Tunisie – Hafedh Ben Salah : «La justice doit être à l’abri des influences politiques et des intérêts privés»

hafedh-ben-salah-justice-01.jpg«Il faut d’abord savoir ce que l’on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut enfin l’énergie de le faire», c’est de Georges Clémenceau et résume en peu de mots la démarche entreprise par Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, des Droits de l’Homme et de la Justice transitionnelle.

Hafedh Ben Salah est perçu comme étant un homme plus versé dans la réflexion que dans l’action. En parfait légaliste, il plaide pour la suprématie de la loi et l’indépendance de la magistrature, pariant sur son intégrité et son sens des responsabilités.

Le passage des deux Nahdhaouis, Noureddine El Bhiri et Nedhir Ben Ammou, au ministère ont été aussi dévastateurs que ceux de leurs confrères dans d’autres ministères.

Hafedh Ben Salah a-t-il réussi à rétablir un tant soit peu de justice dans la justice tunisienne?

Le dernier mouvement des magistrats serait passé tant bien que mal mais le plus grand enjeu reste la loi antiterroriste que nombre de sympathisants potentiels des terroristes font tout pour bloquer. Pour le ministre de la Justice, «la loi en cours d’examen est une nécessité urgente devant contribuer à la lutte contre le phénomène du terrorisme qui menace les forces sécuritaires et les citoyens, et si elle n’était pas votée dans sa globalité, elle pourrait être retirée par le gouvernement».

Entretien

WMC : Un Etat de droit, c’est le seul garant de la reprise de confiance non seulement des citoyens en leur Etat mais également des investisseurs nationaux et étrangers. Pensez-vous que l’après 14 janvier a apporté cet Etat de droit en Tunisie?

Hafedh Ben Salah : Je voudrais rappeler qu’il y a eu des réformes avant mon arrivée à la tête du ministère de la Justice. Il y a eu adoption de la Constitution et surtout adoption de la loi portant création de l’Instance provisoire de la iustice judiciaire. Ces textes ont introduit des nouvelles garanties pour l’indépendance et la neutralité de la justice. Il faut mettre l’institution judiciaire à l’abri des influences des politiques et surtout celles des milieux des affaires.

Ce que j’ai fait moi, c’est de favoriser le mouvement plaidant pour l’indépendance de la justice. J’ai essayé d’appuyer et soutenir les travaux de cette Instance qui est très importante même si elle est provisoire. Cette Instance prépare le Conseil supérieur de la magistrature qui sera définitivement adopté après les élections. Il sera donc le véritable artisan de la crédibilité et l’indépendance de la justice.

Ne pensez-vous pas comme le prétendent nombre de personnes que le fait que les magistrats ne soient pas les mieux payés en Tunisie facilite la débauche de nombre d’entre eux par les magnats des affaires et des finances et pourquoi pas les défenseurs des terroristes qui disposent de beaucoup d’argent?

Les magistrats sont des hauts fonctionnaires. Ils figurent parmi les mieux payés. Vous êtes, je suppose, consciente que le pays traverse une crise économique aiguë, donc l’augmentation aujourd’hui de leurs émoluments n’est pas à l’ordre du jour.

Pour ma part, je ne considère pas que la rémunération soit facteur déterminent dans les prédispositions de toute personne à la corruption ou à l’absence d’une intégrité morale indispensable pour faire un bon juge. Si un magistrat ou un fonctionnaire est corrompu, rien ne l’empêchera de continuer à l’être même s’il est le mieux rémunéré. C’est plus une attitude, un comportement plutôt et l’absence du sens moral qu’une question de position ou de moyens.

Cela peut être aussi à cause de l’absence d’une autorité capable de sanctionner les magistrats corrompus et de mettre le holà à des pratiques indignes de la Tunisie.

Je suis tout à fait d’accord mais il ne faut pas non plus qu’il y ait des punitions collectives non basées sur des preuves irréfutables. La plus grande partie de la magistrature tunisienne est intègre et essaye d’assurer tant bien que mal sa mission dans des conditions plutôt difficiles. Il faut peut-être revenir à la période qui m’a précédé. Nous avons assisté à une mise à l’écart de 83 magistrats, remerciés tous sans motifs convaincants. On a mis cela sur le compte d’un mouvement d’épuration. Je m’oppose aux punitions collectives, elles ne sont pas les plus efficientes, pertinentes ou justes. Pour preuve, 40 des magistrats mis à l’écart ont eu gain de cause auprès du tribunal administratif.

