La grève des pilotes complique la tâche d’Air France face aux low cost

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éroport Roissy-Charles de Gaulle à Paris, le 15 septembre 2014 (Photo : Kenzo Tribouillard)

[15/09/2014 15:48:26] Paris (AFP) La grève des pilotes d’Air France illustre la difficulté de la compagnie historique française à s’adapter face aux “low costs” devenues incontournables dans le paysage aérien européen.

Air France, dont les coûts d’exploitation restent élevés malgré des économies drastiques depuis 2012, subit sur son réseau moyen-courrier la concurrence toujours plus vive de transporteurs à bas coûts tels qu’easyJet, Ryanair ou Vueling.

Les “low costs” ont même attaqué ces dernières années la clientèle affaires, jusqu’alors chasse gardée des compagnies traditionnelles.

En présentant jeudi dernier son nouveau plan stratégique, Air France a prévenu que l’augmentation de la productivité des personnels devait se poursuivre.

Elle a aussi détaillé ses ambitions de développement de sa filiale à bas coûts Transavia, avec la création de bases en Europe dotées de pilotes sous contrat local pour diminuer les charges salariales.

“J’ai un plan formidable de croissance, urgent parce que l’offensive low cost est là tous les jours, sur tous les aéroports français”, argue Alexandre de Juniac, PDG du groupe Air France-KLM. “On n’a pas le temps d’attendre”.

Le Syndicat national des pilotes (SNPL majoritaire), le Spaf, deuxième syndicat, et Alter (non représentatif) réfutent cette stratégie.

“Il s’agit en fait d’un projet de délocalisation”, estime Jean-Louis Barber, président du SNPL AF Alpa, qui redoute, à terme, le transfert d’activité d’Air France vers Transavia.

– Beaucoup moins d’heures de vol –

Selon lui, “le système de rémunération des pilotes en France n’est pas en cause et permet totalement le développement de Transavia”.

“Les commandants de bord d’Air France, en fin de carrière, gagnent des salaires du même ordre de grandeur que ceux de Lufthansa, British Airways et même EasyJet”, explique Guy Tardieu, délégué général de la FNAM (Fédération nationale de l’aviation marchande). “Mais ils travaillent beaucoup moins en vertu du code de l’aviation civile et d’accords d’entreprise (…)”.

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éroport Saint-Exupéry de Lyon, le 15 septembre 2014 (Photo : Jean-Philippe Ksiazek)

“Les pilotes français volent environ 20% à 25% de moins que leurs homologues européens, voire à 35% quand il s?agit de compagnies low cost”, affirme la FNAM. Selon elle, ils volent environ entre 550 et 650 heures par an contre 700 à 750 heures pour les compagnies classiques européennes (Lufthansa, British Airways) voire 800 à 850 heures pour easyJet et Ryanair.

M. Barber souligne que les salaires sont assez équivalents et affirme que les accords signés avec Air France permettent de faire en théorie jusqu’à 700 heures de vol par an.

Mais selon une source interne d’Air France, le coût horaire des pilotes est 40% plus élevé chez Air France que chez Transavia, en raison, principalement, de la différence du système de rémunération.

Le salaire brut annuel des pilotes oscille entre 75.000 et 250.000 euros selon le grade (copilote ou commandant de bord), l’ancienneté et l’affectation (moyen-courrier ou long-courrier). Chez Transavia, le salaire varie entre 87.000 et 180.000 euros, selon la même source.

– “Mouvement défensif” –

Yan Derocles, spécialiste du transport aérien chez Oddo Securities, souligne qu’Air France n’a pourtant pas d’autre alternative que de prendre le virage “low cost” comme l’a fait le numéro un européen Lufthansa avec Wings et British Airways/Iberia avec leur filiale Vueling.

“Développer Transavia, c’est un mouvement défensif pour endiguer les prises de parts de marché en Europe des easyJet, Ryanair et autres low cost”, dit-il. “Le changement est inéluctable même s’il est difficile de changer les cultures”.

Chez Corsair International comme chez Air Caraïbes, les pilotes ont, eux, déjà accepté de revoir leurs accords.

Mais “il y a à l’évidence une barrière psychologique: les pilotes d’Air France ne veulent pas qu’on touche à leur statut. Ils protègent leurs acquis et une forme de privilège. La grève leur en donne les moyens”, commente un dirigeant du groupe Air France-KLM, sous couvert d’anonymat.

Le conflit social est en effet un outil particulièrement redoutable “puisqu’une catégorie représentant moins de 9% des effectifs peut immobiliser l’entreprise”, note Yan Derocles. “On estime la perte d’une journée de grève particulièrement bien suivie à environ 20 millions d’euros”.

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éroport Roissy-Charles-de-Gaulles, le 15 septembre 2014, devant un panneau affichant que leurs vols ont été annulés (Photo : Kenzo Tribouillard)

De quoi compromettre le retour aux bénéfices d’Air France cette année, a prévenu Alexandre de Juniac, appelant “à la raison”.

Selon lui, ce conflit est “inexplicable” et ne fait que renforcer la concurrence.

Si le conflit devait durer, Air France pourrait se retrouver dans une impasse car “les pilotes ont toujours été associés à la stratégie de la compagnie”, observe un spécialiste du secteur aérien, qui a requis l’anonymat, soulignant qu'”ils sont d’une certaine manière co-gestionnaires de l’entreprise” .

En 2012, la direction s’était ainsi largement appuyée sur le SNPL pour faire passer les restructurations.