“Les hommes d’affaires sont-ils les bienvenus en politique ?” Telle est la question en vogue ces temps-ci, suffit-il de savoir gérer son entreprise pour garantir son succès dans la vie politique ?
L’histoire regorge d’exemples d’hommes et de femmes d’affaires qui ont réussi, à divers degrés de succès, leur transition en politiciens. Nombreux sont ceux qui pensent que les “stars” du monde de business sont les mieux équipées pour percer dans le monde de la politique, car ils sont généralement des visionnaires et de fins stratèges qui savent comment accomplir les objectifs qu’ils se fixent.
D’autres persistent à croire que le succès au “marché” ne qualifie pas automatiquement pour le service public car il s’agit d’une “entreprise” totalement différente, avec des objectifs différents et des valeurs différentes. Ils soutiennent que le talent qu’ont certains pour développer des entreprises privées et faire de gros profits n’est pas exactement celui requis pour courtiser les électeurs ou gérer leurs besoins.
Il est clair que les qualités de leadership requises pour un “businessman” et un politicien sont presque identiques. Si on se veut protagoniste dans l’un de ces deux mondes, l’intégrité, la sincérité, le courage, le charisme, les compétences d’analyse et de communication sont des facteurs clés de réussite.
Ce n’est qu’en parlant des valeurs et des principes intrinsèques à chacun de ces deux terrains que le litige pointe son nez. En effet, les valeurs qui animent un homme d’affaires pour réussir sa carrière n’ont rien à voir avec celles qui guident un politicien “digne de son titre”. Un homme d’affaires peut choisir son champ de bataille en fonction de son expertise, de son capital d’investissement ou des conditions du marché ; un homme politique n’a pas ce luxe, il ne peut que faire face aux problèmes et besoins de ses électeurs, qui diffèrent des siens, compte tenu du statut socio-économique qui les sépare.
Un homme d’affaires peut choisir ses employés, ceux qui lui ressemblent et partagent ses idéaux ; un politicien n’aura pas une telle chance car ses interlocuteurs ne seront ni clients ni employés ; ils le suivront de leur propre gré, une fois qu’ils ont été convaincus par ses valeurs, sa vision, son engagement et sa détermination.
Un homme d’affaires définit son succès par les profits et la valeur actionnariale ; tandis qu’un politicien voit sa réussite dans sa capacité d’aider les gens, d’améliorer leur vie, de maintenir des services et une administration efficace, même en l’absence d’argent.
En ce qui me concerne, je n’arrive pas à formuler une position solide dans ce débat, et au risque de décevoir certains, je trouve que la vraie question est ailleurs : Qu’est-ce qui motive certains hommes d’affaires à quitter leur domaine de prédilection, là où ils ont fait leurs preuves et leurs fortunes, pour s’aventurer dans une vie politique ingrate et truffée de terrains minés ?
Mise à part la réponse évidente de l’ego, il faudrait se demander si ces hommes d’affaires ne se présentent au pouvoir que pour façonner des politiques publiques qui aident… les affaires.
Le danger réel, à mon sens, n’est pas les hommes d’affaires convertis à la politique, mais c’est plutôt la faiblesse des institutions qui permettent de surveiller la fidélité des politiciens aux promesses de leurs campagnes et de délimiter leurs responsabilités devant leurs électeurs.
Dans les démocraties solides et matures, ces instances de régulation et de surveillance sont fortes, elles permettent de garder à l’œil tout politicien ; qu’il soit homme d’affaires ou pas, afin de limiter ses chances d’influencer les politiques publiques dans un sens qui ne répond pas aux aspirations de ses électeurs.
Ce qu’on note dans ces démocraties, c’est que les “businessmen” ne se bousculent pas pour accéder à l’arène politique. En revanche, lorsque ces institutions sont faibles, comme c’est généralement le cas dans les démocraties immatures telle que la Tunisie, servir le peuple peut s’avérer très lucratif, et personne ne peut blâmer ce peuple s’il remet en question les vraies intentions de ces hommes d’affaires ou des partis qu’ils représentent.