ésident du Medef Pierre Gattaz et le ministre des Finances Michal Sapin le 28 août 2014 à Jouy-en-Josas (Photo : Eric Piermont) |
[07/09/2014 10:06:30] Paris (AFP) CICE:Pour les embauches, il faudra attendre. Malgré les appels répétés du gouvernement à investir et embaucher, le Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi a d’abord été pour nombre d’entreprises une bouffée d’argent frais pour passer la crise.
Lancé début 2013 et intégré depuis au Pacte de responsabilité, le CICE monte peu à peu en puissance. Sur les huit premiers mois de l’année, l’Etat a enregistré pour plus de 8 milliards d’euros de demandes.
Pour 2014, il équivaut à 6% de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le Smic. En vitesse de croisière, il doit coûter 20 milliards.
En lançant le CICE, le gouvernement disait espérer entre 150.000 et 300.000 créations d’emplois d’ici trois ans. “Nous leur donnons des moyens pour investir, embaucher, innover”, les entreprises “doivent saisir cette chance”, expliquait en août le ministre des Finances Michel Sapin.
Alors que les syndicats et certaines voix à gauche réclament des contreparties au pacte, le ministre du Travail, François Rebsamen, réunira mercredi entreprises et syndicats des 50 plus grandes branches professionnelles pour tenter d’accélérer les négociations en matière d’emploi, de formation et d’investissement.
Vendredi, M. Sapin a prévenu qu’il ne fallait pas pour autant attendre du CICE des créations d’emplois immédiates: “Ce n’est pas comme ça que fonctionne une entreprise: le CICE est là pour aider les entreprises à reprendre de l’initiative”. Par exemple par de l'”investissement” mais “vous ne pouvez pas avoir un modèle unique”, a-t-il ajouté.
Le président de Sanofi France Christian Lajoux, qui veut “sortir de ce raisonnement binaire: +je te donne le CICE, qu’est-ce que tu mets en face”, applaudit. Les “marges générées par le CICE” doivent pouvoir être “utilisées différemment” selon les entreprises, insiste-t-il.
– Un “épandage” sans contrôle pour FO –
A quoi les entreprises ont-elles jusqu’à présent utilisé le CICE? Pour le député PS Yves Blein, rapporteur de la mission parlementaire sur le CICE, sans exercice comptable complet, “il est trop tôt pour savoir”.
Lui non plus “n’attend pas qu’il crée des emplois la première année”. “L’objectif, c’est d’abord que les entreprises privilégient l’investissement pour retrouver de la compétitivité”.
Dans deux sondages d’intentions réalisés par l’Insee, les entreprises mettent en avant l’investissement, devant l’emploi, les salaires ou le prix de vente.
Chez Thuasne, groupe français de produits et accessoires médicaux (1.600 salariés), les 220.000 euros reçus au printemps ont permis “plus d’investissements en machines” et donc en “productivité”, selon son PDG Elizabeth Ducottet. L’entreprise a embauché 30 personnes au premier semestre mais “il est difficile de dire qu’on ne l’aurait pas fait s’il n’y avait pas eu le CICE. C’est une dynamique globale”.
Selon FO, 20% seulement des fonds sont allés à de l’investissement.
Le CICE a plutôt jusqu’ici servi “d’amortisseur de la crise”, “une aide en matière de trésorerie”, affirme Pierre Burban, secrétaire général de l’UPA (Artisans).
“La grande masse” du crédit d’impôt est “allée directement approvisionner la trésorerie”, notamment des PME, constate également Jean-Paul Raillard, consultant au cabinet Syndex, qui assiste les comités d’entreprise.
Sur un échantillon d’une centaine d’entreprises, “seulement deux ont fait état de recrutements” et “une dizaine a dit que cela les avait aidées à maintenir des postes”.
Les explications fournies par les directions aux élus du personnel renvoyaient souvent au “financement de programmes d’investissements déjà lancés” ou à “des actions de formation”, de façon “très vague”, signe que “l’utilisation du CICE n’a pas été véritablement pensée”, et “le débat n’a pas eu lieu”, dit-il.
Pour Pascal Pavageau, représentant de FO au sein du comité de suivi mis en place par le gouvernement, le CICE restera “un épandage d’argent public” s’il n’est pas “ciblé et contrôlé”. “Il est aberrant que La Poste touche le plus gros montant”, 357 millions prévus en 2014, “mieux vaudrait cibler les entreprises exportatrices”, qui en bénéficient moins du fait du niveau en général plus élevé de salaires, ou “des filières en difficulté”.
Il affirme que les pressions de certains grands groupes à l’égard de leurs fournisseurs, pour abaisser les prix à hauteur du chèque CICE touché, prospèrent. Et dénonce “un vrai scandale” quand “le CICE sert à payer les dividendes”.