ège du constructeur automobile japonais à Yokohama (Photo : Kazuhiro Nogi) |
[22/09/2014 06:52:21] Tokyo (AFP) Déjà miné par des réorganisations à l’automne, Nissan vient d’annoncer le départ de deux hauts responsables vers d’autres constructeurs d’automobiles, un coup dur qui réveille les craintes sur l’avenir du groupe japonais après l’ère Carlos Ghosn.
A 60 ans, l’énergique dirigeant, arrivé en 1999 pour sauver une entreprise au bord de la faillite, écarte soigneusement toute question sur le sujet, mais à chaque défection ou éviction, la voilà qui revient inévitablement sur la table.
Tout d’abord Johan de Nysschen, responsable de la gamme de luxe Infiniti, puis Andy Palmer, incontournable directeur de la planification: en quelques semaines, le géant de Yokohama (région de Tokyo) a perdu des pointures.
Le premier a pris la direction de Cadillac, propriété du groupe américain General Motors (GM), le second du prestigieux fabricant britannique de voitures de sport Aston Martin.
à Detroit (Photo : Stan Honda) |
“C’est un mouvement naturel dans l’industrie automobile, il est vrai peu courant dans les compagnies asiatiques, mais fréquent dans les entreprises occidentales. Au bout du compte, c’est un petit monde”, assure Jeff Kuhlman, vice-président en charge de la communication.
Il n’en reste pas moins que cette série de mauvaises nouvelles survient tout juste un an après d’autres chamboulements internes au sein de l’alliance Renault-Nissan, dirigée d’une main de fer par Carlos Ghosn.
En août 2013, le numéro deux de Renault, Carlos Tavares, avait été évincé pour avoir évoqué publiquement son ambition de prendre la tête d’un groupe concurrent. Il a depuis été nommé président du directoire de PSA Peugeot Citroën. Trois mois plus tard, son homologue chez Nissan, Toshiyuki Shiga, était éconduit.
à Tokyo (Photo : Kazuhiro Nogi) |
Plutôt que de les remplacer, M. Ghosn a préféré diviser leurs fonctions entre deux, voire trois personnes. Au risque de décourager tout dauphin potentiel ? “Andy Palmer était haut placé et ambitieux, mais il n’avait aucune chance dans un avenir proche de diriger Nissan”, commente Hans Greimel, correspondant en Asie du magazine américain Automotive News.
– ‘Grande perte’ –
Pour autant, “je ne pense pas que Ghosn les pousse dehors”, même si “c’est un patron très exigeant qui réclame une grande loyauté et place la barre très haut”, souligne M. Greimel.
à Yokohama (Photo : Yoshikazu Tsuno) |
Formés à bonne école, les hauts cadres de Nissan bénéficient d’une excellente réputation et sont de ce fait très prisés des concurrents, explique Tatsuo Yoshida, analyste chez Barclays et ex-employé du groupe.
Mais attention, prévient-il, “la continuité et la stabilité sont vitales pour la bonne marche de l’entreprise”. Son compatriote Toyota “y accorde d’ailleurs une grande attention”: ses salariés sont souvent employés à vie et la promotion interne privilégiée.
Selon les analystes interrogés, ces départs vont laisser des traces. “Palmer et de Nysschen avaient une connaissance intime d’Infiniti”, rappelle Hans Greimel, “et sans eux, il va falloir un peu de temps pour que la marque retrouve son rythme de croisière”.
La défection d’Andy Palmer surtout, qui faisait figure de vétéran chez Nissan, “représente une grande perte: il était impliqué dans de nombreux projets”, dont les véhicules sans émission polluante (la citadine électrique Leaf notamment), relève Christopher Richter, qui suit le secteur automobile nippon chez CLSA.
“Il ne sera pas facile à remplacer”, juge-t-il, tâche dévolue au Français Philippe Klein, venu de Renault (premier actionnaire de Nissan), tandis que Roland Krüger, ancien vice-président du constructeur allemand BMW, a été nommé à la tête d’Infiniti.
éro 2 de PSA Peugeot Citroën, le 30 juillet 2014 à Paris (Photo : Matthieu Alexandre) |
Palmer parti, qui désormais pour prendre la suite de Carlos Ghosn? “Quand il décidera de tirer sa révérence, il y aura de bons candidats. Il a préparé le terrain”, note le spécialiste de l’automobile Richter. Nissan recèle de nombreux talents tapis “dans l’ombre”, renchérit M. Greimel.
De source proche du dossier, on confirme que M. Ghosn a un plan bien défini, mais qu’il préfère rester muet sur sa succession pour éviter “toute spéculation et distraction”. Son obsession: “veiller à ce que chacun reste bien concentré”.
Car l’homme s’est fixé d’ambitieux objectifs à travers le programme “Power 88”: une part de marché de 8% d’ici 2017 (contre 5,7% au premier trimestre 2014-2015), et autant pour la marge opérationnelle (5% aujourd’hui).
Déjà réélu à la tête de Renault au printemps, il ne fait pas l’ombre d’un doute, selon les analystes, qu’il briguera un nouveau mandat de deux ans chez Nissan en juin 2015 pour mener à bien ce projet, même s’il ne l’a pas annoncé officiellement.