L’Argentine débat pour pouvoir payer sa dette à Buenos Aires, voire à Paris

35512e04452ddbc89fa4ebf1f3a9e421ddd6a629.jpg
énat argentin à Buenos Aires

[03/09/2014 14:04:40] Buenos Aires (AFP) Le Sénat argentin débat mercredi le projet de loi visant à rapatrier le lieu de paiement de la dette à Buenos Aires, voire à Paris, une stratégie pour contourner le blocage imposé à New York par la justice américaine.

Le texte, qui sera également soumis au vote des députés, a toutes les chances d’être approuvé car la présidente de centre-gauche Cristina Kirchner a la majorité dans les deux chambres du Parlement.

Mme Kirchner a proposé cette alternative après l’échec de négociations pour régler un vieux litige avec des fonds “vautours”, vainqueurs d’un procès aux Etats-Unis, qui oblige l’Argentine à leur verser 1,3 milliard de dollars soit 100% de la valeur des bons, alors que 93% des créanciers ont accepté de ne toucher que 30% à l’issue des restructurations de 2005 et 2010.

Un groupement de 450.000 petits porteurs italiens et le milliardaire mexicain David Martinez, un proche de Kirchner, ont d’ores et déjà manifesté l’intention de se présenter au guichet à Buenos Aires.

Ils pourraient aussi le faire à Paris: “pendant le débat d’aujourd’hui (mercredi), le groupe parlementaire majoritaire (soutien de Cristina Kirchner, ndlr) proposera d’ajouter que la France soit une autre alternative, en plus de l’Argentine”, a indiqué à l’AFP une source parlementaire sous couvert d’anonymat

Pour l’Argentine, le temps presse. Une échéance de sa dette restructurée (de 200 millions de dollars) est due au 30 septembre et elle ne veut pas s’exposer à des demandes de remboursement anticipé que pourraient exiger ses créanciers en cas de non paiement prolongé.

La précédente échéance, de 539 millions de dollars, a été versée sur le compte habituel par lequel transitent les remboursements, mais la somme est retenue par Bank of New York (BoNY), l’agent fiduciaire, à la demande du juge américain Thomas Griesa.

Plusieurs créanciers se sont retournés contre BoNY pour non-paiement du montant dû, notamment des créanciers brésiliens et le milliardaire américain George Soros.

– Paradoxe –

La situation est paradoxale. Le versement bloqué, les agences de notation ont jugé que l’Argentine était en “défaut de paiement partiel”.

Buenos Aires récuse cette qualification. Pour démontrer sa solvabilité et sa volonté d’honorer ses dettes, le gouvernement argentin a depuis réglé 3 milliards de dollars à la Banque interaméricaine de développement (BID).

Pour la présidente argentine, le blocage de la somme par le juge Griesa est “illégale”. Ce dernier répond dans les mêmes termes: selon lui, l’Argentine entreprend une démarche “illégale” et se dérobe à la justice américaine.

Cette impasse a provoqué une grande incertitude dans les milieux économiques en Argentine, déjà fragilisée par une récession, une inflation de 30%, un déficit budgétaire et énergétique, et une baisse des réserves de devises.

Dans un pays où il existe un contrôle des changes sévères, la course aux dollars s’est accentuée et l’écart entre le taux de change officiel peso-dollar et le taux au marché noir atteint 70%.

L’Argentine se justifie en disant que si elle applique le jugement du juge Griesa, c’est le processus de désendettement approuvé par 93% des créanciers qui serait menacé. Elle invoque pour cela la clause RUFO du contrat de dette, qui stipule que si Buenos Aires offre de meilleures conditions à un créancier, les autres peuvent exiger le même traitement.

Un tel cas de figure coûterait 120 milliards de dollars à la 3e économie latino-américaine, selon le calcul de cabinets de conseil privés, alors que ses réserves sont sous la barre des 30 milliards.

L’économiste argentin Pablo Tigani estime que le gouvernement doit désormais “tenir jusqu’à ce que la clause RUFO expire”, au 1er janvier 2015.

L’opposition à Mme Kirchner votera contre le projet de loi même si elle pense elle aussi que “l’application du jugement du juge Griesa est impossible”, selon le député centriste Sergio Massa, candidat à la présidentielle de 2015 et un des chefs de file de l’opposition.

Le vote des députés devrait intervenir au cours de la 3e semaine de septembre.

Le cas argentin a conduit l’Association internationale des marchés de capitaux (ICMA), qui rassemble les principales banques, investisseurs et émetteurs de dettes du monde, à publier de nouvelles règles: si les créanciers détenant au moins 75% de la dette sont d’accord pour restructurer la dette, leur décision s’imposera aux détenteurs de la dette hostiles à un tel accord.