écoltes devient un casse-tête pour les agriculteurs, surtout pour le maïs et le soja. Ici un champ de maïs (Photo : Jean-François Monier) |
[17/09/2014 12:53:39] New York (AFP) Les récoltes de maïs et de soja s’annoncent record aux Etats-Unis. Mais les agriculteurs ne s’en frottent pas vraiment les mains: les cours chutent et un cauchemar logistique se profile.
“Ce n’est pas une science exacte mais quand je regarde mes champs, je me prépare à une grosse récolte”, rapporte John Reifsteck, producteur de maïs et de soja à Champaign, dans l’Illinois. A première vue, sa production de maïs devrait être 10 à 15% supérieure à celle de l’an dernier.
Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) est plus formel. A moins d’un gel dévastateur ou de pluies torrentielles avant la fin des moissons, les récoltes de maïs et de soja, les deux cultures les plus importantes aux Etats-Unis, devraient atteindre des niveaux jamais vus auparavant, à respectivement 366 millions et 106,5 millions de tonnes.
Entreposer toute cette production va être compliqué. Selon Arthur Neal, spécialiste du transport à l’USDA, quelque 3,5% des récoltes, soit l’équivalent de 762.600 camions, ne pourront pas être conservés dans des lieux de stockages permanents. Un niveau plus atteint depuis 2010.
Rien de très grave toutefois selon John Reifsteck, pour qui cela se traduira surtout par la multiplication de piles de produits agricoles à ciel ouvert. “Il faut juste espérer que la plus grande partie sera expédiée cet automne ou cet hiver. Avec les pluies, il y aura sûrement un peu de gâchis mais on n’est plus à quelques boisseaux près”, souligne l’agriculteur.
Ce qui l’inquiète beaucoup plus, c’est le transport. “On a déjà habituellement des problèmes à trouver des chauffeurs qui ont tous leurs papiers en règle. On va peut-être devoir étendre la moisson de deux ou trois semaines”, explique-t-il.
Sa région est pourtant loin de connaître les difficultés rencontrées par les producteurs dans certains Etats proches de la frontière canadienne. Entre l’hiver rigoureux et l’utilisation croissante des voies ferrées pour l’acheminement du pétrole de schiste, qui coule à flot au Dakota du Nord, les compagnies ferroviaires qui y opèrent ont pris un retard considérable.
Depuis octobre 2013, les services offerts aux affréteurs de produits agricoles par ces entreprises “sont inadéquats, caractérisés par une longue attente, des cargaisons manquées, le gonflement des carnets de commande et des coûts plus élevés”, a souligné Arthur Neal lors d’une audition au Congrès début septembre.
– Baisse des prix dans les supermarchés –
Une fois toutes ces difficultés logistiques surmontées, les agriculteurs américains se trouveront face à un autre problème: la nette baisse de leurs revenus.
Avec la promesse d’une offre abondante, les acheteurs ont fait jouer la concurrence et les prix sont en chute libre. Le cours du maïs est récemment passé sous la barre des 3,50 dollars le boisseau sur le marché de Chicago, bien loin des 8 dollars atteints en 2012, année de sécheresse.
Conséquence: les bénéfices engrangés par l’ensemble des agriculteurs américains devraient baisser d’environ 14% en 2014, selon l’USDA.
Mais “l’agriculture, ce n’est pas l’histoire d’une seule récolte”, relativise John Reifsteck. Après deux années particulièrement bonnes financièrement, les fermiers américains ont de l’argent de côté.
Leurs fournisseurs en pâtissent quand même, à l’instar du fabricant de tracteurs John Deere qui prévoit une baisse de ses ventes d’équipements de 6% en 2014.
La chute des cours à la Bourse de Chicago ne fait toutefois pas que des malheureux.
Les éleveurs en particulier profitent de la nette baisse des coûts de l’alimentation pour leurs bêtes.
Pour une baisse des tarifs dans les rayons, il faudra en revanche attendre un peu selon Scott Irwin, économiste à l’Université de l’Illinois. “Cela prendra probablement un ou deux ans avant que les prix de la viande ou des oeufs reculent dans les épiceries, mais ils ont tellement augmenté récemment qu’il y aura forcément un impact”, estime-t-il.
Pour d’autres produits comme les céréales du petit-déjeuner, “la baisse sera plus modérée car le coût des matières premières dans ces produits transformés ne représente en moyenne que 20%”, souligne-t-il.
Dans un marché mondialisé, le recul des prix à Chicago affecte aussi les agriculteurs des autres pays. Mais, selon Scott Irwin, son impact “variera sans doute en fonction du degré de protection accordé aux agriculteurs”.