«… Je m’oppose aux punitions collectives, elles ne sont pas les plus efficientes, pertinentes ou justes…»

Il y a eu par conséquent annulation d’au moins 40 décrets du chef de gouvernement sanctionnant ces magistrats. Je plaide plutôt pour une démarche pragmatique. Nous devons statuer au cas par cas en commençant par le commencement: déposer plainte contre un magistrat. Toute plainte est initiée par l’Inspection générale du ministère. Je préconise l’application des plus strictes sanctions sur tout magistrat reconnu coupable de corruption.

Avez-vous mis en place une stratégie pour assurer l’indépendance et la neutralité de la justice surtout en ces temps assez troubles dans notre pays?

Tout à fait. Il y a une stratégie mise en place par le ministère de la Justice et qui est en cours d’élaboration. Elle en est à ses dernières touches. Elle couvre la période 2014-2016. Nombre d’actions œuvrant pour l’indépendance de la justice seront exécutées durant cette période et visant surtout le renforcement de sa crédibilité.

Elles s’articulent autour de la formation des conditions de travail et visent aussi le fonctionnement des institutions.

Il faut bien entendu prévoir et préparer un texte qui organise le CSM et réfléchir au nouveau statut registrant la fonction des magistrats. Le statut de 1967 est dépassé et n’est plus en harmonie avec la nouvelle Constitution.

Pour ma part, je suis en train de mener un certain nombre d’actions comme la mise en place des commissions pour réfléchir sur ces axes de réforme. Mais ce que j’ai voulu surtout faire est de faire fonctionner les institutions et de démontrer que les magistrats sont capables de se prendre en charge et de régler leurs propres problèmes par eux-mêmes et dans un cadre interne. C’est-à-dire dans le cadre de l’institution de la justice pour éviter la confrontation exécutif/magistrats. Je pense qu’en la matière, les magistrats sont en train de se rendre compte que l’indépendance n’est pas seulement un avantage mais surtout une responsabilité et c’est cela la véritable voie de l’indépendance.

La Loi antiterroriste est une plaie ouverte dans une Tunisie blessée par le terrorisme. Comment comptez-vous faire pour la faire adopter d’autant plus qu’il y a beaucoup de résistance au sein de la Constituante et des articles qui ont été rejetés tel l’article 32 qui stipule que toute personne n’ayant pas signalé des infractions terroristes est passible d’un an à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de cinq à dix mille dinars ou encore l’article 33.

Paradoxalement les articles qui sont tombés et qui n’ont pas eu l’unanimité ne sont pas des articles de principes. Les articles les plus importants sont passés, prenons à titre d’exemple l’article 12 qui définit les crimes terroristes et condamne le blanchiment d’argent a été adopté; l’article portant création du pôle judiciaire et la lutte contre le terrorisme aussi a été adopté; tout comme les articles relatifs au droit à la défense et celui qui protège le droit à la vie privée.

Je pense que ce qui a réduit le rythme ou a fait que la loi traîne à l’Assemblée, c’est le taux d’absentéisme des députés. Vous savez que c’est une loi organique qui nécessite une majorité de 109. Je pense que le président de l’Assemblée a du mal à réunir le nombre nécessaire de constituants. Ils sont en fin de mandat et ne sont peut-être plus intéressés par les travaux de l’Assemblée. Parmi eux, il y en a qui vont se représenter et donc sont plus occupés par leurs campagnes. Malgré cela, j’ai remarqué une volonté ferme et une détermination de la part des coalitions et des groupes parlementaires réellement motivés pour faire passer cette loi.

Il y a un effort notable de la part du président de l’Assemblée pour remettre tout le monde au travail et achever l’adoption de la loi. Il y a un blocage car la plupart des parlementaires ont été jugés sur la base de la loi de 2003. C’est la méfiance qui l’emporte sur la confiance.

