Une armada de lois est à ce jour tenue en otage à cause de l’ignorance d’une majorité de constituants de l’importance de la chose économique dans la stabilité et la sécurité sociopolitique d’un pays. Ou peut-être parce nombre d’eux, dont les limites intellectuelles sont aujourd’hui connues du grand public, n’ont pas encore été privés de leurs émoluments.
Toujours est-il qu’il y a des lois desquelles dépendent de millions de Tunisiens qui dépendent du bon vouloir de ces constituants. Pour ne citer que l’article 13 de la Constitution sur l’exploitation des ressources naturelles, sale, bête et méchant, la loi sur le partenariat public/privé, celle sur les énergies renouvelables, une autre sur la concurrence et sur les procédures collectives et une autre concernant l’accès à l’information.
Que de lois en suspens pendant que le Sieur Mostapha Ben Jaâfar se prélassait au bord des plages hammamétoises avec la tête tournée d’ores et déjà vers l’élection présidentielle, et les autres constituants incapables de travailler pendant les grosses chaleurs, et préférant se consacrer à leurs prochaines campagnes électorales!
Même la loi antiterroriste pour protéger la vie de leurs électeurs n’a pas trouvé grâce à leurs yeux! Mais passons, car pendant ce temps, Jomaâ et son gouvernement ont planché sur la préparation du Forum «Invest in start-up democracy» qui se tient lundi 8 septembre à Tunis.
«Oui nous estimons qu’il est de notre devoir d’oser la révision du modèle économique. Les gouvernements passent, l’Etat reste et tout ce que nous avons entrepris à ce jour est l’expression de notre sens de la responsabilité envers notre peuple et notre patrie. Ceci dit, les mesures prises ou les stratégies que le gouvernement compte suivre émanent d’une série de débats et de concertations avec les partenaires sociaux et les représentants de partis politiques et de la société civile».
C’est ainsi que s’est exprimé Mehdi Jomaâ, chef du gouvernement, lors d’une rencontre avec les journalistes à l’occasion de la tenue prochaine du Forum international «Invest in startup democracy, invest in Tunisia».
Le chef du gouvernement a brossé un tableau assez optimiste de la situation actuelle du pays. «Nous avons fait le nécessaire pour repositionner la Tunisie à l’international et surtout lui donner la visibilité politique, sécuritaire et sociale nécessaire pour récupérer la confiance de nos partenaires et attirer d’autres investisseurs».
M. Jomaâ a tenu à préciser que la terminologie choisie, à savoir “start-up“ est valorisante et offre nombre d’opportunités aux investisseurs dans un pays comme la Tunisie où tout est en mouvement.
Une start-up est un moteur et c’est ainsi que le monde doit désormais voir la Tunisie. Un pays en pleine mutation qui s’oriente vers un avenir plein de promesses dans une région pleine d’incertitudes. De la stabilité de la Tunisie dépendrait l’évolution des projets visant la «démocratisation» progressive des pays de la région. La Tunisie peut être un modèle, à condition que la productivité suive, que la valeur travail reprenne sa place et que le leadership appréhende autrement la chose politique et économique.
«En économie, nous voulons passer de l’Etat planificateur à l’Etat régulateur, et c’est ce que nous expliquons dans la note stratégique que nous soumettrons aux participants au forum de très haut niveau qui représenteront leurs Etats».
L’ignorance tue
Mehdi Jomaâ a bien précisé qu’il ne veut pas de donations, mais des investissements: «Toutes les expériences des conférences de donateurs ont échoué. Nous voulons un pays qui marche et des investisseurs qui croient en lui. Et je vous assure, la Tunisie est capable de réussir si nous nous unissons tous autour d’un même socle de valeurs, si nous préservons notre modèle de société et si nous nous mettons sérieusement au travail. Nous avons toutes les chances de dépasser ce cap difficile».
Sur la bonne voie, une phrase que n’a pas arrêté de répéter le chef de l’exécutif, surtout parce que malgré les milliers de journées de grève, les actes terroristes et les troubles sociaux, le pays a réalisé 2,1% de croissance: «Parce que nous prenons les mesures qui s’imposent dans l’intérêt de notre pays. Nous assumerons nos responsabilités en la matière».
