Les horlogers suisses restent de marbre face à la montre connectée d’Apple

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à Cupertino, en Californie (Photo : Justin Sullivan)

[12/09/2014 17:29:57] Zurich (AFP) Les horlogers suisses restent de marbre face à la montre connectée qu’a dévoilée cette semaine le géant informatique Apple, après des mois d’intenses spéculations chez les inconditionnels de la marque à la pomme.

Le groupe californien, qui a déjà bouleversé le secteur de la musique et de la téléphonie mobile, est cette fois parti à l’assaut des accessoires de mode avec son Apple Watch, qui devrait, selon Tim Cook, son directeur général, ouvrir “le prochain chapitre” dans l’histoire du groupe.

Jean-Claude Biver, le patron de l’horlogerie au sein du groupe de luxe français LVMH, est pourtant resté sur sa faim.

“Je m’attendais à plus. Je suis un petit peu déçu”, a-t-il avoué lors d’un entretien téléphonique avec l’AFP.

Le nouveau produit d’Apple, pas assez abouti et trop féminin selon lui, manque de “sex-appeal”, a jugé ce vétéran de l’horlogerie suisse.

“Ce n’est pas un produit révolutionnaire”, a-t-il affirmé, estimant qu’il n’allait pas changer la donne pour les montres de luxe helvétiques.

“Le luxe est éternel, il est pérenne. Ca n’est pas quelque chose qui ne vaut plus rien au bout de cinq ans”, a-t-il ajouté, soulignant que les montres connectées étaient, elles , “condamnées à devenir obsolètes”.

Le patron de Tag Heuer, chez qui Apple est venu débaucher un cadre de haut vol, s’est quant à lui dit étonné que les équipes du groupe californien aient surtout mis en avant son aspect sportif.

Munie de divers capteurs, la montre d’Apple permettra de surveiller le rythme cardiaque de son utilisateur, son activité, ou encore les calories qu’il brûle au fil de la journée.

“Je pensais qu’ils allaient orienter ça vers quelque chose de moins spécialisé”, a confié Stéphane Linder à l’AFP, rappelant que ces fonctionnalités existaient déjà sur d’autres montres connectées.

“Maintenant, il y aura probablement des applications qui vont arriver et c’est là dessus que je serai plus vigilant”, a-t-il néanmoins noté, ne cachant pas qu’il irait en acheter une.

“Je vais la porter pour voir quelles sont ses fonctions. Peut-être pas très longtemps, juste pour voir”, a-t-il expliqué.

Il a dit ne pas se faire de soucis par rapport à la version en or que prévoit de lancer Apple.

Pour l’instant, ce produit est avant tout un micro-ordinateur qui se porte au poignet, alors que les amateurs de montres de luxe cherchent plutôt à s’offrir un bel objet, considéré comme un signe de statut social, a-t-il argumenté.

– ‘Pas la même cible’ –

Le coeur de la gamme de Tag Heuer, la plus grosse marque horlogère de LVMH en termes de recettes, se situe entre 1.000 et 7.000 francs suisses, bien que certains modèles se vendent au-delà de 200.000 francs.

A la différence des producteurs asiatiques, les horlogers suisses, dont les exportations se montaient à 21,8 milliards de francs suisse (18 milliards d’euros) en 2013, se positionnent avant tout sur le segment du luxe et du prestige.

Jérôme Bloch, responsable de la mode masculine chez Nelly Rodi, un bureau de tendance parisien, a dit ne pas s’inquiéter pour les horlogers suisses.

“Ce n’est pas la même cible”, a-t-il déclaré à l’AFP, estimant que cela revenait à comparer une Mini Cooper à une Aston Martin, deux objets désirables mais totalement différents.

Les horlogers suisses ne sont toutefois pas totalement immunisés contre la concurrence d’Apple.

Selon René Weber, analyste chez Vontobel, son nouveau produit pourrait venir empiéter sur les plate-bandes des marques d’entrées et de moyen de gamme, vendues jusqu’à 1.000 franc suisses.

Le cours de Swatch Group a d’ailleurs été sanctionné en Bourse, cédant 1,76% le lendemain de l’annonce d’Apple.

Propriétaire de griffes prestigieuses telles que Breguet, Omega ou Harry Winston, le numéro mondial de l’horlogerie opère aussi sur ces segments par le biais Swatch et de Tissot.

Bien que le groupe ne publie pas ses ventes par marque, ces deux dernières contribuent à 21% des revenus, mais à seulement 15% de ses bénéfices, selon les estimations de René Weber.

Le patron de Swatch Group, Nick Hayek, a toutefois affirmé ne pas être “nerveux”, selon des propos rapportés par le Tages-Anzeiger, ne manquant pas de souligner que la couronne numérique, qui doit faciliter la navigation sur l’Apple Watch, s’inspirait d’une invention de Breguet.

“Nous ne nous sentons absolument pas désavantagés”, a martelé Nick Hayek.