«… Nous souhaitons que la loi permette, une fois votée, de créer un pôle où il y a tous les intervenants… »

La loi de 2003 n’a jamais été abrogée, elle est en vigueur et elle le restera tant que la nouvelle loi n’a pas été adoptée. Ce qui dérange dans l’action antiterroriste, c’est peut-être le fait d’être obligé de créer un pôle antiterroriste à l’instar du pôle financier. C’est-à-dire de manière informelle. Ce que nous souhaitons est que la loi permette, une fois votée, de créer un pôle où il y a tous les intervenants, de l’instruction jusqu’au jugement et jusqu’à l’appel. Nous voulons encourager une meilleure spécialisation des juges et assurer une bonne protection de cette justice.

Comme vous devez le savoir, dans quelques semaines vont commencer les jugements des affaires concernant les personnes arrêtées, il y a quelques mois, et cela nécessite un certain nombre de mesures, ces mesures peuvent être prises plus aisément dans le cadre de la nouvelle loi.

Une loi portant création d’un pôle antiterroriste se traduit de quelle manière sur le terrain?

La loi portant création du pôle antiterroriste a préparé le cadre légal. Elle exprime la volonté de toutes les parties concernées par la problématique terroriste de le mettre sur les rails et d’activer son démarrage effectif. Maintenant, il s’agit de passer à l’acte. Ce qui revient à dire, la mise en marche du pôle. Et ce n’est pas aussi évident que cela. Il a besoin de juges formés comme il se doit car on ne s’improvise pas juge antiterroriste et tout le monde est conscient de l’effort à faire.

Il y a aussi la question de l’organisation logistique et, à mon avis, il faut mettre tout ça en place dès que la loi est votée…

L’Etat de droit n’est pas que la sécurité tout court, c’est surtout garantir les droits des uns et des autres, qu’il s’agisse de la sécurité des personnes, économique, commerciale et autres. Que c’est difficile dans un pays en pleine mutation!

Tout à fait. D’ailleurs, j’ai toujours parlé de la sécurité juridique dans son ensemble. Le ministère de l’Intérieur parle de la sécurité tout court, donc de garantir la sécurité des entreprises et des personnes. Mais il y a aussi la sécurité juridique qui implique un rôle plus important du ministère de la Justice et de la magistrature.

On ne gagne pas à être crédibles à l’extérieur du pays et ne pas l’être à l’intérieur. La justice doit être crédible vis-à-vis des justiciables nationaux et, après, vis-à-vis des investisseurs internationaux. Il y a beaucoup à faire sur ce plan. Nous avons mis en place, avec ma propre contribution, un certain nombre de projets pour améliorer les conditions de travail des magistrats et assurer plus de célérité dans le traitement des dossiers.

Il y a un encombrement des chambres. Il y a le nombre de dossiers important par rapport aux moyens et aux ressources humaines disponibles. Il y a même un problème au niveau du traitement des jugements. Parce qu’on peut juger une affaire aujourd’hui et attendre 2 ou 3 mois pour avoir le rendu du jugement. Que de temps perdu. Ce sont des complications qui empoisonnent la vie des magistrats et des justiciables…

Donc je pense que maintenant il faut se diriger vers le cap qualité, il faut essayer d’améliorer la qualité des conditions de travail parce que c’est important et parce que c’est un élément essentiel de la crédibilité et du rayonnement de la justice.

Quelles sont les actions concrètes que vous avez entreprises vous-même pour y parvenir et surtout touchant aux dossiers des compétences et opérateurs privés tunisiens dont les dossiers traînent depuis bientôt 4 ans. Ce qui est aberrant lorsque les jugements des terroristes et les dossiers des criminels de droit commun sont traités et rendus plus rapidement?

Bien sûr au début de ma mission, j’ai tenu des réunions, j’ai participé à des séminaires de discussions et de formation, concernant surtout la question de mandat de dépôt distribué un peu à la légère par les juges d’instruction saisis d’affaires post janvier 2011.

«Il y a eu beaucoup de mandats de dépôt, on a mis en prison de chefs d’entreprise ou bien d’anciens PDG et ministres sans que les conditions de détention ne soient remplies»

Effectivement, il y a eu un grand nombre de mandats de dépôt, on a mis en prison un nombre de chefs d’entreprise ou bien des anciens PDG, d’anciens ministres sans que les conditions de détention ne soient remplies. Il fallait revenir à la légalité et surtout à appliquer les termes du Code de procédures pénales. Cela a pris un certain temps et nous avons bien vu l’annulation de certains mandats de dépôt. Nombre de prévenus ont été libérés tout en se maintenant à la disposition de la justice. Ceci a en quelque sorte allégé le grand fardeau porté par les juges d’instruction chargés de dossiers qu’ils ne pouvaient pas traiter, alors que les prévenus en prison attendaient deux ou trois ans avant de voir leurs dossiers instruits et clôturés par les juges pour que le jugement final soit l’acquittement!

