mohammed Abdul Faheen Qureshi.
“En dépit de son discours religieux contre la communauté des bouchers, Modi n’a pris aucune mesure drastique depuis son arrivée au pouvoir”, souligne Qureshi, basé à Hyderabad dans l’Andhra Pradesh, grand État exportateur.
Il fustige même la montée en puissance “de gangs qui ont des connexions politiques et religieuses et profitent du juteux trafic illégal de viande”.
Pour les experts, les exportations de buffle fournissent un débouché crucial pour les petits éleveurs et le dynamisme de ces ventes doit inciter le nouveau gouvernement à professionnaliser encore ce secteur.
“Vous ne pouvez ignorer cette activité, que cela vous plaise ou non”, estime Ankur Bisen, consultant du cabinet Technopak Advisors qui prévoit une croissance annuelle de 8% du secteur au cours des prochaines années.
Mais, en dehors des grands groupes, “ce secteur est peu organisé, les intermédiaires emploient encore des méthodes primitives et des installations dépassées pour l’abattage et la préparation de la viande”, ajoute-t-il.