çais, sera la mesure fiscale phare du budget 2015 (Photo : Philippe Huguen) |
[29/09/2014 10:34:05] Paris (AFP) La suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, annoncée par Manuel Valls le 17 septembre comme une réponse au “haut-le-coeur fiscal” des Français, sera la mesure fiscale phare du budget 2015, présenté mercredi en Conseil des ministres.
Cette initiative risque pourtant d’accentuer les clivages entre ceux qui paient l’impôt sur le revenu et ceux qui en sont exemptés et ne résout pas les défauts structurels de cet impôt centenaire, notent de nombreux spécialistes.
“Si on avait voulu restaurer la confiance dans l’impôt, c’est à peu près exactement ce qu’il ne fallait pas faire”, estime ainsi Thibault Gajdos, économiste au CNRS.
“C’est une réponse politique instantanée à un problème d’opinion publique instantané”, renchérit Michel Taly, avocat fiscaliste.
Baptisé “impôt de discorde” par le deuxième président de la IIIe République Adolphe Thiers, farouche opposant à sa création, l’impôt sur le revenu est aujourd’hui solidement implanté dans notre paysage fiscal.
Mais, tout juste un siècle après son adoption pour soutenir l’effort de guerre de la France, il reste l’objet de débats passionnés, la cuvée 2013 ayant même conduit à diffuser l’expression de “ras-le-bol fiscal” jusqu’au coeur du gouvernement.
Cette attention peut sembler exagérée car seulement la moitié des contribuables le payent et il rapporte beaucoup moins à l’Etat que d’autres mécanismes fiscaux (73 milliards d’euros en 2013, contre 163 milliards pour la TVA et quelque 90 milliards pour la CSG).
Mais il reste le plus emblématique, car il incarne l’idéal affiché de progressivité et de redistribution de notre système fiscal. Un idéal réitéré par la promesse de François Hollande d’un impôt “plus juste et plus simple”.
– Des défauts persistants –
Aussi, l’annonce du gouvernement, qui devrait conduire 3 millions de ménages à ne plus payer l’impôt sur le revenu, faisant passer la proportion de foyers imposables sous les 50%, n’est pas du goût de tous.
ée Nationale le 8 avril 2014 (Photo : Patrick Kovarik) |
L’impôt sur le revenu “devrait être un impôt citoyen qui occupe une place plus centrale dans le système fiscal”, or “on continue à le dépecer”, déplore ainsi Vincent Drezet, secrétaire général de Solidaires finances publiques, principal syndicat de l’administration fiscale.
Cela accentue “l’idée reçue selon laquelle une moitié des ménages financerait les dépenses publiques dont profiterait l’autre moitié”, estimait aussi récemment la CFDT, tandis que François Bayrou, le président du MoDem, se prononçait pour que “tous les Français” payent “même un petit impôt sur le revenu”.
La mesure, qui conduira à ne plus imposer les revenus sous un seuil d’environ 10.000 euros, concerne toutefois des ménages qui ne payaient qu’un faible montant. “En termes d’équité fiscale, le monde ne va pas s’écrouler parce que quelqu’un qui payait 65 euros paye zéro”, tempère ainsi Michel Taly, également expert à l’Institut de l’entreprise.
L’annonce du gouvernement se présente comme un geste d’apaisement, après plusieurs années de hausse du nombre de foyers imposés, et comme un substitut à la baisse des cotisations sociales sur les bas salaires, censurée par le Conseil constitutionnel.
Elle risque toutefois de faire des déçus, car les bénéficiaires de cette modification du barème ne seront pas forcément les mêmes que ceux qui sont entrés dans l’impôt ces dernières années, essentiellement du fait de la suppression de niches ou d’abattements, avertit l’avocat.
De plus, elle est annoncée comme une mesure en faveur des ménages moyens et modestes, mais tous les foyers déjà non imposables aujourd’hui n’en tireront aucun bénéfice.
Autre reproche: elle ne contribue pas à simplifier la fiscalité. D’abord par la façon dont elle a été annoncée, lors d’une interview à la radio de Manuel Valls, suivie d’un flou sur les détails concrets, et alors que le Premier ministre s’exprimait la veille devant le Parlement, qui a pour prérogative la fixation de l’impôt.
“Ce n’est pas sérieux du point de vue de la signification qu’on donne à l’impôt”, estime Thibault Gajdos.
Et, sur le fond, cela ne résout pas les “défauts structurels” d’un impôt “complexe, injuste et instable”, diagnostique Vincent Drezet, en référence aux nombreuses niches fiscales.
Perçu comme une énième refonte, sur laquelle le gouvernement peut revenir à tout instant, “ce cadeau fiscal ne va pas du tout être utilisé pour changer les comportements de consommation (…), ça n’aura aucun effet sur la croissance”, renchérit Olivier Bargain, professeur d’économie à l’Université d’Aix-Marseille.