L’adoption du paquet de cigarettes “neutre” pourrait coûter cher à la France

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à des procès, qui pourraient coûter cher à la France (Photo : Denis Charlet)

[25/09/2014 08:29:29] Paris (AFP) Face à la probable annonce jeudi de l’instauration en France du paquet de cigarettes “neutre”, les fabriquants s’inquiètent d’une forte perte de valeur de leurs marques, n’excluant pas le recours à des procès, qui pourraient coûter cher à la France.

“C’est une annonce complètement incompréhensible car elle se calque sur l’expérience australienne qui, plus qu’un échec, est un véritable fiasco”, assure Céline Audibert, porte-parole du groupe français Seita, filiale du cigarettier Imperial Tobacco, précisant que “six mois après l’instauration de ce paquet neutre dans ce pays, aucune baisse de la consommation n’a été enregistrée”.

Le paquet “neutre” n’est pour l’instant expérimenté qu’en Australie où, depuis décembre 2012, tous les produits du tabac sont vendus dans des paquets uniformes vert olive, dépourvus de logos et avec des avertissements et des photos de personnes malades.

L’ambition des autorités australiennes est de faire baisser de 15% à 10% d’ici 2018 le pourcentage des fumeurs dans la population adulte, mais la mesure s’est heurtée à l’opposition virulente des fabriquants.

En revanche, l’Australie a depuis “connu une augmentation de la contrebande et de la contrefaçon”, souligne Mme Audibert.

La Grande-Bretagne pourrait aussi appliquer le paquet “neutre” prochainement.

“Avec ces paquets sans logo, ni marques, on va faciliter la contrefaçon, et l’augmentation du marché parallèle qui représente déjà 25% du marché”, estime le président de la confédération des buralistes, Pascal Montredon.

Les cigarettiers dénoncent déjà une “expropriation” de leur droit à la propriété intellectuelle, qui selon eux pourrait coûter cher à la France.

– “Il y aura des litiges” –

Avec le paquet neutre, “la marque est bannie, dans un format égal à toutes les cigarettes, sur un fond uniforme: nous perdons donc nos marques, c’est une atteinte grave à la propriété intellectuelle, qui va jusqu’à la spoliation”, déplore Céline Audibert.

“Nous intenterons tout ce qu’il faut pour défendre nos marques qui font la valeur de notre entreprise”, a-t-elle ajouté.

“C’est certain, il y aura des litiges car il s’agit d’expropriation du droit de propriété intellectuelle; les logos, les marques ont une valeur et si on les enlèvent, il doit y avoir une compensation financière, qui peut être potentiellement très élevée”, explique une source proche du dossier.

Une autre source proche l’affirme: “cette décision touche au droit des marques et les fabricants vont faire tout ce qui est nécessaire pour protéger leurs marques”.

Selon une note de BNP Exane publiée en juillet, en Grande-Bretagne, si l’Etat devait indemniser les fabricants pour la perte de leur marque, cela coûterait entre 9 et 11 milliards de livre sterling.

“Le marché est quasi-comparable à celui de la France, ce qui donne une idée de l’indemnisation”, souligne Mme Audibert.

Et “les Etats eux-mêmes peuvent engager des poursuites: c’est le cas de l’Australie, attaquée (par d’autres pays, ndlr) pour infraction aux règles de la propriété intellectuelle et barrière au commerce”, ajoute cette source proche.

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à Sydney, en Australie, le 1er décembre 2012 (Photo : William West)

Un rapport d’information des députés Jean-Louis Touraine et Denis Jacquat publié en juillet, rappelle que “depuis mars 2012, cinq différends ont été engagés contre l?Australie par l’Ukraine (octobre 2012), le Honduras (septembre 2013), l’Indonésie (mars 2014), la République dominicaine et Cuba (avril 2014) au sein de l?Organisation mondiale du commerce (OMC). Les plaignants considèrent que la législation australienne est incompatible avec les accords conclus à Marrakech en 1994 au terme de l?Uruguay Round”.

Dans un communiqué commun, l’Union des fabriquants (Unifab) et l’association des praticiens du droit des marques et des modèles disent “s’inquiéter fortement des conséquences de cette atteinte majeure au droit fondamental, gravé dans la déclaration des Droits de l?Homme de 1789, qu?est la propriété intellectuelle”.

Selon eux, “le vote de cette mesure représenterait une entrave pour les entreprises à faire usage de leur droit de marque et mettrait en péril la valeur même de ce droit, ce qui aurait des effets dramatiques en matière de compétitivité économique”, ajoutent-ils.