Des
femmes qui s’imposent par force qualifications et compétences, des femmes qui
brillent et se distinguent dans leurs études, ne peuvent être réduites à de
simples procréatrices ou génitrices.
Même si dans la Bible d’Ennahdha, expression politique de la confrérie des
frères musulmans fondée pendant la première moitié du 20ème siècle par un
instituteur rétrograde et arriéré portant le nom de Hassan Al Banna, “Les femmes
seraient la cause du chômage, et leur rôle devrait se limiter à porter des
enfants et leur inculquer une bonne éducation pour en faire de bons musulmans”.
Pourtant, sans aller trop loin dans le passé, et rien qu’en citant les résultats
du baccalauréat 2014, nous ne pouvons manquer de rappeler que les deux majors
des 7 lauréats à l’échelle nationale sont des jeunes filles. Il s’agit de Imen
Ayadi du Lycée pilote de Sfax dont la moyenne a été de 19,76, et d’une autre
jeune fille littéraire du gouvernorat de Monastir qui a eu son bac avec 15,97.
Et pour éviter le sempiternel retour à la place et au rôle des femmes en Tunisie
et à travers les âges, il suffit de rappeler qu’elles ont toujours été des
travailleuses acharnées depuis la nuit des temps. Et ce qu’il s’agisse de leur
présence affirmée dans les secteurs agricole ou artisanal avant de devenir, CSP
aidant et indépendance acquise, de véritables actrices dans l’édification de la
Tunisie et son développement économique.
Pour ne prendre que deux simples indicateurs dans le domaine des technologies de
l’information et de la communication, précise Slim Gahbiche, directeur de
distribution à Hexabyte qui cite les résultats d’une étude sur les femmes et les
TIC: “la femme tunisienne représente aujourd’hui 40% des internautes et 15% de
la main-d’œuvre dans le secteur TIC. 17% des nouveaux projets dans les TIC sont
créés par les femmes et 33,3% des femmes qui utilisent les TIC sont actives dans
le secteur des services, suivi par ceux du commerce (27%) et l’industrie
(11,9%)”.
87% des femmes possèdent leur portable, dont près de 98% sont des téléphonies
prépayées et leurs dépenses moyennes ne dépasseraient pas les 28,5 D/mois.
45% ont leurs propres ordinateurs dont 75% usent pour des activités personnelles
et 48% pour des activités professionnelles.
34% des femmes interrogées savent se connecter et naviguer sur Internet, 23% ont
une adresse e-mail, 23% se connectent une ou plusieurs fois par mois et 19% se
connectaient une ou plusieurs fois par semaine.
L’étude a fait savoir également que 82% possèdent un récepteur télé numérique,
41% possèdent un appareil photo numérique, 21% ont le scanner, 15% ont une carte
bancaire et 6% un fax.
Mais la grande avancée des femmes ne concerne pas que ce domaine. 60% du secteur
de la santé toutes spécialités confondues sont occupés par les femmes. A
l’entrée à la Faculté de Médecine 60% des étudiants sont des jeunes filles, à la
sortie 70% des spécialistes sont des femmes. A l’ETAP, 50% des ingénieurs sont
également des femmes, sans parler des secteurs de l’enseignement et des médias
où elles sont majoritaires.
Une étude réalisée par la CNFCE il y a près de 6 ans avec la Banque mondiale
dénombre près de 10.000 femmes chefs d’entreprise. Un nombre qui a connu une
évolution manifeste au cours des dernières années et surtout dans le secteur
industriel.
La présence des femmes est d’autant remarquable dans les secteurs de l’artisanat
et des petits métiers et services. 70% parmi les 360.000 artisans sont des
femmes qui opèrent principalement dans le tissage et la tapisserie.
En Tunisie, les femmes sont omniprésentes dans l’Administration publique, dans
le secteur privé, dans les médias et dans la société civile. Elles
s’investissent corps et âme dans la sauvegarde des acquis de la République, de
la civilité de l’Etat et de l’image rayonnante de la Tunisie à l’international,
en grande partie préservée grâce à elles.
Pourtant, elles ne sont pas nombreuses à occuper des postes en hauts centres des
décisions politiques ou gouvernementales.
La société tunisienne, qui a vu la naissance du premier Code du statut personnel
avant-gardiste et pionnier non seulement dans le monde arabe mais à l’échelle
internationale, serait-elle profondément misogyne?
Les faits le montrent. S’agissant des partis politiques lancés aujourd’hui dans
la course des élections, rares sont les têtes de listes femmes dans les partis
démocratiques. Dans les partis islamistes, ce serait plutôt l’approche
opportuniste qui l’emporterait sur une véritable conviction à propos de la place
incontournable des femmes dans le développement socioéconomique et politique de
leur pays.
La parité et l’égalité des chances à compétences égales ne seront-elles dans la
pratique que de vains mots dénués de sens et de consistance?
C’est peut-être ce qui explique la naissance du mouvement “Femmes de la
République, protectrices de la patrie” (Nissa3 Al Joumhouria, Houmata Al watan).
Car ce sont surtout les femmes qui descendent par milliers accompagnées de leurs
progénitures pour dénoncer la violence, le terrorisme, l’extrémisme religieux et
les tentatives de certains partis de renvoyer la Tunisie 14 siècles en arrière.
Ce sont les femmes qui ont osé braver les LPR lorsqu’elles étaient autorisées et
ce sont elles qui ont envahi la Constituante lorsque le principe de la parité a
été menacé.
Ce sont ces Tunisiennes procréatrices et créatrices, intelligentes et
audacieuses qui s’investissent aujourd’hui pour défendre leur pays contre la
montée de l’extrémisme et du terrorisme. Elles sont les gardiennes du Temple
Tunisie, un temple qu’elles sont déterminées à défendre contre vents et marées,
malgré toutes les menaces et envers et contre tous.