Crise financière : l’Etat fédéral en procès pour le sauvetage acrimonieux d’AIG

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à Washington (Photo : Chip Somodevilla)

[28/09/2014 14:17:52] New York (AFP) Six ans après le sauvetage de fleurons de Wall Street frappés par la crise s’ouvre lundi le procès intenté au gouvernement américain par l’ancien patron de l’assureur AIG, qui risque de rouvrir un épisode sombre de la crise financière.

Ce procès, qui se déroulera à Washington, s’annonce comme celui des mesures exceptionnelles prises par l’Etat fédéral pour éviter un effondrement du système financier.

Intenté par Maurice “Hank” Greenberg, 89 ans, l’ancien patron historique d’AIG, il verra défiler à la barre ceux qui étaient aux premières loges ce fameux week-end du 16 septembre 2008, au cours duquel le gouvernement américain a laissé tomber Lehman Brothers et poussé Merrill Lynch dans les bras de Bank of America.

L’ancien président de la Banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke, et l’ancien secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, à l’époque président de la Fed de New York, bras financier de la Banque centrale, sont cités comme témoins.

C’est sur leurs témoignages que repose l’issue de cette action judiciaire intentée en 2011 par M. Greenberg, premier actionnaire d’AIG via son holding d’investissement Starr International au moment de la crise.

“L’issue repose aussi sur la crédibilité du témoin Greenberg”, estime auprès de l’AFP Jacob Frenkel, ancien procureur fédéral.

M. Greenberg reproche à l’Etat fédéral d’avoir spolié les actionnaires d’AIG, dont lui-même. Le procès doit durer jusqu’au 18 novembre.

M. Greenberg a dirigé AIG pendant près de 40 ans et en a fait le numéro un mondial de l’assurance. Il a été poussé à la démission en 2005, dans la foulée d’une enquête liée à une fraude comptable pour laquelle il n’a finalement pas été condamné.

Il a aussi fait d’AIG un groupe opaque du fait de ses ramifications multiples et qui est devenu l’un des symboles des excès de la finance.

C’est le département des produits financiers, notamment la filiale londonienne AIG Financial Products, qui a conduit au bord du précipice l’assureur.

Cette filiale avait pris des risques sur des produits dérivés liés aux crédits immobiliers “subprime” qu’il dissimulait via des artifices comptables.

AIG ne doit sa survie en septembre 2008 qu’à des injections de fonds publics à hauteur de 182 milliards de dollars sous forme de liquidités et de garanties.

En échange, l’Etat avait nationalisé le groupe en prenant 79,9% du capital.

– 25 milliards de dommages –

S’il ne conteste pas qu’une telle aide était nécessaire, M. Greenberg souligne que l’Etat a fait payer à AIG des taux d’intérêt et des commissions élevés. Il réclame au moins 25 milliards de dollars de compensations.

Lors du sauvetage, nombre d’actionnaires se sont retrouvés quasiment ruinés puisque leur part a été diluée et ils ont perdu entre 80 et 90% de leur investissement. C’est cette opération qui a conduit à la création du fonds de sauvetage fédéral TARP.

Pour M. Greenberg, l’Etat fédéral a imposé des conditions pénalisantes aux actionnaires pour avancer 85 milliards de dollars en 24 heures, selon les documents judiciaires.

Ces conditions, fait-il valoir, violent le Cinquième Amendement de la Constitution américaine qui interdit de réquisitionner un bien ou une propriété privée sans une juste indemnisation.

Selon le Trésor, ce sauvetage s’est soldé par un gain de 22,7 milliards de dollars pour les pouvoirs publics.

Le gouvernement américain espérait que cette plainte ne déboucherait pas sur un procès. Une première démarche avait été classée sans suite par un tribunal de New York.

L’assureur, qui a fini de rembourser l’Etat et a renoué avec les bénéfices, n’est pas associé à la plainte.

“La position d’AIG est la preuve qu’il veut refermer ce chapitre de son histoire”, analyse Jacob Frenkel.

M. Greenberg a toutefois le soutien de grandes figures de Wall Street qui ont mis la main à la poche pour l’aider à s’acquitter de frais de justice colossaux, rapporte le New York Times.

C’est le cas de Kenneth Langone, l’un des fondateurs de la chaîne de magasins de bricolage Home Depot. M. Langone s’est retrouvé dans la ligne de mire des autorités lors de sa tentative ratée de s’emparer de la plateforme boursière, le New York Stock Exchange, NYSE.

Une issue favorable à M. Greenberg viendrait renforcer le sentiment d’impunité des fleurons de Wall Street largement répandu dans l’opinion américaine.

A l’exception de pénalités financières record contre les banques, aucun nom emblématique de la première place financière du globe n’a été inquiété alors que ce sont les errements du milieu financier qui ont conduit en 2008 à la plus grave crise depuis 1929.