La croissance du deuxième trimestre, chronique d’une déception annoncée

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Une usine de sacs plastique en France (Photo : Philippe Huguen)

[13/08/2014 14:47:31] Paris (AFP) L’Insee doit livrer jeudi sa première estimation de la croissance du deuxième trimestre et tout annonce une déception: au lieu du franc retournement qu’espérait le gouvernement, l’économie française devrait avoir marqué le pas… une nouvelle fois.

Certains économistes comme Christopher Dembik, chez Saxo Banque, n’excluent pas que le Produit intérieur brut (PIB) se soit même contracté au printemps, après une croissance déjà nulle au premier.

Cependant la majorité d’entre eux, tels Frederik Ducrozet (Crédit Agricole CIB), Philippe Waechter (Natixis AM) et Ludovic Subran (Euler Hermes), attend une faible progression de l’activité économique de début avril à fin juin, entre 0 et +0,1%. Les analystes de la banque UniCredit poussent jusqu’à +0,2%.

La première estimation du Produit intérieur brut au deuxième trimestre sera publiée jeudi en tout début de matinée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Et depuis avril, les indicateurs déroulent la chronique d’une déception annoncée.

– Seule la consommation résiste –

La production industrielle a reculé de 0,5% au deuxième trimestre, le déficit commercial ne se résorbe pas, à près de 30 milliards d’euros au premier semestre, et les défaillances d’entreprises se poursuivent.

Seule la consommation des ménages, éternel soutien de l’économie en France, a tenu le choc (+1% au deuxième trimestre). Cette hausse doit toutefois beaucoup à un rattrapage des dépenses d’énergie après un début d’année anormalement doux, ce qui ne dit rien de la propension profonde à consommer.

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à son arrivée le 5 mai 2014 à Bruxelles (Photo : Georges Gobet)

D’ailleurs à en croire l’Insee, le moral des ménages reste miné par la peur du chômage. Celui des entreprises ne montre pas de signe de retournement, selon la même source.

La Banque de France, après avoir elle aussi sondé les entreprises, a d’ores et déjà prévenu qu’au troisième trimestre, la croissance devrait tourner autour de 0,2%.

De nombreux économistes et institutions internationales ont déjà révisé à la baisse leurs attentes pour la croissance française sur l’ensemble de l’année 2014. Les prévisions s’échelonnent entre +0,5% et +0,7%, loin du +1,0% qu’espère toujours officiellement le gouvernement.

Le “retournement” que voyait arriver le président François Hollande en mai ne s’est pas matérialisé, ce qui met aussi en péril les équilibres budgétaires.

Sans redémarrage franc, synonyme d’abondantes rentrées fiscales et de baisse des dépenses sociales, Paris ne pourra tenir ses engagements européens, à savoir un déficit public limité à 3,8% du PIB cette année, contre 4,3% en 2013, et tombant à 3,0% l’an prochain.

La très faible inflation – l’Insee publiera d’ailleurs mercredi le chiffre de juillet – vient encore compliquer l’équation budgétaire, en rognant la progression des recettes et en neutralisant certains efforts d’économies.

– L’Allemagne pas épargnée –

L’exécutif s’est employé ces dernières semaines à préparer les esprits à des temps économiques “difficiles”, selon l’expression du Premier ministre Manuel Valls qui a évoqué le risque d’une déflation, c’est-à-dire d’une baisse durable des prix, très néfaste pour l’économie.

A Bercy, certains se demandent si la crise financière de 2008 n’aurait pas marqué un “tournant”, au point que la faible croissance ne serait pas un phénomène conjoncturel de passage, mais une tendance structurelle amenée à durer, thèse déjà défendue par certains grands économistes américains.

Renouant avec les accents de sa campagne présidentielle, M. Hollande a appelé l’Allemagne à redonner des couleurs à cette économie pâlichonne, non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe.

Il a été sèchement éconduit par un porte-parole du gouvernement allemand, pour qui les “déclarations très générales en provenance de Paris ne fournissent aucune raison pour de quelconques corrections dans la politique économique”.

Selon les économistes toutefois, Berlin pourrait être incité à réagir face à la mollesse de la croissance en zone euro, qui ne l’épargne plus. Certains économistes jugent même que le PIB de l’Allemagne a reculé au printemps, comme celui de l’Italie.

La performance économique allemande au deuxième trimestre sera dévoilée également jeudi, tout comme celle de toute la zone euro. Les économistes d’Unicredit estiment que le PIB allemand a stagné, tandis que celui de la zone euro pourrait avoir augmenté de 0,2%.