On connait la procrastination, tendance à remettre au lendemain (voire plus tard) les tâches désagréables du quotidien. Des chercheurs américains ont développé le concept inverse, celui de la précrastination.
Si Hercule avait été un précrastinateur, il aurait nettoyé les écuries d’Augias, volé les pommes du jardin des Hespérides et dompté Cerbère en huit jours et non en huit ans. Le demi-dieu aurait mis un point d’honneur à s’atteler à ses douze travaux TOUT DE SUITE. Parce qu’être un précrastinateur – le contraire du désormais célèbre procrastinateur – équivaut à refuser d’attendre pour agir et à faire les choses le plus tôt possible.
Ce nouveau profil, qui vous rappellera forcément un proche ou un collègue, a été défini par une équipe de chercheurs du département de Psychologie de l’Université de Pennsylvanie aux Etats-Unis. Durant leurs travaux, relayés par The Guardian, ils ont demandé aux participants de transporter l’un des deux seaux disposés dans un couloir. L’un se trouvait tout près d’eux et l’autre était situé au fond du couloir. A leur grande surprise, les participants ont tous choisi le seau le plus proche d’eux. Un choix qui impliquait pourtant un trajet plus long avec les bras chargés.
“La plupart d’entre nous sommes tous stressés par les choses que nous avons à faire -nous remplissons des To-do lists que nous enregistrons dans nos smartphones et dans notre tête, explique David Rosenbaum, chercheur et auteur de l’étude. Nos conclusions montrent que le désir de soulager le stress que constitue la présence de cette information dans notre mémoire, peut nous conduire à nous surmener.”
Donner une bonne image de soi
L’action serait donc une réponse au spectre de l’angoisse. Cette tentation du coup de balai immédiat relève du “rite d’apaisement”, aux yeux de Xavier Cornette de Saint-Cyr et Jean-Guy Perraud, consultants chez Hexalto Coaching. “On agit en se disant qu’on y gagnera une tranquilité d’esprit immédiate, qu’on n’y pensera plus mais sans se poser la question de la pertinence.” Dans une société hyper connectée où célérité et réactivité sont érigées en devise et devoir, celui qui reste dans le rythme montre qu’il ne perd pas pied.
Mais la pose est un leurre. “Les gens qui réagissent comme ça le font souvent pour donner une bonne image d’eux, l’image de quelqu’un d’hyper réactif”, poursuivent les spécialistes. Une volonté de tout contrôler et de ne pas souffrir de la culpabilité du retardataire, qui cacherait souvent un problème de confiance en soi et d’une incapacité à dire non. “Je me souviens d’un client qui traitait instantanément le dossier qu’on lui apportait, raconte Jean-Guy Perraud. Un autre tombait automatiquement sur son bureau dans les cinq minutes suivantes et il ne maîtrisait plus vraiment son temps.”
Identifier les vraies priorités
Réagir dans la foulée suppose souvent que la réflexion ou la prise de hauteur ont été mises de côté. Pas le temps de s’interroger la véritable importance ou l’urgence de la demande, plus de hiérarchie possible et pas le temps non plus de “prévoir” les choses. “Une bonne gestion du temps suppose programmation et planification”, relève Jean-Guy Perraud.
Le paradoxe du précrastinateur, c’est qu’il creuse lui-même le tonneau dans lequel il se noie. Un tonneau des Danaïdes puisque la volonté de libérer le paysage des tâches désagréables en fait naître de nouvelles en permanence. Mais il partage avec son jumeau des antipodes une même relation conflictuelle avec le temps.
Pour les spécialistes du cabinet Hexalto Coaching, il faut apprendre dire non, à lâcher prise sur cette angoisse. “Le conseil que je donne le plus fréquemment aux gens, poursuit Jean-Guy Perraud, c’est d’identifier la veille pour le lendemain trois tâches importantes qu’il fera quoiqu’il arrive et d’identifier celles qui sont secondaires et qui peuvent attendre.” Mais vous n’êtes pas obligés de vous y mettre tout de suite…
Tiphaine Thuillier
Source : lentreprise.lexpress.fr