Dans l’air depuis des années, surtout après le 14 janvier 2011, l’idée d’un nouveau modèle de développement est désormais sur la table. Jusque-là plus ou moins feutré et discontinu, le débat national sur cette question cruciale –la «mère» de toutes les questions- est désormais lancé. Et le mérite en revient en grande partie, quoiqu’en disent ses détracteurs, à la Banque mondiale et à son rapport intitulé «La Révolution inachevé, Créer des opportunités, des emplois de qualité et de la richesse pour tous les Tunisiens», officiellement rendu public mercredi 17 septembre 2014, lors d’une conférence organisée par la Banque mondiale et l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE).
Après avoir mis à jour et analysé les principales faiblesses de l’économie tunisienne –analyse que le ministre de l’Economie et des Finances, Hakim Ben Hammouda, a déclaré partager-, les auteurs du rapport ont formulé dix recommandations ayant trait à autant de réformes à lancer pour que la Tunisie puisse accéder à un palier supérieur en matière de taux de croissance et de surcroît une croissance de meilleure qualité.
La première concerne la concurrence que la Banque mondiale voudrait voir boostée. Cela devrait se faire, d’abord, via «la suppression des barrières à l’accès et à la concurrence» -qui «améliorerait d’une manière substantielle les performances de l’économie tunisienne et stimulerait la capacité des sociétés les plus productives à se développer et créer des emplois de bonne qualité».
Progressive, cette élimination devrait être effectuée en premier lieu dans le commerce, les télécommunications, les transports, la santé et l’éducation. C’est-à-dire dans des «secteurs de services fédérateurs» et «à fort potentiel de création d’emplois».
Mais le rapport appelle également à la révision du Code d’incitations aux investissements –«pour éliminer progressivement la dichotomie onshore-offshore et établir des règles de jeu équitables pour stimuler la création d’emplois et l’investissement»- et, parallèlement, la réforme de la fiscalité des entreprises. Celle-ci devrait se traduire par l’élargissement de l’assiette fiscale et la réduction du taux des impôts de société «pour toutes les entreprises de manière à éliminer les distorsions au niveau de l’économie, améliorer la qualité de l’impôt et le respect des règles fiscales».
La deuxième recommandation concerne le secteur financier qui doit être réformé pour «permettre de canaliser les ressources vers les projets les plus productifs et augmenter la quantité de fonds disponibles pour le secteur privé». Et cesser ainsi d’être «un outil d’extraction de rentes et le capitalisme de copinage».
Cette réforme nécessite et implique le règlement du problème de la dette de l’industrie touristique.
La troisième recommandation est de «protéger les populations pauvres et vulnérables». Parce qu’il «ne protège pas les plus pauvres et paradoxalement profite largement à ceux qui sont dans une situation économique plutôt confortable», le système de protection sociale –actuellement basé sur des subventions non-ciblées- doit être réformé pour en «améliorer l’équité et l’efficacité».
Pour protéger les plus faibles contre les retombées de la réforme projetée du système des subventions, l’étude propose l’adoption de «mesures sociales d’atténuation», un ciblage des subventions et d’effectuer des «transferts vers certains secteurs avec des crédits d’impôts et des prix préférentiels de l’énergie ou des mesures de soutien des salaires et de l’emploi pour les travailleurs vulnérables».