Le Brésil en récession à presque un mois des élections

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édération nationale des travailleurs ruraux (CONTAG) à Brasilia le 28 août 2014 (Photo : Evaristo Sa)

[29/08/2014 15:37:17] Rio de Janeiro (AFP) Le Brésil, septième économie mondiale, est entré en récession après deux trimestres consécutifs de contraction, une mauvaise nouvelle pour la présidente Dilma Rousseff dont la réélection en octobre est déjà menacée.

Selon les données officielles divulguées vendredi, à un peu plus d’un mois des élections présidentielle et législatives, le produit intérieur brut (PIB) du géant émergent d’Amérique latine a reculé de 0,6% au deuxième trimestre par rapport au premier.

L’Institut brésilien de Géographie et des statistiques (IBGE, étatique) a aussi revu à la baisse la performance du premier trimestre, de +0,2% à -0,2%.

La première économie du sous-continent vient ainsi d’enregistrer deux trimestres consécutifs de recul, synonymes de récession.

L’IGBE attribue notamment ce phénomène à la crise de la production industrielle et à la grande quantité de jours fériés décrétés pendant la Coupe du monde de football (12 juin au 13 juillet).

Le Mondial a paralysé l’activité industrielle, qui a reculé d’1,5% au deuxième trimestre, et les services (-0,5%), avec une chute du commerce de 2,2%, dans un contexte de faible consommation des ménages (+0,3%).

Et les incertitudes sur le résultat des élections ont accentué la baisse des investissements (-5,3%).

La récession n’arrange pas les affaires de la présidente-candidate de gauche Dilma Rousseff, déjà très critiquée par ses rivaux sur le front économique.

D’autant que l’entrée en lice inattendue de l’écologiste Marina Silva, après la mort de son allié socialiste Eduardo Campos dans un accident d’avion le 13 août, a bouleversé la campagne.

Deux sondages publiés cette semaine donnent Mme Silva largement victorieuse en cas de probable second tour face à Dilma Rousseff, qui reste la favorite du premier tour du 5 octobre.

– ‘Pas coulé’ –

Le recul du PIB “sera sûrement utilisé par les adversaires de Rousseff pendant la campagne pour attaquer son maigre bilan sur la croissance et l’inflation”, estime Robert Wood, analyste d’Economist Intelligence Unit.

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ébat télévisé à Sao Paulo le 26 août 2014 (Photo : Miguel Schincariol)

“Les marchés répondent de manière positive aux derniers sondages signalant que la réélection de Rousseff est menacée”, relève-t-il, et l’arrivée au pouvoir de Marina Silva ou du social-démocrate Aecio Neves (PSDB) contribuerait à rétablir la confiance des milieux économiques.

L’entrée en récession “va sensiblement affecter Dilma, cela fait partie du jeu”, commente à l’AFP André Perfeito, analyste économique du consultant Gradual Investimentos.

“Le Brésil n’est pas pour autant coulé”, ajoute-t-il, prévoyant comme la plupart des analystes une croissance modérée au second semestre.

Le premier trimestre “a été très, très mauvais”, analyse-t-il. “Nous avons eu des menaces de coupures d’électricité et de rationnement d’eau” – à cause de la sécheresse dans le sud-est industriel -, “le Brésil a souffert de l’abaissement de sa note souveraine par Standard and Poor’s, et ses exportations ont beaucoup pâti de la crise en Argentine”.

Pour l’économiste Caio Megale, interrogé par le journal Valor, le recul du PIB “est en grande partie dû à des facteurs conjoncturels comme le Mondial, même si d’autres sont plus structurels comme les taux d’intérêt plus élevés (11%) et la baisse de la confiance”.

Dilma Rousseff, dont le mandat a été marqué par quatre ans de croissance molle après l’euphorie des années Lula, attribue le mauvais comportement de l’économie à la crise internationale.

Mais ses adversaires relèvent que le Brésil croît sensiblement moins que la plupart des économies émergentes.

Ils lui reprochent d’avoir laissé dangereusement filer l’inflation pour soutenir en vain la croissance et un interventionnisme, via notamment des exonérations fiscales, qui a entamé la confiance et plombé les marges du géant pétrolier étatique Petrobras.

– ‘Douleurs de croissance’-

Le gouvernement a réduit ses prévisions de croissance pour 2014 à 1,8%. Le marché table sur à peine 0,7%.

“L’impression de certains économistes que le Brésil est en faillite est erronée”, prévient M. Perfeito.

Après le boom du début des années 2000, “l’économie brésilienne a ralenti, entre autres raisons parce que la consommation des ménages alors dopée par l’accès au crédit a cessé d’augmenter”, explique-t-il.

“Mais, de manière générale, l’économie brésilienne a acquis une autre dimension et va continuer à croître à l’avenir. Le Brésil a des douleurs de croissance”.

Après un pic de 7,5% du PIB en 2010, l’économie a progressé de 2,7% en 2011, 1% en 2012 et 2,5% en 2013.