à Iakoutie, en Sibérie orientale, le 1er septembre 2014 (Photo : Alexey Nikolsky) |
[01/09/2014 14:30:07] Moscou (AFP) En pleine guerre du gaz avec l’Ukraine et escalade des sanctions avec les Occidentaux, Vladimir Poutine a lancé lundi la construction du gazoduc par lequel la Russie va exporter massivement du gaz à la Chine et rééquilibrer ses échanges commerciaux vers l’Asie.
“Nous lançons le plus grand projet de construction au monde. Il n’y en aura pas de plus important dans un avenir proche”, a souligné le président Poutine, cité par les agences russes lors d’une cérémonie en Iakoutie, en Sibérie orientale.
“Mais ce qui compte, ce ne sont pas les records, c’est qu’il s’agit d’un projet très important pour la Fédération de Russie comme pour la République populaire de Chine”, a-t-il ajouté.
Le gazoduc “Force de Sibérie”, d’une longueur totale prévue de 4.000 kilomètres pour une capacité de 61 milliards de mètres cubes, doit permettre de relier les gisements de Sibérie Orientale au réseau gazier existant et de le prolonger vers l’Extrême-Orient, jusqu’à Khabarovsk et Vladivostok. Sa construction et celle des infrastructures liées est estimée à 55 milliards de dollars.
Il doit surtout permettre à Moscou, dont les revenus proviennent en majorité des hydrocarbures, d’honorer l’accord signé en mai avec Pékin après dix ans de difficiles négociations, aux termes duquel la Russie doit livrer pour la première fois du gaz à la Chine par gazoduc.
Ce mégacontrat est estimé à 400 milliards de dollars sur 30 ans et prévoit des livraisons de 38 milliards de mètres cubes par an à partir de 2018.
La construction du tronçon chinois doit commencer au premier semestre 2015, a précisé le vice-Premier ministre Zhang Gaoli lors de la cérémonie.
Les exportations de gaz russe se font actuellement vers les pays d’ex-URSS et surtout de l’Union européenne mais Gazprom espère développer sa présence en Asie grâce ce gazoduc et grâce aussi à la construction d’une usine de liquéfaction du gaz à Vladivostok.
Le patron de Gazprom, Alexeï Miller, a indiqué aux agences russes espérer la signature en novembre d’un nouveau contrat gazier avec Pékin pour un autre gazoduc, qui passerait plus à l’ouest.
– Exportations record de pétrole –
Force de Sibérie “va sans aucun doute être d’un grand secours quand il atteindra sa pleine capacité au début des années 2020” pour rééquilibrer les exportations russes, estime Valéri Nesterov, analyste de Sberbank CIB.
“Cela permettra de stabiliser la situation financière de Gazprom, menacée par la concurrence accrue et la perspective d’une baisse des prix qui en découle”, ajoute-t-il.
Les Européens cherchent en outre à réduire leur dépendance au gaz russe alors que la nouvelle “guerre du gaz” opposant Kiev et Moscou risque de perturber leurs approvisionnements pendant l’hiver.
Plus généralement, l’accord chinois correspond à une volonté de Moscou de rééquilibrer son commerce extérieur, actuellement tourné vers l’UE, en faveur des pays asiatiques. Cette nécessité, dictée par la situation économique plus dynamique en Asie qu’en Europe ces dernières années, a été renforcée par la crise sans précédent depuis la Guerre froide entre Moscou et les Occidentaux.
Côté pétrole, un autre mégacontrat conclu en 2013 commence déjà à avoir des effets. Mi-août, le Wall Street Journal avait calculé, en se basant sur des données d’analystes, que 30% des exportations de pétrole de la Russie avaient été dirigées vers la Chine depuis le début de l’année, du jamais vu, contre 20% en 2012.
Les autorités russes comptent par ailleurs sur “Force de Sibérie”, qui exige des investissements monstres, pour soutenir l’économie russe, au bord de la récession à cause de la crise ukrainienne et des sanctions économiques occidentales de plus en plus sévères.
Le gazoduc attise les convoitises du géant public du pétrole Rosneft, aux fortes ambitions dans le gaz, qui a menacé de saisir la justice si Gazprom ne lui donnait pas accès au tuyau.
Malgré les refus nets du groupe gazier, Vladimir Poutine a semblé trancher en faveur de Rosneft, dirigé par l’un de ses proches, Igor Setchine, et fragilisé par des sanctions américaines, en se prononçant en faveur d’une ouverture à la concurrence du gazoduc.