ète dans la plaque du groupe public pétrolier russe Rosneft à Moscou où il a son siège, le 17 mai 2011 (Photo : Dmitry Kostyukov) |
[14/08/2014 15:41:09] Moscou (AFP) Le géant russe du pétrole Rosneft, coupé des marchés américains à cause de la crise ukrainienne, a demandé au gouvernement de l’aider à rembourser sa très lourde dette, qui dépasse 30 milliards d’euros.
Révélée jeudi matin par le quotidien économique russe de référence Vedomosti, l’information a été confirmée ensuite par le gouvernement.
“Les ministères de l’Energie et des Finances étudient ces propositions”, a indiqué, cité par les agences russes, le vice-Premier ministre Arkadi Dvorkovitch, précisant qu’une réponse devrait être apportée dans les deux prochaines semaines.
Ajouté en juillet à la liste noire américaine, Rosneft a depuis assuré qu’il fonctionnait normalement, mais reconnu préparer un plan pour minimiser les conséquences des sanctions.
Selon Vedomosti, le très influent patron de Rosneft, Igor Setchine, un proche du président Vladimir Poutine, a mis sur la table cinq scénarios d’aide. Le plus coûteux consisterait à puiser 1.500 milliards de roubles (31 milliards d’euros), soit la totalité de la dette du groupe, dans le fonds russe créé pour mettre de côté une partie des revenus pétroliers en prévision de temps de crise.
Le journal ajoute qu’il aurait également demandé de se voir accorder de nouvelles licences pétrolières sans appels d’offres, la prolongation d’avantages fiscaux pour les projets dans l’Arctique ou encore un soutien avec des fonds publics à un vaste projet pétrochimique dans l’Extrême Orient.
Contacté par l’AFP, Rosneft s’est refusé à tout commentaire.
Champion pétrolier russe à l’influence grandissante, Rosneft, contrôlé à près de 70% par l’Etat, représente 40% de la production du pays.
Moscou compte sur le groupe pour réaliser ses ambitions dans le pétrole, surtout dans l’Arctique russe. L’objectif est de relancer la production du pays, qui stagne après des années de forte croissance obtenue avec la remise en route des gisements hérités de l’époque soviétique.
Pour cela, Rosneft, qui s’est construit sur les ruines du pétrolier Ioukos de l’opposant Mikhaïl Khodorkovski, a multiplié les acquisitions, laissant filer son endettement. Il a ainsi racheté l’an dernier son concurrent TNK-BP pour 55 milliards de dollars.
Rosneft a également multiplié les partenariats avec les groupes internationaux: le britannique BP détient environ 19% de son capital et l’américain ExxonMobil coopère avec lui dans l’Arctique, l’Extrême Orient ou encore en Alaska.
– accueil glacial –
Ajouté en juillet, avec le numéro deux russe du gaz Novatek, à la liste noire américaine, le groupe se trouve privé d’accès aux financements à long terme sur les marchés américains.
Washington sanctionne aussi, entre autres, la deuxième banque russe VTB, la principale banque d’investissement du pays VEB.
Selon Vedomosti, l’appel de M. Setchine a reçu un accueil glacial au sein du gouvernement et il a peu de chance d’aboutir.
L’Etat, s’il reste peu endetté grâce aux revenus des hydrocarbures, dispose de marges de manoeuvres de plus en plus limitées à cause de la crise. Le fonds dans lequel Rosneft voudrait puiser a déjà été mis à contribution pour des projets d’infrastructures alors que ce n’était pas sa fonction originelle.
ésident russe Vladimir Poutine visite une raffinerie du géant pétrolier public Rosneft dans le port de Tuapse sur la Mer Noire le 11 octobre 2013 (Photo : Alexei Nikolsky) |
Sur la radio Echos de Moscou, le directeur adjoint de la Haute école d’Economie de Moscou, Constantin Sonine, a estimé qu’un feu vert du gouvernement à des “subventions” constituerait un “mauvais signal” concernant le fonctionnement des affaires en Russie, jugeant que Rosneft ferait mieux de réduire ses coûts.
Mais la Russie peut difficilement laisser tomber une entreprise dont le chiffre d’affaires représente près de 10% de son produit intérieur brut et à l’importance aussi stratégique.
Plusieurs analystes se sont inquiétés des conséquences des sanctions sur la production du pays, et donc sur le budget russe, qui dépend pour plus de la moitié des hydrocarbures.
D’autant que les Européens ont décrété un embargo sur les exportations vers la Russie de technologies pour l’énergie, dont elle a fort besoin pour exploiter les gisements de l’Arctique ou encore prolonger la vie de ses gisements anciens avec les nouvelles techniques de forage.
Les analystes de Bank of America Merrill Lynch ont récemment estimé à 500 milliards de dollars les investissements nécessaires dans les 20 prochaines années pour l’Arctique russe. Ils ont prévenu que le succès dépendrait “en grande partie de la coopération entre les compagnies russes et étrangères et de l’évolution des sanctions”.