Rappelons à ce propos que les constituants qui coûtent aux contribuables les yeux de la tête, qui n’assistent pas aux discussions des lois déterminantes pour le pays, ont fait perdre à la Tunisie des centaines de millions de dollars à cause de leur ignorance. L’un des journalistes présents lors de la conférence s’est dit choqué de voir que le président de la Commission sur l’énergie à la Constituante, celui dont dépend l’accord pour les permis de prospection ou la reconduction des contrats d’exploitation en cours est un maître d’application et que l’une des membres les plus influentes de la commission est une avocate même pas spécialisée dans le secteur énergétique! L’article 13, lui, n’autorise même pas un simple citoyen à forer un puits chez lui pour s’approvisionner en eau. Il paraît que les lumières siégeant à la Constituante ont décidé que toutes les ressources naturelles exploitables doivent être soumises à leur approbation. Le ridicule n’a jamais tué personne, mais l’ignorance tue et appauvrit. Et en la matière, à cause de l’ignorance et des limites intellectuelles de ces élus, favorisés par un malheureux concours de circonstances après le 14 janvier et la bêtise de nombre de gauchistes aux analyses primaires, la Tunisie a perdu plus d’un milliards de dollars de revenus dans le secteur énergétique, sans oublier les -12% de production nationale de pétrole et les recettes fiscales des sociétés de prospection et d’exploitation pétrolière. La Tunisie, qui produisait 68.000 barils/jour, a vu sa production tomber à 50.000 barils/jour. «Miskina hel Bled!»
La nouvelle loi sur les marchés aux normes européennes
Pour Hédi Larbi, ministre de l’Equipement : «Pour le Forum du lundi, notre démarche est simple. Nous allons offrir aux bailleurs de fonds un schéma général et des projets. Nous avons tracé les orientations et anticipé les tendances. Le but est de convaincre nos interlocuteurs que la Tunisie est un pays qui sait où il va et quels mécanismes il compte entreprendre pour mettre en place les réformes adéquates pour arriver à rétablir la situation macro-économique. Nous allons répondre à des questions telles: “Comment renforcer la croissance et l’emploi et améliorer le climat d’affaires et la bonne gouvernance économique“. Nous œuvrons à instaurer de nouvelles traditions pour un investissement public intelligent et une politique sociale équitable».
Les réformes des politiques sociales sont coûteuses, a affirmé M. Larbi, et c’est pour cette raison que nous devons faire le meilleur usage des ressources dont nous disposons, tout comme faire en sorte qu’elles soient réparties de la manière la plus efficiente et la plus utile pour le pays.
Ainsi, pour que les privés investissent dans les régions, il faut que les infrastructures de bases soient implantées, telles des routes expresses liant le littoral aux régions de l’intérieur et vice et versa, ou encore offrir des incitations spécifiques pour les projets à haute valeur ajoutée dans l’aéronautique, l’automobile ou les nouvelles technologies de l’information.
De nouvelles procédures administratives ont été mises en place, a précisé Nidhal Ouerfelli, ministre chargé de la Coordination économique auprès du chef du gouvernement et porte-parole du gouvernement. «Nous nous sommes engagés dans l’allègement des procédures administratives. Il n’est plus question que pour qu’un investisseur acquière une action de 5 dinars dans une entreprise tunisienne, la Haute commission des marchés publics siège sous la présidence du chef du gouvernement. La nouvelle loi sur l’octroi des marchés publics répond aux normes européennes».
Il y a eu des réformes osées et imposées par le gouvernement Jomaâ. Des réformes touchant à la transparence des transactions financières, à la fiscalité, à la levée du secret bancaire, à la réduction du nombre d’opérateurs dans le secteur forfaitaire, à la lutte contre la contrebande et le blanchiment d’argent.
Toutefois, tant que la Constituante sera occupée par des députés plus soucieux de leurs salaires et primes que du pain quotidien des citoyens, et tant que les syndicats seront plus soucieux de leur positionnement que de la préservation du tissu économique du pays, tous les gouvernements du monde n’y changeront rien.