Dans son récent rapport sur la Tunisie «la révolution inachevée», la Banque mondiale admet, en substance dans un article distinct, qu’elle s’est laissée flouer par l’équipe des kleptocrates de Ben Ali et que ses apports financiers ont servi, hélas, à «soutenir un système basé sur les privilèges, un système qui appelle à la corruption et aboutit à l’exclusion sociale de ceux qui ne sont pas bien introduits dans les sphères politiques».
Cet encadré, intitulé «ce que la Banque mondiale a appris de la Tunisie», est un véritable mea culpa de la Banque et peut être interprété comme des excuses que cette institution de Bretton Woods présente aux pauvres de Tunisie, particulièrement à ceux qui, par l’effet de l’exclusion, de la marginalisation et du clientélisme, n’ont pas profité des ressources financières de la Banque pour améliorer leurs conditions de vie.
La Banque ajoute que «bien que ses rapports… aient régulièrement mis en relief les défaillances réglementaires, les obstacles à l’accès au marché et les privilèges de l’ancien système, cela était souvent fait de manière masquée, dans un langage bureaucratique, qui n’allait pas au cœur de ce qui était clairement un système asphyxié par sa propre corruption».
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) devait reconnaître, imperceptiblement, sa responsabilité dans la paupérisation d’importants pans de la société tunisienne et passer, en quelque sorte, aux aveux. Elle relève dans cet article qu’«avec du recul, la Banque a appris que, dans le cadre de ses efforts pour demeurer engagée et pour aider les démunis, elle pouvait facilement oublier le fait que son engagement peut mener à perpétuer le type de systèmes économiques qui maintiennent les pauvres dans la pauvreté».
La leçon tunisienne
Tirant les enseignements de l’exemple tunisien, la Banque fait remarquer que «la leçon apprise nécessitera que dorénavant la Banque mondiale souligne inconditionnellement, pour elle-même et pour ses partenaires, l’extrême importance du droit à l’accès à l’information, de la transparence et de la redevabilité comme partie du programme de développement favorable aux pauvres, en Tunisie, comme partout ailleurs».
Il s’agit manifestement d’une évolution heureuse de la philosophie de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) dans la mesure où la Banque va, en plus de l’objectif unique de croissance économique pour lequel elle a été créée en 1945, mettre l’accent sur la réduction de la pauvreté.
Dans son rapport sur la Tunisie, la Banque mondiale se prononce clairement pour «la protection des populations pauvres et vulnérables». A cette fin, elle suggère une amélioration du système de sécurité sociale et un meilleur ciblage de la compensation.
L’enjeu ne réside toutefois pas dans l’assistance à apporter aux populations pauvres mais à les aider à se prendre en charge et à sortir définitivement de la pauvreté, l’ultime but étant de faire en sorte que cette pauvreté ne se perpétue pas avec les descendants et ne soit pas perçue comme une fatalité.