éroport de Tokyo, le 30 juillet 2014 (Photo : Kazuhiro Nogi) |
[30/07/2014 07:33:41] Tokyo (AFP) Fin 2010, la petite compagnie japonaise Skymark Airlines annonça son intention d’acheter six Airbus A380, et laissa même entendre qu’elle pourrait monter à 15 ; beaucoup se demandèrent alors comment elle allait financer une telle acquisition.
La réponse est désormais connue: elle ne peut pas.
Les inquiétudes sur la solvabilité de la compagnie, qui a commencé à desservir des destinations intérieures nippones en 1998, sont telles qu’Airbus a fini par résilier le contrat d’une valeur de plus de 2 milliards d’euros au prix catalogue, signé début 2011.
Le patron de Skymark, Shinichi Nishikubo, avait pourtant alors assuré que sa société pouvait assumer le coût de ces très gros porteurs, qu’Airbus voulait absolument vendre à une compagnie japonaise, même si les deux grosses, ANA et JAL, clientes attitrées du rival Boeing, n’en voulaient pas.
“Je n’ai aucune inquiétude à propos des fonds nécessaires pour acheter les A380 car les affaires de Skymark sont tout à fait bonnes”, assénait-il alors.
Le PDG, connu pour ses propos osés, avait toutefois admis à l’époque qu’il pourrait devoir réviser ses plans d’investissement si le dollar se renforçait face à la monnaie japonaise, pour atteindre les 100 yens, contre environ 84 à l’époque.
ésident de Skymark Airlines, Shinichi Nishikubo, donne une conférence de presse à Tokyo, le 29 juillet 2014 |
C’était alors presque impensable, mais c’est exactement ce qui s’est produit. Le coût du kérosène comme celui des appareils s’en est trouvé mécaniquement renchéri, tandis que la concurrence s’est accentuée, avec de nouvelles compagnies à bas coûts.
Ainsi, Skymark a terminé l’année budgétaire passée dans le rouge et son chiffre d’affaires a stagné à 86 milliards de yens (630 millions d’euros).
– Risque de faillite –
“Ce n’est pas seulement une question de variation des devises”, tranche le professeur Hajime Tazaki, spécialiste du secteur de l’aviation à l’Université Waseda.
“La direction de Skymark n’a jamais montré de vision claire sur la façon dont elle allait exploiter rationnellement ces A380 sur les lignes vers les Etats-Unis et l’Europe”, assure ce spécialiste.
“Skymark est née à la faveur de la politique du gouvernement qui souhaitait que se créent de nouvelles compagnies pour casser le duopole formé par All Nippon Airways (ANA) et Japan Airlines (JAL)”, rappelle M. Tazaki.
Or Skymark est la seule des ces entreprises qui ait réussi à conserver son indépendance, les autres ont été absorbées par les aînées.
“Skymark est proche des compagnies à bas-coûts avec un patron coutumier des propos retentissants et qui n’hésite pas à faire des exploits pour attirer l’attention. Cette gestion reposant sur un homme en première ligne est aussi responsable de cette situation”, selon M. Tazaki.
Skymark, qui emploie actuellement une trentaine de moyens porteurs sur des lignes intérieures, croyait à un afflux de la demande, avec des A380 de 394 places uniquement en “classe affaire” et “premium économie”, ainsi que des billets moins chers vers New York, Londres ou Francfort. Selon M. Tazaki, ce n’est pas si simple et c’est une façon un peu courte de penser l’exploitation d’appareils.
Désormais, avec l’annulation notifiée par Airbus, les plans d’ouverture de lignes internationales tombent à l’eau.
Pour sauver ces projets et honorer la commande, Airbus demande à Skymark de passer sous la coupe d’un groupe, ce que refuse pour l’heure le patron, au risque de mettre en danger sa compagnie, par défiance des actionnaires.
Mardi, le titre Skymark avait déjà chuté de 13% à la Bourse de Tokyo et il perdait encore 14% mercredi à la mi-journée.
“Il y a un risque de faillite”, prévient M. Tazaki. Le cas échéant, la situation reviendrait à ce qu’elle était auparavant avec un duopole de facto, ce qui n’est pas désiré par les pouvoirs publics.
“Il est souhaitable que Skymark, un des acteurs qui contribuent au dynamisme du paysage aérien, se redresse pour continuer à entretenir cet élan”, insiste l’analyste.