ï Lavrov, à Moscou le 28 juillet 2014 (Photo : Kirill Kudryavtsev) |
[31/07/2014 11:24:59] Strasbourg (AFP) Les ex-actionnaires de l’ancien groupe pétrolier Ioukos ont remporté jeudi une deuxième victoire en une semaine dans le conflit financier qui les oppose à la Russie: la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a ordonné à Moscou de leur verser près de 1,9 milliard d’euros.
Les magistrats européens ont accordé cette somme à titre de dédommagement pour des irrégularités dans la procédure fiscale intentée contre la société en 2000.
Les requérants disent agir au nom de quelque 55.000 anciens actionnaires spoliés. Ils réclamaient un dédommagement beaucoup plus élevé à Moscou – près de 38 milliards d’euros -, dans le cadre de cette procédure lancée en 2004, que la CEDH avait tranchée sur le fond en septembre 2011.
La Cour de Strasbourg avait alors considéré que certains points de la procédure fiscale intentée contre Ioukos avaient porté atteinte à ses droits fondamentaux, mais remis à plus tard la fixation des dédommagements à imposer à Moscou.
La CEDH avait en revanche refusé de considérer que le Kremlin avait délibérément poussé à la faillite en 2007 la société de l’opposant Mikhaïl Khodorkovski, une analyse dont les autorités russes s’étaient à l’époque vivement félicitées.
Sur un total de 1.866.104.634 euros accordés aux ex-actionnaires, un peu moins de 1,3 milliard est dû au titre des sommes que Ioukos a payées au fisc russe pour les années 2000 et 2001: “des pénalités que la Cour a jugées illégales”, a expliqué la CEDH, qui a également tenu compte de “frais de recouvrement de 7% sur ces pénalités”.
Le reste, soit près de 567 millions d’euros, correspond au caractère “totalement disproportionné” des frais de recouvrement imposés à Ioukos pour les années 2000 à 2003.
– Moscou crie à l’injustice –
Le ministère russe de la Justice a immédiatement estimé ce jugement d’ “injuste et partial”. Il a rappelé qu’il disposait de trois mois pour faire éventuellement appel.
ïl Khodorkovski, ex-oligarque critique du Kremlin et ancien propriétaire de Ioukos, le 12 juin 2014 à Berlin (Photo : Jörg Carstensen) |
L’ex-oligarque et critique du Kremlin Mikhaïl Khodorkovski, propriétaire de Ioukos avant son démantèlement, a indiqué à plusieurs reprises pour sa part qu’il n’avait pas l’intention de demander des réparations.
M. Khodorkovski “n’a toujours aucune revendication sur les fonds annoncés par les tribunaux européens au profit des actionnaires de Ioukos, y compris en ce qui concerne la décision rendue aujourd’hui par la CEDH”, a déclaré jeudi à l’agence Interfax sa porte-parole Olga Pispanen.
Leonid Nevzline, l’ex-associé et homme de confiance de Mikhaïl Khodorkovski, a estimé que cette décision ne changerait en rien la politique des autorités russes. “Les autorités devront payer, elles en porteront le préjudice, mais ni Vladimir Poutine, ni (le PDG de Rosneft) Igor Setchine ne changeront pour autant” de politique, a-t-il dit sur la radio Ekho Moskvy.
Moscou avait déjà été condamnée lundi par un autre tribunal international, la cour permanente d’arbitrage de La Haye, à verser 50 milliards de dollars (37,2 milliards d’euros) d’indemnités aux ex-actionnaires de Ioukos, pour avoir orchestré le démantèlement du groupe pétrolier pour des raisons politiques.
Le tribunal de La Haye a jugé en substance que l’offensive lancée il y a dix ans par Moscou contre Ioukos avait pour objectif principal non de récupérer des impôts impayés mais de provoquer sa banqueroute.
Ioukos avait été vendu à la découpe en grande partie au groupe pétrolier public russe Rosneft, un acteur de taille modeste pour le secteur à l’époque, devenu depuis le principal producteur mondial parmi les sociétés cotées.
Ces arrêts de justice internationale interviennent dans une période déjà tendue pour le pouvoir en Russie, qui fait l’objet de sanctions croissantes des Occidentaux pour son implication dans la crise en Ukraine.