Dette : la France attend d’être fixée sur sa note, mais les marchés n’en ont cure

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s laisse les investisseurs impassibles (Photo : Emmanuel Dunand)

[19/09/2014 10:13:02] Paris (AFP) Baissera, baissera pas? Le suspense autour d’une correction de la note de solvabilité de la France par l’agence Moody’s vendredi est surtout politique, car les investisseurs impassibles devraient continuer à plébisciter la dette française.

Jeudi d’ailleurs, alors qu’un journal assurait que Moody’s avait prévenu Paris d’une dégradation imminente, s’attirant un démenti gouvernemental, “le taux (d’emprunt) à 10 ans de la France a à peine bougé”, restant au niveau historiquement bas de quelque 1,4%, souligne Christopher Dembik, économiste de Saxo Banque.

“Je ne sais pas ce que fera l’agence Moody’s”, a quant à lui assuré le président François Hollande jeudi lors de sa conférence de presse semestrielle.

Moody’s doit selon un calendrier soumis aux autorités européennes livrer vendredi après Bourse un avis sur la dette française. Elle peut toutefois aussi choisir de rester muette. Dans tous les cas, elle est tenue d’informer le gouvernement à l’avance.

– Taux historiquement bas –

M. Hollande a fait valoir que, malgré plusieurs décisions défavorables des agences de notation, “jamais l’Etat (n’avait) emprunté à des taux aussi bas”. Et de conclure: “ce n’est pas l’agence de notation qui m’inquiète”.

Les faits lui donnent raison: en janvier 2012, juste avant de perdre sa note suprême “AAA” attribuée par l’autre grande agence de notation, Standard and Poor’s, la France empruntait à dix ans à un taux d’environ 3,2%. Contre 1,4% actuellement.

Pour M. Dembik, une baisse de la note de la solvabilité de la France par Moody’s “est très vraisemblable”, en raison “de réformes jugées trop lentes et de l’abandon des objectifs budgétaires”.

“Cela va surtout être utilisé politiquement par l’opposition” prédit-il.

Le scénario qui a la cote auprès des économistes est celui d’une baisse d’un cran de la note attribuée à Moody’s pour la dette à long terme du pays, censée apprécier la qualité de la signature française, à “Aa2” contre “Aa1” avant. Ce serait la troisième meilleure note dans son échelle et cela ferait encore de la France un émetteur de “haute qualité”.

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ée (Photo : Patrick Kovarik)

Ce faisant Moody’s ne ferait que s’aligner sur Standard and Poor’s, qui a déjà ramené la note souveraine de la France à “AA”, également le troisième échelon dans sa propre grille de notation.

Depuis janvier 2012, les baisses de notation ont vu se mettre en place un jeu de miroir politique, le gouvernement s’efforçant de relativiser tandis que l’opposition se déchaînait.

Après la perte du triple A de Standard and Poor’s, la gauche avait qualifié Nicolas Sarkozy de “président de la dégradation”, ce dernier avait répliqué “ça ne change rien”.

Lorsque Moody’s avait suivi en novembre 2012, l’exécutif de gauche avait appelé au calme et le président de l’UMP Jean-François Copé avait commenté une annonce “lourde d’inquiétudes”.

– La passion française des notes –

“La France raffole des métaphores scolaires et nos responsables politiques, qui à 60 ans accordent encore de l’importance à leur classement de sortie de l’ENA, viennent d’un système scolaire fondé sur les notes”, soupire Alexandre Delaigue, professeur d’économie à Saint-Cyr.

Il voit aussi dans le retentissement médiatique des annonces de notation la preuve de “la très grande sensibilité en France à toute la thématique du déclin”.

Pour les économistes, si les marchés n’ont cure du verdict des agences de notation, c’est pour plusieurs raisons.

M. Dembik rappelle que d’une part, les banques centrales du monde entier, dont la Banque centrale européenne, déversent une abondance de liquidités qui trouve refuge dans les obligations d’Etat.

D’autre part il pointe une “bulle spéculative”, expliquant que les investisseurs, inquiets de la flambée sur les marchés actions et d’une possible correction brutale, “se replient sur les marchés des obligations, vues comme plus sûres”.

M. Delaigue évoque aussi un aspect “réglementaire”: après la crise de la dette souveraine en zone euro, l’Union européenne s’est employée à réduire le pouvoir des agences de notation, dont les notes pouvaient auparavant déterminer le droit des banques à travailler avec tel ou tel actif financier.

Par ailleurs, il souligne que “si les agences de notation disposent encore d’une expertise particulière quand elles notent la qualité d’émetteur des entreprises, parce qu’elles ont accès à plus d’informations, dans le cas des Etats, elles n’en savent pas plus que les investisseurs”.