Aujourd’hui,
en Tunisie, c’est l’Etat dans son essence et son existence même qui est menacé.
Il n’y a plus de respect de la loi, ou de l’Etat. La désillusion suite à 4
années d’exercice après le 14 janvier est à son apogée. Le gouvernement Jomaâ,
pour ceux qui ont la mémoire courte, a hérité d’une situation tellement
catastrophique que lui-même en a été médusé. Il l’a d’ailleurs reconnu lors
d’une récente rencontre avec les leaders d’opinion. «Je savais que la situation
n’était pas des plus faciles à gérer, mais trouver autant de dysfonctionnements
à tous les niveaux et surtout au niveau sécuritaire, c’est ce à quoi je ne
m’attendais pas».
Le chef du gouvernement, qui a pris en main les dossiers sécuritaires alors que
sa mission principale consistait, au départ, à remettre le pays économiquement
sur pied, s’est trouvé confronté à nombre de problèmes plus compliqués les uns
que les autres.
C’est ce qui l’a d’ailleurs incité à prendre des décisions pour «sauver l’Etat»,
a-t-il assuré. Car aujourd’hui, il ne s’agit pas de rétablir l’autorité de
l’Etat mais de «le maintenir et de sauver ses institutions, et j’y veillerais
avec tous les moyens dont je dispose».
Il faut reconnaître que les dernières décisions prises par le chef du
gouvernement et entérinées par la cellule de crise qu’il préside lui-même ont
été un baume au cœur des Tunisiens, désillusionnés et désabusés par une classe
politique démocratique plus soucieuse d’elle-même que du pays et par un parti
islamiste dont la pratique et l’exercice n’ont rien à voir avec les véritables
valeurs de l’islam (Lire sur ce sujet).
Les Tunisiens pratiquants désertent les mosquées et se recroquevillent sur
eux-mêmes, ils n’arrivent pas à s’identifier à l’image que leur renvoie les
Frères musulmans, à eux, l’un des peuples musulmans le plus tolérant et ouvert
de la région arabo-musulmane.
La classe moyenne abusée, refuse le changement du modèle sociétal qu’elle a
toujours connue et ceux qui ont élu Ennahdha et qui le regrettent aujourd’hui.
«Nous pensions qu’ils n’étaient pas corrompus, qu’ils étaient porteurs de
nouvelles valeurs et qu’ils respectaient leurs promesses…».
Rien de cela n’est arrivé, la Troïka, principalement Ennahdha, a mis le pays en
faillite à cause de la voracité de ses dirigeants et de leurs incompétences
notoires dans la gestion des affaires de l’Etat. Ils ont agi avec le pouvoir
comme un butin de guerre en usant sans modération. Leurs alliés CPR et Ettakatol
ne sont pas mieux qu’eux aux yeux des Tunisiens qui ont perdu confiance dans les
partis classiques.
Lorsque Marzouki a prêté serment, il avait promis de préserver l’unité
nationale, l‘unité et l’intégrité du territoire, les principes républicains et
la civilité de l’Etat, sans parler des promesses faites lors de son discours
inquisitoire d’investiture où il avait assuré que les acquis des femmes ne
seront jamais touchés.
Quatre ans après, les institutions de l’Etat sont déstructurées et l’unité
nationale et du territoire menacée. A Kasserine, nous sommes presque dans le non
Etat, et la police, qui attend qu’on réactive la loi antiterroriste, maintient
le statuquo et des fois préfère se retirer au lieu d’affronter les acteurs de
violences. Les ministères de souveraineté sont minés et les femmes tunisiennes,
modernes et éduquées, voient leurs acquis de plus en plus menacés et risquent de
se retrouver sous le joug d’un pouvoir semblable à celui des talibans.
Y a-t-il une porte de sortie?
Oui. Sur le plan de la représentativité politique à travers l’Union des forces
démocratiques autour d’un projet sociétal correspondant aux vœux, aux ambitions
et attentes d’une Tunisie tournée vers l’avenir, progressiste, moderniste et
soucieuse de préserver le modèle de société connu depuis l’indépendance, avec ce
que cela implique comme principes républicains, civilité de l’Etat et droits des
femmes.
Les jeunes qui constituent la plus grande frange des électeurs potentiels mais
ne s’identifient pas aux leaders des partis classiques ont besoin de voir de
nouveaux visages et surtout un projet sociétal et une vision qui répond à leurs
aspirations.
