ège de Yahoo aux Etats-Unis, à Sunnyvale (Photo : Justin Sullivan) |
[19/09/2014 19:57:50] New York (AFP) L’entrée en Bourse historique d’Alibaba pourrait s’avérer à double tranchant pour Yahoo!, deuxième actionnaire du géant chinois de la distribution en ligne, qui a cédé près du tiers de sa participation.
Le groupe dirigé par Marissa Mayer, qui représentait 22,4% du capital d’Alibaba, a fourni une grosse partie des titres vendus lors du baptême boursier du groupe chinois vendredi.
Il a placé jusqu’à 140 millions de titres (près de 7,2% de sa participation) sur un total de 368 millions vendus aux investisseurs.
Cette opération va lui rapporter jusqu’à 9,5 milliards de dollars et il ne détiendrait plus qu’environ 15,2% du capital d’Alibaba, estimés à un peu plus de 35 milliards de dollars.
Pour Yahoo!, qui avait investi seulement 1 milliard de dollars en 2005 dans Alibaba dans le cadre d’un accord conclu par son co-fondateur Jerry Yang, c’est le jackpot.
Mais que va-t-il faire de ce pactole?
Cette interrogation est omniprésente à Wall Street où le titre Yahoo! a décroché de plus de 3%.
“Alibaba apporte du carburant de fusée. Le problème, c’est que Yahoo! doit encore construire les moteurs”, résume Trip Chowdhry, analyste chez Global Equities Research.
Yahoo! a indiqué mi-juillet vouloir reverser à ses actionnaires “au moins la moitié” de ses gains après impôts.
Le reste pourrait financer des investissements ou acquisitions stratégiques susceptibles de relancer sa croissance toujours en panne (son chiffre d’affaires a encore reculé de 4% au deuxième trimestre).
Depuis son arrivée il y a deux ans, la directrice générale Marissa Mayer a multiplié les achats ciblés, mais réalisé une seule grosse opération: le site de blogs Tumblr payé 1,1 milliard de dollars l’an dernier. Elle a désormais des moyens plus importants.
– Racheté par Alibaba ? –
Trip Chowdhry estime que l’argent gagné grâce à Alibaba devrait aussi servir à muscler des activités existantes: il évoque les services à destination des PME, la messagerie électronique Yahoo Mail qui pourrait être rendue “plus simple à utiliser”, les sites de contenus spécialisés comme Yahoo Finance où il y a “encore de la marge pour innover”.
Yahoo! devrait aussi, selon lui, parier sur “les nouvelles expériences”, en concevant par exemple des applications pour de nouveaux produits, comme la montre connectée présentée mardi par Apple.
Un autre champ possible est la vidéo en ligne, dont Mme Mayer a fait une priorité. Yahoo! diffuse depuis cet été des concerts en direct et investit dans la production de séries originales. Certains médias lui prêtaient il y a quelques mois l’ambition de créer un rival de YouTube, le populaire site du rival Google, une idée pas forcément du goût des investisseurs vu le coût élevé et le retour financier incertain d’un tel projet.
Le défi pour Yahoo! sera de convaincre les investisseurs, et notamment ceux qui avaient acheté ses actions pour profiter indirectement de la croissance d’Alibaba, de continuer à lui faire confiance.
“Le risque c’est que les investisseurs utilisent Yahoo! comme source de paiement pour Alibaba”, souligne Gregori Volokhine, gérant de portefeuille chez Meeschaert Financial Services.
“Certains ont utilisé Yahoo! comme intermédiaire pour Alibaba et pourraient prendre leurs bénéfices”, prévient aussi Trip Chowdhry.
Le cours de Bourse de Yahoo! a presque triplé en deux ans, ce qui permet au groupe américain d’afficher actuellement une capitalisation boursière de 41 milliards de dollars.
Alibaba (Photo : Desk) |
Si Yahoo! n’arrive pas à faire repartir la croissance dans son coeur de métier, la sanction boursière pourrait être sévère. Le groupe pourrait même se retrouver la cible d’une acquisition.
Gregori Volokhine évoque notamment “la possibilité même qu’Alibaba rachète Yahoo!”. Bank of America envisageait aussi dans une note récente l’hypothèse d’une telle transaction et ses effets fiscaux.
“Il y a beaucoup d’entreprises américaines dont nous voulons apprendre”, a déclaré Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, sans citer de nom. “Si elles souhaitent se vendre, nous serons acheteurs mais nous pouvons toujours travailler ensemble”, poursuit-il.
Alibaba dispose de très fortes liquidités, et une acquisition américaine lui permettrait de rattraper son retard sur ce marché.
Il y a “beaucoup de censure et de contrôle gouvernemental sur les entreprises internet en Chine”, pondère toutefois Trip Chowdhry. “Je ne pense pas que les régulateurs américains autoriseront Alibaba à acheter Yahoo!”