En 30 ans, l’instabilité s’est propagée sur le marché du travail

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ée sur le marché du travail (Photo : Jacques Demarthon)

[16/09/2014 22:12:08] Paris (AFP) Boom des contrats temporaires, missions toujours plus courtes : depuis 30 ans, l’instabilité s’est propagée sur le marché du travail, piégeant une partie des salariés dans la “trappe” de l’emploi précaire, selon l’Insee.

Pour arriver à ce constat, l’Institut de la statistique se base sur un indicateur de l’instabilité de l’emploi: le taux de rotation de la main-d??uvre. Celui-ci a presque quintuplé entre 1982 et 2011, selon une étude publiée mercredi dans l’édition 2014 du panorama “Emploi et salaires” de l’Insee.

En 1982, l’Insee recensait en moyenne 38 “actes d’embauche et de débauche” pour 100 postes dans une entreprise. En 2011, le ratio a bondi à 177 pour 100.

Deux facteurs sont à l’origine de cette explosion: la multiplication des contrats temporaires (CDD et intérim principalement) et leur raccourcissement.

Toujours entre 1982 et 2011, la part de ces contrats dans l’emploi a presque triplé, de 5% à 13%, pendant que leur durée était divisée par trois, de 3 à 1 mois.

Sur la même période, les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI), dont la part est restée largement majoritaire (87% en 2011), ont eu tendance à rester plus longtemps en poste: 10 ans en 2011, contre 6 ans en 1982.

“Tout ceci suggère que le fonctionnement du marché du travail se rapproche d’un modèle segmenté, où les emplois stables et les emplois instables forment deux mondes séparés”, observe l’étude.

Les emplois instables jouent de moins en moins le rôle de “tremplin vers l’emploi stable”, mais deviennent au contraire “une trappe pour ceux qui les occupent”, a décrypté l’auteur de l’étude, Claude Picart, lors d’une conférence de presse.

Au début des années 1980, la moitié des salariés en CDD, intérim ou stage étaient en CDI l’année suivante. Aujourd’hui, à peine plus d’un cinquième suivent le même chemin.

– ‘Des contrats d’une semaine’ –

L’auteur de l’étude pointe aussi du doigt les CDD d’usage. Créés en 1990, ils permettent de conclure des contrats successifs avec un même salarié dans certains secteurs d’activité spécifiques. Principaux concernés: les intermittents du spectacle, les journalistes et les salariés de l’hôtellerie-restauration.

“Les professions à CDD d’usage concentrent près de la moitié des embauches en CDD, alors qu’elles ne représentent qu’un dixième de l’emploi salarié”, fait remarquer M. Picart.

“L’exemple emblématique, ce sont les professionnels des arts et spectacles, poursuit-il. Dans ces professions, un tiers des salariés sont sur des contrats d’une semaine en moyenne.”

L’Insee observe également de fortes rotations de main-d??uvre dans les secteurs ayant beaucoup recours à l’intérim, comme la manutention.

Depuis le 1er juillet 2013, le gouvernement a instauré une surtaxation de certains contrats courts, afin de dissuader les employeurs d’y avoir recours. Mais plus d’un an après, cette mesure n’a pas suffi à inverser la tendance.

Autre facteur d’instabilité dans l’emploi: l’âge. Plus un actif est jeune, plus il a de chances d’enchaîner les contrats courts. Le taux de rotation, qui mesure l’instabilité de l’emploi, “diminue brusquement après 25 ans”, note Claude Picart.

Mais les jeunes ne sont pas tous logés à la même enseigne, selon leur niveau de diplôme.

Par exemple, parmi les actifs de 25 ans, l’instabilité reste plus forte chez les moins diplômés, malgré leur plus grande ancienneté sur le marché du travail, que chez les jeunes diplômés sans expérience. “En 1982, c’était l’inverse”, indique l’auteur de l’étude.

A l’autre bout de la pyramide des âges, l’instabilité a également progressé ces dernières années chez les seniors (55 ans et plus), surtout après une perte d’emploi. Pour rappel, depuis le début de la crise financière en 2008, le nombre de seniors inscrits à Pôle emploi a plus que doublé.