Ennahdha, qui fait beaucoup de lobbying grâce aux moyens énormes dont elle
dispose, est en réalité un gros ballon plein d’argent, mais pour une grande
partie du peuple tunisien elle a perdu sa crédibilité sauf celle “achetable,
endoctrinée et opportuniste“. Ses leaders sont des spécialistes dans la
surenchère et des renards politiques.
D’ailleurs, dans leur “bible”, ils ont un principe sacrosaint: celui de tirer
avantage de toutes leurs relations et leurs tractations avec les autres partis.
«Il faut que nous en tirions toujours profit». Nombreux parmi eux ne sont pas
les victimes qu’elles prétendent être mais les porteurs d’un projet sociétal
rétrograde qui risque de déstabiliser la région.
Mais plus que tout, les femmes et une très large partie de la société civile
tunisienne sont aujourd’hui prêtes à tout pour lutter contre la montée de
l’extrémisme et du terrorisme.
Nombre d’opérateurs privés préférant garder l’anonymat ont été approchés par des
leaders islamistes et même invités dans l’antre de Rached El Ghannouchi qui
négocierait, selon des bruits persistants, avec les présidents des grands
groupes leur soutien au parti pour bénéficier de sa protection. Alors que dans
tous les pays du «printemps arabe» les populations réalisent que l’islam
politique n’est pas la solution à leurs souffrances existentielles et leurs
problèmes socioéconomiques, Rached Ghannouchi maintient l’illusion qu’il est
encore le plus fort sur la place et surtout qu’il est incontournable. Une
aberration! A Montplaisir, il y aurait même une unité qui s’occuperait
spécialement des affaires économiques du parti. Dans un Etat normal, des
enquêtes auraient été ouvertes pour évaluer les patrimoines des dirigeants d’Ennahdha
et leurs proches et leur poser la question mythique «Min ayna laka hedha».
D’autant plus que des fortunes colossales ont vu le jour en seulement 3 années!
On ne sait par quel miracle!
A terme et quoique puissent penser nombre d’illuminés, d’arriérés et de
rétrogrades, l’islam politique n’a pas d’avenir en Tunisie. C’est un organe
incompatible qu’on veut greffer dans le corps d’une société exceptionnelle par
sa richesse civilisationnelle et son histoire millénaire. Une société où une
femme a usé d’un verset du coran pour imposer à son mari, à l’époque prince des
Croyants, son droit à elle de le répudier et lui interdire d’être polygame. Une
société où, au 11ème siècle, les jeunes filles étudiaient au même titre que les
jeunes hommes à Kairouan et où une Soufie «Lella Mannoubia» a revendiqué à Sidi
Belhassan El Chedli le titre de «Pôle des pôles», une distinction que seuls les
grands érudits hommes pouvaient avoir.
Le tout est de savoir combien nous devons sacrifier en termes de vies,
d’institutions et de réalisations acquises depuis l’indépendance pour s’intégrer
dans une véritable transition démocratique.
Et pour terminer, une seule certitude: il n’y a pas d’islam politique modéré. Le
prophète n’a d’ailleurs pas désigné de successeur après sa mort car il estimait
que les musulmans imprégnés des valeurs de la justice, d’égalité et d’intégrité
pouvaient s’entendre entre eux pour désigner la personne la plus appropriée pour
les diriger. Le politique n’était pas le plus important dans l’islam de Mohamed
(Alayhi assalatou wassalem), ce qui était capital c’était l’acquisition du
savoir et l’édification d’une civilisation telles celles existantes à l’époque,
ou meilleure, en s’appropriant la science et en diffusant les valeurs de
l’islam.
L’histoire de la transmission du pouvoir depuis les premiers temps de l’islam a
été sanguinaire, trois khalifes ont été assassinés à cause de la lutte pour le
pouvoir: Omar Ibnou Al Khattab, Othman ibnou Affen et Ali Ibnou Abi Talib, dont
deux tués alors qu’ils faisaient la prière.
Les Occidentaux qui veulent user de l’islam politique pour préserver leurs
intérêts oublient très souvent que la magie risque fort de se retourner contre
les magiciens, que cela n’arrive pas qu’aux autres, et que la réforme de la
religion catholique a eu lieu, pas celle de l’islam, sauf peut-être celle de
Daech en ce moment et qui est porteuse de sang et de larmes!
Lire la Partie I : Tunisie-Pré-élections: Du sang, de la sueur mais pas de
labeur (Partie I)
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