L’Etat portugais prêt à voler à la rescousse de Banco Espirito Santo

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à Lisbonne le 24 juillet 2014 (Photo : Patricia de Melo Moreira)

[03/08/2014 12:20:31] Lisbonne (AFP) Soucieuses de limiter l’effet de contagion, les autorités portugaises s’apprêtent à renflouer Banco Espirito Santo (BES), afin de calmer les marchés et éviter une ruée sur les guichets.

L’annonce d’un plan de recapitalisation, alliant fonds publics et privés, pourrait intervenir dès dimanche soir, alors que le titre Banco Espirito Santo, en chute libre, a été suspendu vendredi par le gendarme de la Bourse de Lisbonne.

“Face à la dégringolade du titre, on peut s’attendre à une entrée en lice de l’Etat, pour dissiper les doutes sur la solvabilité de BES”, a déclaré à l’AFP Pedro Lino, analyste de Dif Broker.

Faute de pouvoir honorer leurs dettes, cinq sociétés de l’empire familial Espirito Santo, principal actionnaire de BES, ont désormais déposé le bilan, mettant sous pression la banque, qui a tenté en vain de s’isoler des déboires de sa maison mère.

La facture a été lourde, avec une perte semestrielle record de 3,57 milliards d’euros. La capitalisation boursière a été divisée par trois, à 674 millions d’euros, et le ratio de fonds propres a chuté à 5%, en-dessous du minimum requis de 7%.

Une injection de fonds publics, puisés dans l’enveloppe destinée à la recapitalisation des banques dans le cadre du plan de sauvetage du Portugal, serait de nature à calmer l’inquiétude des épargnants, qui ne devraient pas être mis à contribution.

“Cela fait un moment que des clients de BES retirent leur argent. Il n’y a aucune raison à cela, mais la panique n’a rien de raisonnable”, a commenté à l’AFP Joao Cesar das Neves, professeur d’économie à l’Université catholique de Lisbonne.

En vertu des nouvelles règles européennes, les actionnaires et créanciers non prioritaires sont désormais priés de mettre la main à la poche en premier ressort avant qu’une banque ne puisse solliciter une aide de l’Etat.

– Panique des actionnaires –

D’où la panique des actionnaires de BES, qui ont massivement vendu le titre en Bourse, le précipitant à des plus bas historiques.

Pour arrêter l’hémorragie, les autorités portugaises prévoient de retirer Banco Espirito Santo de la Bourse dès lundi, rapporte dimanche le journal Diario de Noticias.

Parmi les scénarios à l’étude figure la mise à l’écart des actifs toxiques, qui seraient logés au sein d’une structure de défaisance (bad bank), chargée de les liquider.

Les actifs sains seraient confiés au Fonds de résolution des banques portugaises, créé en 2012 à la demande de la troïka (UE-FMI-BCE) des créanciers du Portugal.

C’est à travers ce fonds que le gouvernement envisage d’injecter dans BES une partie des 6,4 milliards d’euros qui lui restent de l’enveloppe de 12 milliards d’euros réservés à la recapitalisation des banques.

Quant à la “bad bank”, elle resterait selon ce scénario entre les mains des actuels actionnaires, parmi lesquels figurent avec une part de 14,6% le groupe français Crédit agricole, qui devra dévoiler l’ampleur des dégâts lors de la présentation de ses comptes mardi.

Une fois séparés des mauvaises créances, les actifs sans risque gérés par le Fonds de résolution ont plus de chances d’attirer des investisseurs privés et de retourner ultérieurement en Bourse.

Cette solution, qui faisait encore dimanche l’objet de négociations entre le ministère des Finances, la Banque du Portugal et les nouveaux dirigeants de BES, doit aussi être approuvée par Bruxelles.

Le cas du Portugal est le premier test des nouvelles règles transitoires en vigueur en attendant la mise en place en 2016 de l’union bancaire européenne qui vise à éviter aux contribuables de payer pour les banques.

En renflouant Banco Espirito Santo, le gouvernement cherche à éviter à tout prix que l’affaire ne contamine l’ensemble du secteur financier du Portugal, voire de l’Europe.

Les turbulences que traverse BES avaient semé la panique sur les marchés européens le 10 juillet, faisant ressurgir le spectre de la crise de la dette en zone euro.