Il y a aussi eu cette mesure d’interdiction de voyage pour certains, qui a empoisonné la vie des hommes d’affaires et qui a limité l’initiative en matière économique. Et là encore, nous avons fait une campagne de sensibilisation en direction des magistrats. Lorsque la défense de ces personnes a porté les affaires devant la chambre d’accusation, c’est elle qui a statué sur ces dossiers et nombre de ces interdictions ont été levés. Interdire le voyage à ces personnes est nocif. J’ai eu personnellement à traiter du cas très particulier, celui d’un pilote. Si on interdit à un pilote de prendre l’avion, il ne travaille plus et surtout il est menacé de perdre sa licence de pilotage.

Vous voyez une simple mesure provisoire peut tourner au drame. Et c’est ce que les juges d’instruction ont fini par comprendre. Les chambres d’accusation ont tout essayé de mettre en œuvre pour rétablir le climat de confiance dans les affaires de la justice et le monde des affaires.

Ne pensez-vous pas qu’il y a eu beaucoup de faux pas commis par le pôle financier?

J’estime que le pôle financier a été un peu improvisé. Il recèle des défaillances et des imperfections qui se sont répercutées sur son œuvre et ses actions. C’est un pôle encombré d’affaires, et ce genre d’affaires doit être traité par les experts. Parce qu’un juge d’instruction n’a pas le temps d’étudier les documents et les pièces dans 50 boîtes d’archives touchant à une seule affaire. Il délègue aux experts qui se basent sur le rapport de l’inspection du ministère concerné.

«J’estime que le pôle financier a été un peu improvisé. Il recèle des défaillances et des imperfections qui se sont répercutées sur son œuvre et ses actions»

In fine, nous arrivons à un dossier peu consistant et très souvent très compliqué. Et on s’étonne que suite à l’information judiciaire, alors que les prévenus passent deux ou trois ans en détention provisoire, le tribunal finit par acquitter et prononce un nom lieu. C’est une disparité entre les peines infligées et les jugements rendus. C’est à cause de la procédure d’instruction qui n’est pas assez bien construite que l’on finit par douter de l’efficacité de l’instruction et surtout de son utilité.

Des fois, on s’interroge sur les moyens de se sortir de ce goulot d’étranglement. Les dossiers sont soumis au juge d’instruction parce que les procédures l’imposent, et chez ce dernier, les affaires peuvent prendre des mois voire des années en instruction ou en investigations sans aucune possibilité de poser des questions ou de saisie des dossiers. Je considère qu’il faut réfléchir sérieusement à une réforme touchant au rôle du juge d’instruction, sa place et la qualité de son travail…

Avant le 14 janvier, il y avait presque confusion entre le pouvoir judiciaire et celui exécutif, aujourd’hui le pouvoir judiciaire est plus indépendant mais vos vis-à-vis sont multiples. Comment faites-vous pour concilier les exigences ou plutôt les revendications des uns et des autres partant de l’Association des Magistrats en passant par l’Association et le tout chapeauté par l’Instance supérieure de la magistrature?

Dans l’intérêt de la justice, le ministère assure le rôle défini par les textes en vigueur, notamment les décrets portant organisation du ministère de la Justice. Et dans ce cadre, le ministre agit. Les partenaires du ministère, qu’il s’agisse du Syndicat ou de l’Association, sont des groupes de pression. Personnellement je les considère comme tels. Ils ne peuvent pas prendre des décisions en lieu et place du ministère, mais ils essaient de défendre le corps de la magistrature et de lui garantir des conditions d’exercice favorables. Et en premier lieu de défendre au corps de la magistrature et par exemple de défendre les causes professionnelles des magistrats. Ce sont des organisations qui essaient d’orienter la politique et les orientations du ministère.

Mais attention, le ministère n’est pas un juge. Il ne juge pas. Tout le volet afférant au traitement des dossiers se rapportant à la Justice relève de l’Instance et des magistrats eux-mêmes. Les organisations n’ont pas de prise sur l’Instance ou sur l’activité judiciaire.

