Face à la fronde à Hong Kong, Pékin serre l’étau de la censure

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ès populaire réseau en ligne de partage de photos Instagram a été la première grande application électronique à faire les frais du nouveau tour de vis chinois (Photo : Josh Edelson)

[01/10/2014 09:05:33] Pékin (AFP) Trahissant sa nervosité face aux prodémocratie qui occupent la rue à Hong Kong, le Parti communiste chinois (PCC) a durci comme jamais sa censure contre les réseaux sociaux, en tentant d’imposer la thèse d'”extrémistes” violant la loi.

Sur le continent, des millions de Chinois restent dans l’ignorance de la fronde qui agite Hong Kong pour élire son gouverneur en 2017 au suffrage universel plein et entier.

Le très populaire réseau en ligne de partage de photos Instagram a été la première grande application électronique à faire les frais du nouveau tour de vis.

Bloqué depuis dimanche, Instagram a ainsi rejoint Facebook — qui l’avait racheté en 2012 –, Twitter et Youtube parmi les grands noms de l’internet bannis en Chine continentale.

– Contourner la censure –

Pour contourner la censure, de nombreux manifestants ont adopté ces derniers jours à Hong Kong FireChat, une nouvelle application de messagerie sur smartphone fonctionnant sans réseau et sans l’internet.

“Le système de censure extrêmement efficace qu’elles (les autorités chinoises) ont développé depuis 1949 fonctionne réellement, et il y a très peu d’informations en dehors de la ligne officielle qui parviennent à se maintenir” sur les sites, souligne Jeremy Goldkorn, rédacteur en chef du site d’informations danwei.org, également bloqué par la censure.

Sur le thème Hong Kong, les médias chinois ont reçu pour instruction de s’en tenir à la ligne officielle, dépeignant les contestataires comme des “extrémistes”, volontiers violents, porteurs de menaces pour les affaires, la “stabilité” ou le cours de la Bourse.

“Cela ne veut pas dire que les gens ne savent pas ce qui se passe, mais le message est très strictement contrôlé”, poursuit M. Goldkorn.

Ce climat évoque celui qui prévalait début 2011, quand les autorités avaient étouffé les appels à des rassemblements proréformes en Chine, inspirés par les révolutions dans le monde arabe.

– Record de microblogs effacés –

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émocratie dans le quartier de Kowloon, à Hong Kong, le 1er octobre 2014 (Photo : Philippe Lopez)

Fu King-wa, un expert des médias de l’Université de Hong Kong, affirme que le nombre de microblogs effacés sur le Sina Weibo, premier service de microblogging de la Chine, a atteint un nombre record.

Il est le fondateur de Weiboscope, un site qui étudie quotidiennement le sort de 50.000 à 60.000 nouveaux microblogs publiés en Chine.

Il a constaté que le ratio de microblogs effacés était passé de 98 pour 10.000 samedi à 152 pour 10.000 dimanche, au moment le plus fort des affrontements entre policiers et manifestants à Hong Kong.

“C’est le taux le plus élevé en 2014, il est même plus élevé que le 4 juin”, anniversaire de l’écrasement du Printemps de Pékin place Tiananmen, le sujet le plus censuré en Chine, a-t-il ajouté.

Selon lui, la hantise de Pékin est la propagation des comparaisons entre Hong Kong et Tiananmen, où furent tués il y a 25 ans des centaines de manifestants désarmés, dont nombre d’étudiants.

Dimanche soir à Hong Kong, la police a dispersé violemment les manifestants en utilisant des gaz lacrymogènes, avec des images rarement vues sur le territoire qui ont choqué.

“En Chine, ces faits évoquent le 4 juin (1989) pour de nombreuses personnes qui font des associations dans leur tête, en particulier quand elles regardent les informations ou voient des photos”, poursuit Fu. “Cela met à vif les nerfs des censeurs du gouvernement”.

Surnommé la “Grande muraille informatique”, un système perfectionné de censure, employant une “armée” de milliers de fonctionnaires, bloque en Chine tout accès aux adresses web jugées “sensibles”.

Ce dispositif évolue sans cesse: le célèbre quotidien de Hong Kong, le South China Morning Post, est récemment venu s’ajouter à toute une nouvelle liste de journaux bloqués.

– Record de sites bloqués –

Selon le site spécialisé GreatFire.org, la Chine n’a sans doute jamais autant bloqué de sites d’informations qu’aujourd’hui.

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émocratie à Hong Kong, le 28 septembre 2014 (Photo : Alex Ogle)

“Cela s’inscrit dans une tendance plus large et plus inquiétante”, commente Charlie Smith, pseudonyme d’un des fondateurs de Greatfire.org, qui étudie le contrôle de l’internet par le pouvoir communiste.

“La plupart des gens pensent que les autorités chinoises sont prêtes à tout pour conserver leur pouvoir en main, mais nettement moins s’imaginaient qu’elles iraient jusqu’à isoler le pays de l’internet mondial de cette façon”, a-t-il ajouté.

“Le spectre qui hante tout le monde est l’utilisation de la violence, des chars, de la répression brutale”, conclut M. Goldkorn. Auquel cas, “le défi sera de taille pour les censeurs”.