écliner depuis plusieurs mois (Photo : Daniel Roland) |
[15/08/2014 08:10:41] Berlin (AFP) Beaucoup d’Européens veulent voir dans une hausse des salaires en Allemagne une planche de salut pour la région toute entière mais le patronat allemand ne l’entend pas de cette oreille, et l’essoufflement de l’économie lui donne du grain à moudre.
Les négociations salariales sectorielles au menu dans les mois qui viennent – chez Deutsche Bahn, dans l’industrie du papier, dans l’industrie textile – “vont être difficiles, parce que les perspectives conjoncturelles de l’Allemagne se sont assombries ces derniers temps”, a prévenu cette semaine Ingo Kramer, le chef de la fédération patronale BDA.
Il s’exprimait après une déferlante de mauvais indicateurs pour la première économie européenne, mais avant l’annonce jeudi d’un recul du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre.
L’incertitude règne, les affaires ne sont plus aussi bonnes qu’il y un an, et “cet affaiblissement et cette incertitude vont avoir une incidence sur la politique salariale des mois à venir”. Sous-entendu: n’en attendez pas trop, alors que les derniers accords salariaux en date – +4% dans la sidérurgie par exemple – ont ouvert la porte aux espoirs de salariés longtemps restés sur leur faim.
– appels du pied –
L’Allemagne a vécu des années de retenue salariale, un facteur déterminant dans la compétitivité de ses entreprises.
Dans une zone euro toujours en plein marasme économique, l’idée a fait son chemin chez certains qu’un coup de pouce aux salaires allemands profiterait à tous, en corrigeant le différentiel de compétitivité et en stimulant le pouvoir d’achat des foyers du plus grand marché de la région.
La France est coutumière d’appels du pied en ce sens, dernièrement encore du président François Hollande. La rhétorique a ses partisans aussi en Allemagne, par exemple chez les sociaux-démocrates, initiateurs de la loi sur le salaire minimum.
L’instauration du Smic à 8,50 euros bruts de l’heure au 1er janvier 2015 aura un effet ponctuel positif pour quatre millions de salariés allemands. Pour beaucoup des 38 millions restants, les accords de branche négociés entre partenaires sociaux continueront à définir le rythme d’évolution des salaires.
Les négociations début 2015 dans la métallurgie, secteur géant qui va de l’automobile aux machines-outils et emploie plus de 3 millions de personnes, auront à cet égard valeur de test. Le syndicat IG Metall fixera fin novembre sa revendication. “Impossible de dire où en sera la conjoncture à ce moment-là”, a déjà prévenu le patron des patrons.
– plus qu’en France –
Récemment l’économiste en chef de la Banque centrale européenne (BCE), Peter Praet, s’est prononcé en faveur de revalorisations salariales conséquentes en Allemagne, au vu d’un taux de chômage qui stationne à son plus bas depuis la Réunification, soit 6,7%.
Quelques jours plus tard le chef de la banque centrale allemande Bundesbank, Jens Weidmann, estimait que les salaires avaient une marge de progression de 3% dans un pays où, par endroits “nous sommes quasiment en situation de plein emploi”.
“Nous n’avons pas demandé une hausse des salaires”, a clarifié dans un entretien au Monde cette semaine M. Weidmann, critiqué pour ingérence par le patronat. La Bundesbank dit simplement qu’il est “normal que les salaires augmentent (…) plus que dans les pays de la zone euro où l’économie est faible”.
“Pas faux”, rétorque M. Kramer. Mais “c’est une erreur fatale de croire que des salaires plus élevés chez nous doperaient la croissance” en France ou en Espagne.
“On peut se demander si les Allemands achèteraient des Renault et des Peugeot si leurs salaires augmentaient”, ironisait dans la même veine récemment le quotidien Süddeutsche Zeitung.
Consommeraient-ils allemand et cela permettrait-il de pallier le passage à vide conjoncturel qui se dessine? “Une illusion”, prévenait dans une tribune jeudi le président de l’institut DIW Marcel Fratzscher, pour qui le vrai problème de l’Allemagne réside dans la faiblesse de l’investissement.