Le parti Ennahdha en a tiré une sacrée fierté: neuf hommes d’affaires et pas des moindres font partie de ses listes de candidats aux élections législatives. Le parti Nidaa Tounes fera certainement mieux compte tenu du profil de ses adhérents. Deux noms ressortent.
Pour Ennahdha, Mohamed Frikha, PDG de Telnet et de Syphax Airlines, et concernant Nidaa Tounes, Moncef Sellami, président de One Tech Holding et actionnaire du quotidien «Le Maghreb». Tous les deux sont candidats à Sfax, la ville par excellence des affaires. Tout un symbole.
Qui fait courir les hommes d’affaires à ce poste de député qui demeure en politique de seconde zone? On ne voit cet engouement justifié par l’intérêt que porteront ces entrepreneurs aux travaux en plénière et au sein des commissions et qui consistent en une discussion fastidieuse de projets ou de propositions de loi qui leur seront proposées.
«Mohamed Frikha et Moncef Sellami, tous deux candidats à Sfax, la ville par excellence des affaires. Tout un symbole»
Ils n’auront ni le temps ni l’esprit à s’occuper de telles vétilles. On ne voit pas non plus les 2.300 dinars d’indemnité parlementaire les attirer non plus, eux qui gagnent cette somme en un rien de temps.
Ce sont les honneurs peut être liées à cette fonction qui les intéressent. Là non plus ils ne peuvent pas s’attendre à grand-chose sauf peut-être obtenir un passeport diplomatique qui leur donne certains égards dans les aéroports, eux qui aiment voyager. Mais là aussi l’intérêt est tout à fait relatif.
«…Pour ces partis, l’argent est le nerf de la guerre, plus on en a, mieux on se porte…»
Alors pourquoi? Certains estiment que ce ne sont pas eux qui sont demandeurs. On est venu frapper à leurs portes pour leur demander s’ils acceptent de se porter candidats. Les partis s’attendent à ce que leur geste soit payé de retour sous forme d’aide en monnaie sonnante et trébuchante. Car pour ces partis, l’argent est le nerf de la guerre et plus on en a, mieux on se porte. Alors perdre quelques sièges au profit de leurs financiers attitrés, pourquoi pas en fin de compte.
Quant aux intéressés, ils se feront payer en retour en faisant passer les textes qui serviront leur business ou bien disposeront de la carte de visite qui leur permettra de rencontrer ministres et hauts responsables quand ils veulent et quand cela leur chante pour plaider leur cause et obtenir gain de cause. Ils savent qu’ils seront choyés et que rien ou presque ne leur sera refusé. Il suffit qu’ils le demandent.
«La politique ne peut marcher sans argent, et les partis doivent aller chercher l’argent là où il se trouve…»
On est pleinement dans le donnant-donnant et c’est, estime-t-on de la part des hommes d’affaires que des partis politiques, un bon partage des rôles. La politique ne peut marcher sans argent, et l’argent, les partis doivent aller le chercher là où il se trouve, c’est-à-dire chez les hommes d’affaires, alors que ces derniers ont besoin de reconnaissance et de notoriété et même d’aura et leurs affaires seules ne peuvent les leur procurer. Il leur faut la promiscuité avec la politique pour les obtenir. Chacun est gagnant en fin de compte.
Est-ce pourtant l’alliance de la carpe et du lapin -la carpe étant muette alors que le lapin ne cesse de courir? Rien n’est moins vrai. C’est une alliance faite en conscience, chacun sachant ce à quoi il doit s’attendre et ce qui lui est demandé. Mais la politique, qui est un métier sérieux, y perdra, car ces députés-hommes d’affaires n’auront pas beaucoup de temps à consacrer au travail parlementaire harassant et contraignant. A la limite ils feront de temps en temps acte de présence quand ils en auront le temps et le loisir.
«… Ces députés-hommes d’affaires n’auront pas beaucoup de temps à consacrer au travail parlementaire harassant et contraignant»
Dans d’autres pays les hommes d’affaires ont résolu la question en faisant élire en leur nom des hommes-liges, totalement dévoués à leurs bienfaiteurs et qui feront tout pour leur faire plaisir. Mais nos hommes d’affaires cherchent peut-être à passer par la phase «présence directe» avant de laisse la place plus tard à des remplaçants totalement fidèles.