Les grèves, légales et sauvages, sont devenues, depuis le 14 janvier 2011, l’un des «sports» préférés des Tunisiens. Les dirigeants de Poulina Group Holding (PGH) en savent quelque chose, qui, depuis près de trois ans, travaillent à prémunir leur groupe contre les débrayages sauvages. Leurs efforts ont enfin porté leurs fruits. «Malgré tous les problèmes, notre société se porte bien», a, d’abord, annoncé Abdelwaheb Ben Ayed, président du groupe, lors de l’assemblée générale ordinaire tenue le 26 juin 2014. Avant d’ajouter, un tantinet énigmatique, que «nous pouvons considérer depuis deux semaines que nous avons surmonté» l’épreuve.
En fait, à la mi-juin le groupe a achevé la mise en place d’un système dit de «Back up», c’est-à-dire la mise en place d’unités industrielles supplémentaires dans les secteurs où la production était concentrée dans une seule usine. En doublant ces unités –et, surtout, en faisant en sorte que celles d’un même secteur ne se trouvent pas dans une seule région-, PGH veut se mettre à l’abri d’un arrêt de la production par voie de grèves sauvages.
«Les grèves légales nous y sommes préparés et savons comment les gérer. Pas les grèves sauvages», justifie le président de PGH. Or, les grèves sauvages, le groupe dirigé par Abdelwaheb Ben Ayed en a souffert énormément depuis le 14 janvier 2011. Confronté à des demandes diverses, PGH a eu une riposte graduée. Des augmentations salariales ont été accordées. Des demandes moins «logiques» ont également été satisfaites. Un exemple: «les ouvriers travaillant dans la margarine ont demandé à bénéficier des avantages de la convention du secteur du lait. Nous leur avons accordé ces avantages bien que nous fabriquions notre margarine avec de l’huile végétale et non à partir de lait», indique-t-il.
Mais lorsque certains de ses employés ont, par exemple, exigé que «directeurs et simples ouvriers reçoivent la même rémunération», Abdelwaheb Ben Ayed n’a pas cédé. «Je leur ai répondu que, philosophiquement, ils ont raison, mais qu’ils me trouvent un directeur qui accepte d’être payé autant qu’un ouvrier et un ouvrier sachant vendre, et j’accèderai à leur requête. Ils ont compris et nous n’en avons plus parlé», se félicite le patron de PGH.
Dans d’autres cas, les choses ont tourné au vinaigre, la satisfaction d’une première demande en ayant –parce que probablement décryptée comme aveu de faiblesse- entraîné d’autres que la direction de PGH n’était nullement disposé à satisfaire. Le durcissement du conflit entraîna tout naturellement la fermeture de certaines usines.
Toutefois, en gérant au jour le jour les conflits sociaux, la direction de PGH a entamé –«dès mars 2011», précise M. Ben Ayed- une réflexion sur une solution radicale et à long terme en vue de mettre l’activité du groupe à l’abri des répercussions des turbulences sociales en général et des grèves sauvages en particulier.
La réflexion aboutit rapidement à deux décisions: la réduction des investissements dans les secteurs grands utilisateurs de main-d’œuvre et le développement de nouvelles activités à forte valeur ajoutée consommatrice surtout de cadres –qui généralement ne sont pas très portés sur les débrayages- et la mise ne place d’un dispositif de back up.
La première a déjà commencé à être concrétisée et continuera à l’être au cours des années à venir. La seconde sera opérationnelle en janvier 2015.