Le partenariat public-privé (PPP), perçu par certains, en Tunisie, comme une atteinte à la souveraineté de l’Etat ou une cession au profit des privés, est au contraire un outil nécessaire pour réaliser le développement espéré, ont souligné, jeudi, à Tunis, les intervenants à une conférence organisée par l’Association des anciens Officiers de l’armée nationale (AAOAN).
Combler le déficit de financement des grands projets est également l’un des autres principaux objectifs du PPP, ont-ils dit, lors de cette manifestation, tenue sur le thème “le partenariat PPP, un outil de développement des infrastructures”.
D’après le colonel major Mahmoud Mzoughi, président de l’AAOAN, “le volet économique est devenu très lié aux questions de sécurité et il faut résoudre les problèmes d’ordre économique et social pour mettre fin à la menace terroriste et aux fléaux de la contrebande et du commerce parallèle”.
“Pour lutter contre le terrorisme, il faut revenir à ses origines et réaliser le développement… et mettre fin à la marginalisation de certaines régions du pays”.
Le responsable militaire à la retraite estime que l’approche sécuritaire doit prendre en compte ce côté économique, car “pour lutter contre le terrorisme, il faut revenir à ses origines et réaliser le développement, améliorer les conditions sociales et mettre fin à la marginalisation de certaines régions du pays”. Or, ce développement ne peut se réaliser sans un meilleur engagement du secteur privé “qui a des potentialités énormes et peut accompagner le secteur public, à travers des contrats PPP, pour la réalisation de grands projets au profit de la population”, a soutenu le colonel major Mzoughi.
Partageant le même avis, le Colonel major Moncef Amri estime, pour sa part, que la marginalisation de certaines régions du centre-ouest, du nord-ouest et du sud-est est derrière la prolifération du terrorisme. Il a indiqué que l’association consulte les économistes tunisiens, dont une grande majorité plaide pour l’amélioration des conditions socio-économiques dans ces régions, afin de faire face à la menace terroriste.
Le PPP fait de l’Etat un accompagnateur…
Jalloul Ayed, ancien ministre des Finances, invité par l’Association à cette conférence, a été catégorique en soulignant que “sans l’investissement, on ne peut résoudre les problèmes de notre pays, notamment le chômage et le retard de développement des régions de l’intérieur”.
M. Ayed plaide, par ailleurs, pour un changement de la manière dont l’Etat gère le pays, car ce dernier “a trop pris sur lui” d’après ses dires. Il préconise “une troisième voie”, celle du partenariat public-privé qui fait de l’Etat un accompagnateur, c’est-à-dire qui ne décide pas “tout seul” mais invite la société à participer aux grands projets, l’aide à “s’aider elle-même” et prépare le terrain à des joint-ventures public-privé.
“Le PPP n’est nullement un partenariat traditionnel. Il faut élaborer en amont des cadres réglementaire et juridiques pour structurer les transactions dans le cadre du PPP…”
Pour l’ancien ministre des Finances, le pays a besoin d’actions et d’audace politique pour résoudre les problèmes actuels, faisant allusion à la réticence des parlementaires tunisiens à adopter le texte de loi sur le PPP.
Jalloul Ayed a encore souligné que le PPP n’est nullement un partenariat traditionnel. En fait, il faut élaborer en amont des cadres réglementaire et juridiques bien établis pour structurer les transactions dans le cadre du PPP.
Il a aussi évoqué comme condition de réussite pour ce genre de partenariat, des relations de confiance entre les structures publiques et privées, le respect mutuel, la volonté de partager les risques et la flexibilité des deux parties.
M. Ayed n’a pas manqué d’évoquer des exemples édifiants de partenariat public-privé, au Maroc dans le domaine du transport urbain, au Mexique et dans d’autres pays comme l’Egypte.
Le PPP n’est pas une cession de la souveraineté de l’Etat
Quant à Khaled Amri, directeur au sein du cabinet de conseil Ernest&Young, il a déclaré, à l’agence TAP, en marge de cette conférence, que le PPP est un moyen qui existe et dont il faut profiter, car le pays a besoin de construire, mais n’en a pas les moyens.
Il définit le partenariat comme “un contrat clé-en-main qui permet à un pays d’accéder à une source de financement assez large, via des méthodes standardisées”.
“Soit on se cache derrière nos peurs et on crie aux loups, soit on est audacieux et on se lance dans cette alternative pour faire comme beaucoup d’autres pays…”
Il s’agit aussi d’un levier pour pouvoir exécuter plusieurs projets en même temps et répondre aux attentes du peuple en matière de développement et d’emploi.
L’Etat peut ainsi s’appuyer sur le secteur privé et réaliser de grands projets en toutes transparence et équité, tout en engageant des compétences et un potentiel d’études très intéressant pour des projets durables.
Qu’est-ce qui empêche cet outil de se développer en Tunisie? Amri estime qu’il y a dans le pays un malentendu et une “phobie PPP”. “Beaucoup le considèrent comme une privatisation ou une cession de la souveraineté de l’Etat, or cela est faut”, déclare-t-il. “Soit on se cache derrière nos peurs et on crie aux loups et par conséquent on n’avance pas, soit on est audacieux et on se lance dans cette alternative pour faire comme beaucoup d’autres pays, tels que le Maroc, en vue de réaliser le développement escompté”, lance Amri.
WMC/TAP
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