«Du trou d’air économique tunisien, les participants sont sortis de la conférence avec plein de trous d’air dans leurs esprits». C’est sur fond musical du film “Mission impossible” que la conférence, organisée par l’IHET et animée par Dominique Strauss-Kahn autour du thème “Évolution de l’économie mondiale et la place de la Tunisie”, a eu lieu mardi 23 à Tunis.
La remise en état de l’économie tunisienne, une mission impossible? DSK ne s’est pas attardé sur le cas tunisien. A la fin de la conférence, on a eu le sentiment d’avoir été roulés dans la farine. Mouez El Joudi, co-animateur de la conférence, n’a pas épargné d’éloges sur le grand Strauss-Kahn, le décrivant comme étant un grand homme de science, celle des sciences économiques. Cette fois-ci, l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI) n’a pas estimé nécessaire d’y correspondre, sa présentation a été trop générale, trop évasive et trop superficielle. C’était comme s’il relatait une suite de faits économiques d’actualité que l’assistance avisée qui se trouvait devant lui dans la salle maîtrisait parfaitement!
Une présentation presque improvisée avec un mot repris trop souvent: «incertitudes»; ces incertitudes qui pèsent sur le monde. Qui ne le sait pas parmi ceux qui parcourent régulièrement les journaux ou regardent les informations!
«Ce qui caractérise le contexte actuel est cette sorte de balancements et d’incertitudes politiques qui pèsent lourd sur l’économie mondiale». DSK s’est dit rassuré par la défaite des défenseurs du référendum pour l’indépendance de l’Ecosse mais toujours inquiet quant à d’autres velléités indépendantistes dont celle de la Catalogne en Espagne dont «le poids économique peut être un facteur déstabilisateur pour le royaume ibérique» et que les États-nations ne sont plus adaptés au contexte actuel qui rime plus avec globalisation.
DSK n’a pas manqué d’évoquer la crise russo-ukrainienne et ses conséquences sur l’économie du Vieux continent: «Il y a un effet économique très fort dont une crise de croissance en Russie et un blocage de l’internationalisation des entreprises russes».
Le pire dans tout cela est que les Européens ont tapé sur les Russes sans offrir d’alternatives viables et surtout des solutions aux Ukrainiens, indique le conférencier. L’Europe ne sortira pas indemne de la crise. A titre d’exemple, les 3.000 entreprises allemandes installées en Russie vivent elles aussi dans l’incertitude. Mais pire que tout, estime DSK, «nous sommes en train de jeter les Russes dans les bras des Chinois».
Conséquences: la constitution de nouveaux blocs dans le monde, à savoir un bloc nord-américain, un bloc sud-américain avec au centre le Brésil, et un bloc chinois allié aux Russes. L’Inde se préserve et l’Europe n’arrive pas à resserrer ses rangs ni entre différents pays de l’Union européenne ni dans l’aire méditerranéenne.
Et la Tunisie dans tout cela?
DSK ne s’est pas attardé sur le cas tunisien car comme il l’a dit lui-même et à juste titre, l’incertitude politique pèse énormément sur le pays et il est «évident qu’il ne peut y avoir de développement économique sans visibilité politique et une réussite du processus démocratique». En somme, la vérité de Lapalisse!
Sauf peut-être quand il s’agit de phénomènes tels ceux de l’économie informelle qui pourrait être réorientée dans le sens d’une récupération plus étudiée par l’économie formelle et qui pourrait, selon DSK, être d’un apport de 2% au PIB national. «L’économie informelle, qui a atteint plus de 40%, est statiquement une catastrophe mais que l’on pourrait transformer en un atout. Il faut travailler sur la perception des acteurs économiques de ces activités et faire en sorte de la formaliser».
Reste le grand problème de la recapitalisation des principales banques publiques. «Le FMI ne s’impose pas, on l’invite. En Tunisie, il est normal que si l’on en appelle à l’aide du FMI, il est des réformes urgentes que l’on ne peut éviter, telles celles du secteur financier, du système fiscal ou encore la lutte contre la corruption».
La confiance! Il suffit d’un petit déclic opéré par les changements politiques lesquels, nous l’espérons, se produiront en Tunisie pour que la confiance des investisseurs et la relance économique se produisent. Il y a un trou d’air économique en Tunisie, les voyants économiques ne sont pas bons et la situation politique est incertaine. «Les pouvoirs publics, dernier gouvernement compris, ont manqué de fermeté dans la prise de décisions courageuses qui s’imposaient pour rétablir les choses dans l’ordre et l’ordre des choses. Il faut que les choses bougent. La Tunisie est un pays à la croisée des chemins et il faut que sa transition réussisse. C’est important pour le monde entier».
Mais quelles portes de sortie préconise l’économiste réputé mondialement pour une Tunisie malade de ses politiques? Quelles orientations devraient éventuellement prendre le prochain gouvernement, pour justement remettre les pieds dans l’étrier et relancer économie et investissement?
Quelle conduite à suivre dans un contexte géopolitique aussi délicat?
Les réponses de DSK, à ces propos, ont été très évasives sinon inexistantes.
L’Afrique ne fait pas partie de l’échiquier du grand joueur d’échecs qu’il est et encore moins le Maghreb pour des raisons politiciennes notoires.
Pour résumer, on s’attendait à plus et à mieux de la part de DSK. Nombreux sont ceux qui sont sortis de la conférence avec plein de questions sans réponses convaincantes et apaisantes et même de trous d’air dans leurs esprits associés au trou d’air économique de la Tunisie… Ce qui n’est pas de bonne augure…
Une question mériterait toutefois réponse: DSK a-t-il été payé pour faire cette présentation? Auquel cas, ses commanditaires devraient se demander s’ils en ont eu pour leur argent. Ou a-t-il offert gracieusement ses services, auquel cas, son cadeau est loin d’être à la hauteur du grand homme et de l’économiste d’envergure internationale qu’il est. .