à Washington, le 31 juillet 2014 (Photo : Paul J. Richards ) |
[03/08/2014 13:06:03] Nairobi (AFP) Distancés notamment par la Chine, les Etats-Unis, qui ont invité 50 chefs d’Etat africains pour un sommet s’ouvrant lundi à Washington, cherchent à combler leur retard commercial en Afrique, mais le continent n’est pas le nouveau lieu de compétition avec Pékin, selon les experts.
En 2013, les échanges commerciaux entre l’Afrique et la Chine ont totalisé 210 milliards de dollars, plus du double de ceux entre les Etats-Unis et le continent (85 milliards).
Les Etats-Unis, première économie du monde, sont seulement le troisième partenaire économique de l’Afrique, après l’Union européenne – dont plusieurs membres ont des liens postcoloniaux avec des pays africains -, et la Chine, assoiffée des ressources naturelles du continent.
En outre, les grands projets menés par la Chine en Afrique éclipsent largement les efforts américains plus discrets, selon des analystes.
Washington cherche à “recadrer” son engagement envers l’Afrique en raison de la “nouvelle concurrence de la Chine” qui se rend “très visible” avec d’importants projets d’infrastructures, estime James Shikwati, directeur du centre de réflexion économique Inter Region Economic Network, basé au Kenya.
Les Etats-Unis ont dans le passé surtout “parlé de démocratie et de droits de l’Homme”, estime M. Shikwati. Il s’attend à ce que Washington “ajoute désormais à cela des projets solides et visibles (…) tels qu’un grand barrage fournissant de l’électricité”.
“Les projets massifs en matière d’infrastructures de la Chine rendent en quelque sorte minuscule l’effort américain”, confirme Christopher Wood, de l’Institut sud-africain des Affaires internationales. “De plus en plus, nous voyons un effort des Etats-Unis pour tenter de revenir dans la course, par exemple, via des tentatives de développer les capacités énergétiques sur le continent”.
Mais, selon de nombreux experts, il est faux d’analyser les efforts américains actuels en matière de commerce avec l’Afrique via le prisme de la compétition avec la Chine.
– ‘Plus on est nombreux, mieux c’est’ –
“Cette platitude sans cesse répétée et inexacte déforme à la fois les réalités géopolitiques actuelles et les opportunités commerciales”, écrivait récemment Dane Erickson, de l’Université du Colorado, dans le magazine American Interest. Selon lui, “les intérêts américains, chinois et africains se rejoignent”.
ésident Barack Obama prononce un discours à la Maison Blanche, le 1er août 2014 (Photo : Nicholas Kamm ) |
“L’administration Obama est sous une pression croissante des milieux d’affaires américains afin qu’elle fasse de la politique africaine une priorité. Ce sommet Etats-Unis/Afrique est plus une réponse à cela qu’un concours de beauté avec la Chine”, affirme Alex Vines, analyste de l’institut de recherches britannique Chatham House.
Selon Dane Erickson, “les investissements chinois dans les infrastructures – sur un continent qui a terriblement besoin de routes, de ponts, de ports afin de soutenir la croissance économique et les populations – peuvent bénéficier aux Africains, aux Américains et à d’autres investisseurs étrangers”.
“Il est devenu extrêmement difficile pour un cadre international de faire des affaires en Afrique aujourd’hui sans conduire sur une route chinoise, avoir une réunion dans un centre de conférence de construction chinoise ou transporter du matériel sur un chemin de fer fabriqué par les Chinois”, souligne-t-il.
Will Stevens, porte-parole du Bureau des Affaires africaines du département d’Etat américain, nie que ce Sommet de trois jours à Washington soit destiné à contrer le rôle croissant des autres pays sur le continent.
“Nous nous réjouissons de l’attention que l’Afrique reçoit d’autres pays tels que la Chine, le Brésil, l’Inde et la Turquie”, a assuré M. Stevens, “plus on est nombreux, mieux c’est”.
– ‘Gâteau africain’ –
Selon les analystes, l’heure est partout à la redéfinition des relations avec le continent africain dont le taux de croissance a, selon le Fonds monétaire international (FMI), désormais dépassé celui de l’Asie. Il s’agit de modifier l’image de l’Afrique, perçue comme ravagée par la guerre et où l’essentiel des liens se limite à de l’aide.
“L’objectif n’est plus l’aide et l’assistance humanitaire (…) nous avons trop longtemps tardé à faire évoluer cette relation vers la sphère économique, où l’on peut quasiment arriver à un partenariat”, a expliqué à l’AFP la ministre kényane des Affaires étrangères Amina Mohamed.
Pour l’Afrique, cette concurrence pour “sa part du gâteau africain” offre autant d’opportunités que de risques, estime M. Shikwati.
“La concurrence donne aux pays africains du poids pour négocier et obtenir ce qu’ils veulent (…) mais c’est aussi une menace (…) l’histoire nous a appris qu’en 1884, quand les pays européens avaient des intérêts en Afrique, la concurrence les a conduits à se partager le gâteau entre eux”.