Tunisie – Présidentielle : Mehdi Jomaa… en réserve de la République?

 

En refusant de rentrer dans la bataille de la présidentielle, le chef du gouvernement n’a pas insulté… son avenir. En gardant intactes toutes ses chances de rebondir après le 23 novembre 2014.

mehdi-jomaa-122013.jpgVous l’aurez sans doute reconnu qu’on a paraphrasé un titre de notre confrère Jeune Afrique à la fin des années 80-début 90, lorsque Mohamed Jegham, alors ministre de Ben Ali, a été nommé ambassadeur de la Tunisie à Rome: «Mohamed Jegham en réserve de la République», c’était le titre.

Mehdi Jomaa a-t-il bien fait ne pas se présenter à la présidentielle de novembre 2014? Réponse: oui. Et pour au moins deux raisons.

La première, c’est que l’homme savait qu’en se présentant à l’échéance présidentielle, il allait ou pouvait susciter beaucoup de critiques. Pour ne pas dire plus. N’avait-il pas «promis» ou plutôt contraint, ainsi que toute l’équipe gouvernementale constituée de «technocrates», de ne pas se présenter aussi bien aux législatives qu’à la présidentielle?

Une des tâches essentielles de cette équipe n’était-elle pas de réussir ces élections? En somme de faire arriver le pays à bon port après la dernière période de transition. Une période de transition qui a été négociée pendant des mois par un Quartet; lequel Quartet n’aurait pas fait passer l’occasion de le rappeler en tapant sur la table.

On comprend très bien que si Mehdi Jomaa avait franchi le Rubicon, il aurait et perturbé le cours de cette dernière période de transition –comment être juge et partie?- et perdu beaucoup de son crédit et de sa crédibilité. Ne savait-il du reste pas en prenant la tête du gouvernement, en février 2014, qu’il s’agissait là d’un principe sacro-saint qu’il fallait respecter? Que peut valoir, à ce titre, un politique qui ne respecte ses engagements?

La deuxième raison a trait à sa carrière politique. L’ingénieur de 52 ans –il est né en 1962- sait que sa carrière politique est loin d’être finie. Il est certain que de belles perspectives peuvent s’ouvrir devant lui s’il réussit –ainsi que toute son équipe du reste- le cap des élections d’octobre-novembre 2014.

«Vivre pour autrui»

Il sait qu’il bénéficiera d’une aura inestimable en achevant les différentes périodes de transition qui ont préparé la Tunisie à asseoir une vie politique dans laquelle les Tunisiens vont bénéficier –on l’espère du moins- d’une plus grande stabilité politique et économique.

Dans ce même ordre d’idées, quel plus grand service peut-on rendre à son pays que de se mettre à son service en pensant en priorité –sinon en totalité- aux autres? De quoi rappeler cette vieille et ô combien célèbre phrase du philosophe français Auguste Comte inscrite sur sa statue Place de La Sorbonne à Paris: «Vivre pour autrui». Et qui a beaucoup ému le président Habib Bourguiba lorsqu’il était étudiant à la Faculté de droit. Le leader tunisien aimait à répéter qu’elle a bouleversé sa vie.

Dans notre histoire beaucoup plus récente, un autre homme d’Etat doit une grande part de sa popularité au même épisode. Comme Mehdi Jomaa aujourd’hui, Béji Caïd Essebsi a en effet engagé un combat, au cours d’une autre période de transition, en vue de préparer des élections, celles de l’Assemblée nationale constituante (ANC), et à remettre le pouvoir à ceux que le peuple aura choisis. L’histoire lui a tressé que des lauriers.

Autant dire que Mehdi Jomaa a tout à gagner, rien à perdre, en refusant de se présenter à la présidentielle de novembre 2014.