à Lisbonne, le 2 juillet 2014 (Photo : Patricia de Melo Moreira) |
[06/09/2014 14:51:12] Lisbonne (AFP) Promesse de hausse du salaire minimum, coupes moins sévères dans les revenus des fonctionnaires et abandon de la réforme des retraites: le gouvernement de centre droit du Portugal desserre l’étau de l’austérité, à un an des élections législatives.
Jusqu’ici fervent adepte des remèdes de la troïka (UE-BCE-FMI), appliqués avec un zèle inégalé, le bon élève portugais donne des signes de fatigue en matière d’austérité, à peine trois mois après s’être affranchi de la tutelle de ses créanciers.
Grâce à un surplus de recettes de 1,6 milliard d’euros, qui a effacé l’impact des récentes décisions de la Cour constitutionnelle, les députés de la majorité ont adopté jeudi un budget rectificatif pour 2014 dénué de toute nouvelle mesure de rigueur.
“Nous allons respecter le plafond de 4% du PIB fixé pour le déficit public en 2014 sans avoir recours à de nouvelles coupes dans les dépenses ou une augmentation d’impôts”, a assuré la très orthodoxe ministre des Finances Maria Luis Albuquerque.
Quant au budget 2015, le gouvernement a renoncé à remplacer une taxe sur les retraites censurée le 14 août par la Cour constitutionnelle et a fait marche arrière sur la hausse prévue de la TVA et des cotisations sociales. D’où un manque à gagner pour l’Etat qui se chiffre à 622 millions d’euros.
Le gouvernement compte certes instaurer dès septembre des baisses de 3,5% à 10% des salaires des fonctionnaires à partir de 1.500 euros, une mesure validée par la justice jusqu’à fin 2015. Mais il a promis de réduire de 20% ces coupes dès l’an prochain.
“Personne ne va nous prêter de l’argent s’il y a des doutes sur notre crédibilité et notre engagement à baisser les déficits. Des velléités de ce genre seront sévèrement punies par les marchés”, a commenté à l’AFP Joao Cesar das Neves, professeur d’économie à l’Université catholique de Lisbonne.
– Elections en vue –
Au lendemain du verdict de la Cour constitutionnelle, le Premier ministre Pedro Passos Coelho avait annoncé la couleur: il ne fera “plus aucune proposition” pour réformer les retraites “jusqu’aux élections de 2015”.
Pour Antonio Costa, directeur du journal de référence Diario economico, le constat est clair: “c’est pratiquement un retour à la case départ. L’objectif de déficit public à 2,5% du PIB en 2015 est sous pression, car les partis veulent remporter les élections”.
La coalition PSD-CDS au pouvoir a gagné du terrain dans les sondages depuis que l’opposition socialiste se déchire dans une guerre des chefs et n’a toujours pas désigné son candidat au poste de Premier ministre.
C’est dans ce contexte pré-électoral que le gouvernement a promis de relever le salaire minimum à 500 euros bruts, contre 485 euros sur 14 mois actuellement. Le montant avait été gelé dès l’arrivée en 2011 de la troïka, farouchement opposée à une hausse des salaires.
Le gouvernement avait déjà tenu tête à la troïka en juin en refusant de présenter au plus vite de nouvelles mesures d’austérité après un verdict défavorable de la Cour constitutionnelle. Faute d’accord, il a même renoncé à sa dernière tranche d’aide de 2,6 milliards d’euros.
Inquiète d’un certain relâchement dans la mise en oeuvre des réformes structurelles à l’approche des élections, la troïka aura son mot à dire sur le sujet lors de sa première visite de contrôle après la fin du programme d’assistance prévue fin octobre.
“Si l’objectif de déficit reste fixé à 2,5% du PIB en 2015, il sera difficilement tenable, surtout si le gouvernement mise sur la seule reprise de l’activité économique pour augmenter les recettes”, prévient Pedro Lino, analyste de Dif Broker.
D’autant que le gouvernement n’a pas encore intégré dans ses prévisions de croissance l’impact sur l’économie de la débâcle de Banco Espirito Santo qui a ébranlé le système financier portugais.