A La Ruche, un espace de “coworking” peu ordinaire au coeur de Paris, des jeunes entrepreneurs sociaux viennent rompre la solitude du créateur d’entreprise et chercher les conseils de leurs pairs, misant sur le collaboratif pour mener à bien leurs projets individuels.
Dans ce vaste open space de plus de 500 m2, à deux pas du très bobo canal Saint-Martin (Xe), la visite commence par la cuisine, le centre névralgique. Autour d’un café, ces entrepreneurs, qui ont en commun de travailler sur des solutions innovantes pour répondre à des problèmes de société, partagent, testent et affinent leurs idées.
“Tous les vendredis, c’est le +buzz+: on sonne une cloche et tous ceux qui veulent se rejoignent ici pour faire état de leurs besoins du moment ou donner des infos qui pourraient intéresser la communauté”, explique Blanche Rérolle, la directrice générale du lieu.
Plusieurs animations ou ateliers sont organisés régulièrement, comme cette “soirée networking avec les amis du développement durable”, programmée sur un grand tableau noir.
Une “tool box” (boîte à outils) recense les compétences spécifiques acquises par un tel ou un tel, qui pourront être partagées.
Une centaine de personnes représentant une soixantaine de structures louent un bureau ici, à temps fixe ou partiel – entre 250 et 395 euros par mois -, pour une durée indéfinie au départ. “En général, on reste au moins un an et on part quand l’entreprise a atteint une taille significative, avec au moins cinq collaborateurs”, souligne Blanche Rérolle.
Pour être acceptés à La Ruche, les nouveaux arrivants doivent être adoubés par les autres résidents.
“On regarde à quel défi de société ils répondent, en quoi c’est pertinent, comment ils comptent générer des revenus”, explique Blanche Rérolle.
Outre le mobilier, les locataires disposent d’internet, d’une imprimante, d’un scanner, et de multiples salles de réunion ou de repos, toutes meublées avec beaucoup d’objets de récupération.
“Tout seul, c’était impossible” –
Pas de bourdonnement dans cette Ruche où le silence règne, chacun étant concentré sur son poste de travail, mais la règle veut que celui qui ne porte pas d’écouteurs peut être sollicité pour un conseil par un membre de la communauté.
“Personne n’est obligé de se parler mais tout le monde le fait, car on sait que c’est toujours avantageux”, témoigne Nathanaël Molle, fondateur de Singa, une association qui facilite l’insertion socio-économique des réfugiés. “On résout beaucoup de problèmes, on débloque des situations en discutant avec les autres”, poursuit-il.
“En 2010, j’ai commencé à travailler sur mon projet tout seul chez moi, c’était impossible”, raconte aussi Julien Maury, fondateur de coab, un réseau social de l’habitat participatif, qui a trouvé à La Ruche “un soutien psychologique” et “beaucoup d’amis”.
Le lieu est en effet né en 2008 de la collaboration de plusieurs entrepreneurs sociaux qui sont partis du constat que les personnes se lançant dans l’aventure étaient souvent isolées et en manque de visibilité.
Aujourd’hui, travailler à La Ruche est un gage de crédibilité. “Ca m’a donné accès à une subvention”, sourit Ayoube Rami, créateur du site Solimoov, qui permet de soutenir des associations en faisant son shopping en ligne.
S’il est aujourd’hui satisfait de la dernière version de son site, il juge qu’il n’aurait pas été aussi abouti sans les conseils avisés et les critiques de ses condisciples.
“Au début La Ruche était un état d’esprit, c’est devenu un vrai laboratoire d’idées et d’innovation sociale”, se félicite Bruno Humbert, l’un des cofondateurs. Selon lui, l’entrepreneuriat social représente aujourd’hui “une tendance lourde, qui intéresse de plus en plus de gens, y compris les grandes entreprises”.
L’opérateur télécoms Orange s’est d’ailleurs associé en mars à l’espace, en lui apportant un soutien logistique et financier. Ce partenariat doit notamment permettre à La Ruche d’essaimer ailleurs en France, avec une ouverture prévue à Bordeaux à l’automne, puis peut-être Rennes et Strasbourg.