ées de Facebook à Lulea, en Suède, le 7 novembre 2013 (Photo : Jonathan Nackstrand) |
[29/08/2014 05:49:58] Paris (AFP) Dans la bataille mondiale des supercalculateurs, de plus en plus acharnée, la France entend peser par le biais de la coopération européenne face aux montants exorbitants dépensés par les Etats-Unis, le Japon et désormais la Chine.
Longtemps animé par la rivalité américano-nippone, le classement Top 500 qui fait le point deux fois par an sur les plus puissants ordinateurs au niveau mondial, est dominé depuis juin 2013 par une machine chinoise, Tianhe-2, et ses 33 pétaflops de calcul.
“Les Chinois ont fait le choix de la puissance technologique, mais le coût de leur simulation n’est pas optimisé car la machine est trop en avance, et les applications ne sont pas encore en adéquation”, explique Jean-François Lavignon, qui supervise le développement et la conception des superordinateurs chez Bull, le leader français du secteur.
La performance de calcul, actuellement comptabilisée en pétaflop, ce qui représente un million de milliards d’opérations par seconde, devrait néanmoins se mesurer à l’horizon 2020 en exaflop, soit un milliard de milliards d’opération par seconde.
La Chine, qui a dans sa manche deux machines de 100 pétaflops prévues pour l’année prochaine, projette d’atteindre en premier ce cap dès 2018 avec ses propres composants, se passant donc du monopole des fabricants américains Nvidia, Intel et AMD.
“Le Japon va investir un milliard d’euros pour arriver à l’exaflop, et la Russie et l’Inde, certes moins avancés, vont dépenser les mêmes montants”, souligne Jean-François Lavignon.
La France, seule, pouvait difficilement espérer rivaliser. Son salut est passé par un programme décidé en 2010 au sein de l’Union européenne, PRACE (Partnership for Advanced Computing in Europe).
“Nous disposons d’un budget de 530 millions d’euros sur 5 ans et d’un ensemble de calculateurs équivalant à 75% de la puissance de calcul de toute l’Europe”, indique Jean-Philippe Proux, responsable des opérations du Grand Equipement National de Calcul Intensif (GENCI), la société civile qui représente la France au sein de PRACE.
GENCI a notamment mis à disposition depuis fin 2011 la machine Curie, conçue par Bull et 26e du dernier Top 500, installée au Très Grand Centre de Calcul (TGCC) du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) dans l’Essonne.
– Le CEA, pionnier –
Historiquement, le CEA a été le pionnier en France des superordinateurs en raison de la nécessité de simuler le fonctionnement de la charge nucléaire dans le cadre du maintien de la dissuasion, mais il a su ensuite s’ouvrir à d’autres domaines.
“L’utilisation des supercalculateurs se répand au fur et à mesure que leur importance émerge au niveau mondial”, affirme Pierre Leca, chef du département sciences de la simulation et de l’information au CEA.
A côté de la recherche purement scientifique comme sur la structure du génome et la maladie d’Alzheimer, les applications industrielles se taillent désormais la part du lion.
“La simulation a évolué assez récemment de la vérification de la viabilité d’un concept technique au design créatif de nouvelles formes de produits”, résume Jean-François Lavignon.
Dans ce but, le TGCC héberge également le Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) ouvert en 2003, où le CEA collabore avec douze grandes entreprises partenaires, dont Safran, EDF, Thales et Valeo, sur le supercalculateur Airain.
Parmi les réussites notables, Renault a réalisé sur Curie la première simulation intégrale d’un crash-test de voiture et L’Oréal a reproduit avec Airain l’effet d’une laque sur différents types de cheveux.
“L’accès à Curie est gratuit même pour les industriels, les résultats de leurs projets étant soumis à publication”, précise Jean-Philippe Proux.
Les supercalculateurs offrent ainsi un atout majeur pour ces entreprises qui peuvent s’offrir de l’innovation et de la compétitivité afin de répondre aux défis de la mondialisation.
“Un des rôles de GENCI est de convaincre les PME de l’intérêt de recourir au calcul intensif qui peut leur faire gagner des parts de marché comme cela a été le cas pour HidrOcean qui a travaillé sur l’aquaplanning et a ensuite monté une filiale aux Etats-Unis”, rappelle Jean-Philippe Proux.
“Les grandes sociétés de services à l’image de Google ont compris que la maîtrise de l’infrastructure de calcul était très importante”, observe par ailleurs Pierre Leca.
Les multinationales d’internet comme Google mais aussi Amazon et Facebook, qui investissent massivement, pourraient bien supplanter les Etats au cours de la prochaine décennie dans la course des superordinateurs.