Au fond, comment assurer un bon fonctionnement des tribunaux et l’indépendance de la justice? C’est justement en transférant les prérogatives du ministère et celles de l’ancien CSM au nouveau CSM adopté par la nouvelle Constitution. Il est temps pour les magistrats de se prendre en charge et d’assumer la responsabilité de leur réputation, de leur crédibilité et de leurs statuts. S’ils assurent leur rôle dans le respect de la loi et de l’éthique, ils imposeront le respect et s’ils s’allient à l’argent ou la politique, ils doivent en assumer les conséquences. Et c’est l’inspection du ministère de la Justice qui a la charge de sévir. Elle doit veiller sur le respect des règlements et de la loi.

Dans le contexte actuel, elle a été affaiblie par tous ces changements post-14 janvier et elle ne peut assurer sa mission comme il se doit. Et c’est pour toutes ces raisons qu’il faut repenser l’instruction et la restructurer. L’instruction ce sont des magistrats qui vont essayer de veiller à la bonne application des procédures et des lois par leurs collègues. C’est pour cela qu’il faut repenser l’architecture qui garantit une indépendance de la justice en Tunisie, il faut revoir l’inspection au niveau de son organisation, de sa formation et de sa mission.

Les élections sont pour demain, quel rôle joueront les magistrats pour garantir la transparence et la crédibilité nécessaires pour rassurer et sécuriser les Tunisiens?

C’est la loi qui a confié aux juges le rôle de l’arbitrage et plus précisément aux tribunaux de première instance. Je pense aux juges cantonaux aussi, s’il y a contentieux c’est celui des inscriptions sur les listes électorales. En ce moment même, les tribunaux sont en train d’étudier les requêtes présentées par, soit les candidats, soit ceux qui contestent la candidature de certains sur des listes, etc.

D’ailleurs, il y a une permanence sur tout le territoire pour respecter les délais et statuer en temps et heure. La loi électorale a prévu des délais courts pour que les tribunaux se prononcent sur la régularité ou l’irrégularité des inscriptions sur les listes soumises à l’ISIE.

Pouvons-nous espérer la création d’une police judiciaire à l’instar de celle existant en France ou aux Etats-Unis, soit une division spécialisée chargée de constater les infractions, d’en rassembler les preuves, d’en rechercher les auteurs et également de sécuriser les tribunaux et de protéger les juges? Les attaques à l’encontre des juges après le 14 janvier nous ont laissé de très mauvais souvenirs…

Au fait, votre question m’amène à distinguer entre deux choses. Il y a la sécurité des tribunaux, c’est-à-dire la police qui va veiller à ce que les audiences se passent dans des conditions sécurisantes et calmes, et faire en sorte que les bâtiments soient protégés et gardés. Avec la direction générale des prisons, nous sommes en train de former un corps qui dépend du ministère de la Justice et qui assurera la protection des tribunaux. A l’intérieur même des salles d’audience, il veillera à ce que tout se déroule dans de bonnes conditions.

La police judiciaire représente toute autorité qui constate l’infraction, qui rédige les PV pour les transmettre au procureur et au juge d’instruction ou à l’information juridictionnelle. La police judiciaire existe déjà de et par les textes. Mais il n’y a pas que la police qui doit être en charge des constats. D’autres peuvent assumer cette charge. Il peut y avoir des officiers dans d’autres départements qui peuvent assurer, tels les douaniers.

«Il ne faut pas que le personnel de la justice devienne lui-même partie prenante dans la première phase d’investigations et d’instruction»

Le ministère de la Justice ne doit pas cumuler les deux fonctions, celle de chercher les preuves et de monter l’instruction et celle de juger les prévenus. Il s’agit de garantir les libertés et de préserver les droits de l’homme en séparant l’autorité qui constate le délit et ordonne l’instruction, et la justice qui doit rester sereine pour instruire le dossier. Il ne faut pas que le personnel de la justice devienne lui-même partie prenante dans la première phase d’investigations et d’instruction. Même si on peut accorder à un juge ou un magistrat le fait de constater en cours de route l’infraction, cela ne doit pas devenir une règle mais plutôt une exception qui relève de l’exercice de sa fonction. Il est impératif de séparer l’autorité qui constate l’infraction de celle qui la juge.