Dans le monde du cuir de luxe, la formation à tour de rôle

a72a671557b9f34869e078c5bb29efd6d8879aa7.jpg
à Saint-Médard (Photo : Jean-Pierre Muller)

[23/09/2014 11:56:13] Paris (AFP) L’initiative est inédite en France: dans les métiers du cuir haut de gamme, où l’on peine à trouver de la main d’oeuvre qualifiée, 13 entreprises dont Hermès et Repetto vont former des artisans, chacune à leur tour, sur une plateforme commune financée sur fonds publics.

Ce “Pôle d’excellence aquitain des métiers du cuir et du luxe” a été inauguré vendredi à Thiviers dans le Périgord et une première formation y est prévue dès novembre.

Pour les régions partenaires du projet, à savoir l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes où sont implantées beaucoup d’entreprises du cuir et du luxe, le but est à la fois social et industriel: il s’agit de reconvertir des demandeurs d’emploi et de participer au développement d’entreprises du terroir. Objectif: former plus de 100 personnes par an.

Laurent Duray, PDG de l’entreprise CWD spécialisée dans la fabrication de selles d’équitation, est “emballé”: “Il était très compliqué pour nous de former des recrues au sein de notre unité de production. Là, on va pouvoir le faire. On lance le 4 novembre à Thiviers une session de formation initiale de trois mois pour 8 personnes, qui sera suivie de contrats en alternance”, dit-il à l’AFP.

“C’est une approche innovante pour le monde de l’entreprise, qui va entrer dans la sphère de l’enseignement puisque la plateforme est adossée au lycée professionnel de Thiviers. Et on pourra profiter de la restauration et de l’hébergement au sein de l’internat”, relève M. Duray.

En amont du projet, on trouve Repetto, le roi de la ballerine, relancé avec succès depuis son rachat en 1999 par Jean-Marc Gaucher mais rapidement confronté à un manque d’artisans maîtrisant la technique du “cousu-retourné” propre à la ballerine.

856c8c01bbc8fe5fba9d1d4a903ae8ef8989f5a9.jpg
ée découpe des semelles en cuir dans les ateliers Repetto à Saint-Médard, le 25 mars 2010 (Photo : Martin Bureau)

“On a dû créer notre propre centre de formation sur le cuir”, fin 2011 à Coulaures (Dordogne), souligne M. Gaucher. Avec un coût certain.

“C’est incroyable, la déconnexion qu’il y a parfois entre les besoins des entreprises et le personnel disponible… Notre filière a des besoins. J’en ai parlé avec Alain Rousset, le président du conseil régional d’Aquitaine. Il a rebondi sur l’idée”, dit M. Gaucher.

Trois ans plus tard, 13 entreprises sont associées autour d’une plateforme de 500 m2 qui a coûté 1,5 million d’euros à la région Aquitaine et où, à tour de rôle, le maroquinier et sellier Hermès, le fabricant de chaussures J.M. Weston, Repetto, CWD et d’autres entreprises formeront des artisans à la coupe du cuir, au piquage et autre montage, en fonction de leurs besoins.

Ensemble, l’Aquitaine, le Limousin et le Poitou-Charentes emploient 2.055 salariés dans la fabrication de chaussures et près de 1.600 dans la sellerie-maroquinerie, dont 300 chez Weston à Limoges, 350 chez Arco à Châtellerault ou encore 380 à la Maroquinerie des Orgues en Corrèze.

“Nous avons réussi à mettre à disposition un outil pour ces entreprises d’un même secteur et qui ont un problème commun”, se félicite-t-on au conseil régional d’Aquitaine.

Pour Hermès, qui a un atelier à Nontron en Dordogne (280 salariés) et a noué des partenariats sur le cuir dans le Sud-ouest, la participation à cette plateforme s’inscrit “dans le cadre de sa politique de formation et de transmission aux métiers artisanaux pour la maroquinerie”, indique à l’AFP Olivier Fournier, directeur général du pôle artisanal Hermès Maroquinerie Sellerie.

Quant à Repetto, il formera désormais ses artisans à Thiviers, et non plus à Coulaures, où son centre de formation vient de fermer après une ultime session dédiée à la fabrication des chaussures à talon, un créneau sur lequel Repetto vient de se lancer.

En trois ans, Repetto a formé 150 personnes à Coulaures, venues d’horizons variés. Un ancien boucher s’est ainsi reconverti dans la fabrication des ballerines. “Nous avons ensuite embauché tous ces gens”, relève M. Gaucher, dont l’entreprise emploie 340 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires d’un peu plus de 60 millions d’euros en 2013.

Potentiellement, une centaine d’entreprises représentant près de 5.000 emplois pourront utiliser la plateforme de Thiviers, qui pourrait dans une prochaine étape s’élargir à l’aménagement cuir de cabines d’avions ou de bateaux.