L’époque du yen fort est révolue, le dollar au plus haut depuis 2008

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ère fois depuis la crise financière de 2008 (Photo : Toru Yamanaka)

[01/10/2014 08:16:28] Tokyo (AFP) Le dollar a franchi mercredi la barre symbolique des 110 yens pour la première fois depuis la crise financière de 2008, un pas de plus dans la dépréciation de la devise nippone amorcée depuis fin 2012 par le gouvernement de Shinzo Abe.

A 11h18, heure de Tokyo (02h18 GMT), le billet vert est monté jusqu’à 110,09 yens, atteignant un nouveau sommet depuis août 2008, avant de redescendre autour de 109,84 yens à la clôture de la Bourse.

Cette ascension était absolument inimaginable début 2012, quand le dollar voguait autour de 76 yens.

Cinq ans plus tôt, il valait 123 yens. Entre temps, la crise financière partie des Etats-Unis, suivie de la crise de la dette en Europe et du ralentissement économique mondial, est passée par là, dopant la devise nippone, valeur refuge par excellence.

A leur grand dam, les exportateurs ont été contraints d’abaisser leur prix sur les marchés étrangers pour maintenir leur compétitivité, réduisant du même coup leurs recettes et leurs marges.

Pour contourner le problème, beaucoup d’entreprises ont accéléré la délocalisation d’usines, à l’image du constructeur d’automobiles Nissan.

Quant aux autorités, elles semblaient démunies après une série d’interventions peu concluantes sur le marché des changes… jusqu’à l’arrivée au pouvoir du Premier ministre conservateur Shinzo Abe en décembre 2012.

Le choses bougent avant même son élection. Le dirigeant promet alors une ambitieuse politique de relance qu’il met immédiatement sur les rails, déterminé à en finir avec la déflation qui handicapait l’archipel depuis une quinzaine d’années.

Sous son impulsion, en avril 2013, la Banque du Japon (BoJ) et son nouveau gouverneur Haruhiko Kuroda changent de stratégie. Finie la focalisation sur le taux directeur au jour le jour, désormais la priorité est à un objectif d’inflation de 2% via un doublement de la masse monétaire en deux ans.

Conséquence de ces injections de liquidités dans l’économie, la monnaie nippone a perdu un cinquième de sa valeur face au dollar au cours de l’année 2013. Même tendance vis-à-vis de l’euro qui se situe désormais aux alentours de 138 yens, après un trou à moins de 100 yens mi-2012. Il était monté auparavant à 170 yens en 2007.

Les firmes exportatrices japonaises en ont profité, voyant leurs revenus mécaniquement gonflés par cette évolution des devises, même si d’autres handicaps structurels demeurent.

Selon les calculs des analystes, pour Toyota, un yen de moins par dollar se traduit sur le papier par des profits de 30 milliards de yens (216 millions d’euros).

– Divergence Fed-BoJ –

Petit revers cependant, cette dépréciation renchérit le coût des produits importés, en particulier des hydrocarbures dont le Japon manque cruellement depuis la catastrophe nucléaire de Fukushima qui a entraîné l’arrêt des réacteurs du pays.

Le PDG de Nissan, Carlos Ghosn, plaidait récemment pour un “taux de change neutre à 100 yens”. “Nous ne voulons pas être avantagés, nous ne voulons pas être handicapés, nous voulons juste faire notre boulot”.

Après une accalmie dans les premiers mois de 2014, le mouvement s’est accéléré ces dernières semaines et le dollar a entamé une course folle à partir de la mi-août.

La devise américaine a en effet profité de la publication d’une série d’indicateurs positifs, témoignant de la solidité de la reprise aux Etats-Unis, tandis que l’économie japonaise montrait des signes de faiblesse.

De nombreux cambistes attendent désormais le rapport sur l’emploi américain pour le mois de septembre, à venir vendredi.

Dans ce contexte, la Réserve fédérale américaine (Fed) a continué à réduire son soutien à l’économie et pourrait décider un relèvement des taux en 2015.

Dans un mouvement inverse tirant le yen vers le bas, la BoJ pourrait être amenée à procéder à un nouvel assouplissement pour stimuler l’activité, qui souffre d’une hausse de la taxe sur la consommation début avril.

Pour les mêmes raisons de divergence des politiques monétaires, la devise américaine vogue également au plus haut face à l’euro depuis deux ans.

La monnaie européenne évoluait mercredi après-midi à Tokyo autour de 1,2613 dollar, affectée depuis quelque temps par une résurgence des inquiétudes sur l’économie de la zone euro qui nourrissent les spéculations sur un nouveau soutien monétaire de la BCE.