Candidat à la prochaine élection présidentielle, l’écrivain et journaliste Safi Saïd a tout à fait raison quand il avait déclaré en substance, au terme de la déposition de sa candidature, que tous ceux qui croient que la présidence ne dispose d’assez de prérogatives pour jouer un rôle déterminant sur la scène publique ont totalement tort et se trompent sur toute la ligne. Il estime au contraire que la Constitution a doté cette institution d’assez d’attributions pour qu’elle pèse lourd dans le paysage politique et initier de grandes réformes.
Effectivement, en lisant attentivement la nouvelle Constitution, plus exactement le chapitre IV du pouvoir exécutif, nous avons relevé que la présidence jouit d’importantes prérogatives et que le discours réducteur à l’endroit des limites des responsabilités du président n’est développé qu’en référence à la contreperformance historique du président provisoire actuel, Marzouki, qui n’a pas su, durant un mandat d’une durée de trois longues années, en faire aucun bon usage.
Bien au contraire, les pouvoirs qui lui sont conférés sont énormes. Parfois, ils donnent froid dans le dos au regard de leur ampleur et de leur gravité.
Prérogatives du prochain président
Tout d’abord, que dit la Constitution au chapitre consacré aux prérogatives de la présidence qui partage l’exécutif avec le gouvernement? Nous en avons retenu six.
Premièrement, il est chargé de la plus haute responsabilité de l’Etat. Selon la loi des lois, «le président de la République, élu pour un mandat de cinq années au suffrage universel, est le chef de l’Etat, symbole de son unité. Il garantit son indépendance et sa continuité et il veille au respect de la Constitution».
Deuxièmement, le président de la République, «chargé de représenter l’État, est compétent pour définir les politiques générales dans les domaines de la défense, des relations étrangères et de la sécurité nationale relative à la protection de l’Etat et du territoire national des menaces intérieures et extérieures, et ce après consultation du chef du gouvernement».
Troisièmement, toujours d’après la Constitution, il est également compétent pour dissoudre le Parlement (Assemblée des représentants du peuple), présider le Conseil de la sécurité nationale auquel est convié le président du gouvernement et le président du Parlement. Mieux, en sa qualité de chef suprême des forces armées, il est habilité à déclarer la guerre, à conclure la paix et à envoyer des soldats tunisiens à l’étranger, et ce après approbation du Parlement.
Quatrièmement, la Constitution l’autorise à prendre les mesures requises en cas de situations exceptionnelles, à ratifier les traités et à ordonner leur publication, à décerner des décorations et à accorder la grâce aux détenus.
Cinquièmement, le président de la République est chargé de nommer et de révoquer par décrets présidentiels le Mufti de la République, les hautes fonctions publiques auprès de la présidence de la République et les établissements qui en dépendent, les hautes fonctions militaires, diplomatiques et de la sécurité nationale, après consultation du chef du gouvernement.
Il est habilité à nommer le gouverneur de la Banque centrale sur proposition du chef du gouvernement et après approbation de la majorité absolue des présents au Parlement.
Sixièmement, le président de la République promulgue les lois et ordonne leur publication dans le Journal officiel de la République tunisienne (JORT). Il peut refuser de les promulguer en cas de leur inconstitutionnalité. A l’exception des projets de lois constitutionnelles, le président de la République peut renvoyer, en motivant, le projet pour une deuxième lecture.
L’adoption des projets de lois ordinaires se fait, après renvoi, à la majorité absolue du Parlement.
Le président de la République peut, exceptionnellement, durant les délais de renvoi, soumettre au référendum les projets de lois qui portent sur l’approbation des traités internationaux ou sur les droits de l’Homme et les libertés ou sur le statut personnel, adoptés par l’Assemblée des représentants du peuple.
Le président bénéficie de l’immunité totale
Et pour ne pas oublier la cerise sur le gâteau, le président de la République bénéficie de l’immunité durant la totalité de son mandat. Il ne peut être poursuivi pour des actes effectués dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Tous les délais de prescription et de déchéance, contre sa personne, sont suspendus. Les procédures peuvent être reprises après la fin de son mandat. La seule possibilité où la fonction du président est menacée, c’est lorsque le Parlement peut, à l’initiative de la majorité de ses membres, présenter une motion motivée pour mettre fin à son mandat en raison d’une violation manifeste de la Constitution. La décision doit être approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée. Un scénario très difficile à réaliser en raison de la longueur des procédures.
C’est pour dire in fine qu’avec un peuple légaliste et facile à gouverner, la fonction de président de la République en Tunisie ne compte que des avantages. C’est pour cela qu’on en raffole. A preuve, l’actuel président provisoire a fait le tour du monde aux frais de la princesse (ici le contribuable) sans fournir aucun apport significatif pour le pays. Bien au contraire…, il a été plus un diviseur qu’un rassembleur, estiment plusieurs analystes…