étrolier le 24 mars 2014 près de Lost Hills, en Californie (Photo : David Mcnew) |
[21/09/2014 19:05:47] calvert (Etats-Unis) (AFP) La réindustrialisation amorcée aux Etats-Unis, soutenue par une énergie bon marché grâce au gaz de schiste, offre d’importants débouchés à l’industrie française, mais constitue aussi une menace pour les secteurs les plus exposés à la concurrence, comme la chimie de base.
“Nous percevons la réindustrialisation à deux niveaux: il y a d’abord l’impact de l’activité de l’extraction du gaz de schiste et ensuite ses répercussions sur des secteurs comme la construction ou l’automobile, soit l’économie globale”, a affirmé à l’AFP Marc Schuller, directeur général du groupe chimique Arkema, dont le chiffre d’affaires américain est passé de 25 à 34% depuis 2005 sur le total de ses ventes, soit plus de 2 milliards d’euros.
Même tendance du côté d’Air Liquide. “Nos clients tournent à plein régime dans un marché en pleine croissance qui témoigne du renouveau du dynamisme de l’industrie américaine”, indique-t-on du côté du spécialiste français des gaz industriels, qui a connu une croissance de 10% au premier semestre dans les Amériques grâce à des Etats-Unis “toniques”.
Avec une Europe qui fait du surplace, le redémarrage de l’économie américaine attire des groupes comme ArcelorMittal, qui a acquis cette année une usine à Calvert, dans l’Alabama (sud), afin de profiter du rebond de la demande d’acier aux Etats-Unis, où elle a pratiquement retrouvé son niveau d’avant-crise, beaucoup plus rapidement qu’en Europe où elle stagne à près de -30%.
La présence européenne est manifeste dans l’Alabama, l’un des Etats qui profite le plus de la réindustrialisation: l’aciérie d’ArcelorMittal se trouve à deux pas d’un site d’Arkema, à quelques kilomètres de Mobile et du Golfe du Mexique.
Avec l’acier et la chimie, ce sont deux indicateurs avancés de l’économie qui sont au vert aux Etats-Unis. Et ce n’est pas prêt de s’arrêter: l’American Chemistry Council (ACC) estime le potentiel d’investissements pour l’industrie chimique liée au gaz de schiste à plus de 120 milliards de dollars sur les dix prochaines années.
“La situation américaine est nettement meilleure que celle de l’Europe”, a expliqué Jean-Luc Gaffard, directeur de recherche à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
“La politique monétaire a été accommodante plus rapidement, il n’y pas de contrainte budgétaire et la diminution du prix de l’énergie constitue aussi un élément important” pour l’industrie, a-t-il souligné.
Côté énergie, il n’y a effectivement pas photo. “Les Etats-Unis bénéficient d’un avantage significatif grâce à la révolution du gaz de schiste”, a reconnu le directeur général d’ArcelorMittal pour les Amériques, Lou Schorsch, qui estime que la facture de gaz a diminué de 50% par rapport à il y a huit ans.
Pour Radu Vranceanu, professeur d’économie à l’Essec, l’industrie américaine retrouve sa compétitivité non seulement grâce à une “énergie plus abondante et moins chère, mais grâce aussi à un marché du travail qui dispose d’une flexibilité très importante”.
La réindustrialisation américaine ne peut que faire du bien à l’industrie européenne, affirme M. Gaffard. “S’il y a une relance de l’activité économique aux Etats-Unis, il n’y aura pas d’autre effet que d’accroître nos exportations européennes”, a-t-il affirmé. “Mais cela dépend essentiellement des possibilités des industries européennes de répondre à cette demande”, a-t-il prévenu.
Cette réindustrialisation inquiète toutefois certains secteurs en France, au point que l’ancien ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg, avait même dénoncé une production “low cost” au printemps dernier.
L’Union des industries chimiques (UIC) ne cesse d’alerter du danger pour la chimie de base concurrencée par les Etats-Unis et ses prix moins élevés. Pour pouvoir se battre à armes égales, le secteur revendique l’exploration des sous-sols français pour y détecter du gaz de schiste et appelle à prendre des mesures pour protéger la chimie de base afin qu’elle ne délocalise pas outre-Atlantique.
“Comme toutes les sociétés européennes, nous devons nous réinterroger sur certaines lignes de produits en Europe qui pourraient être menacées par des importations américaines”, a affirmé M. Schuller. Mais Arkema est moins concerné, car le groupe est actif sur “des lignes de spécialité dans des produits de haute valeur ajoutée”, un secteur aval beaucoup moins concurrencé que l’amont.
Enfin, si les coûts de l’énergie sont moins élevés, il n’en demeure pas moins que les investissements aux Etats-Unis restent très lourds. “Les coûts d’investissements sont en train de flamber”, reconnaît M. Schuller. Et selon lui, il y a donc “une limite au phénomène” de la réindustrialisation.