Tunisie – Développement : Jendouba, «no man’s land» dans 55 ans, selon un expert

ain-drahem-vague-froid-01.jpgKamel Ayadi, expert en matière de lutte contre la corruption, militant de développement et président du Centre de réflexion stratégique pour le développement du nord-ouest (Crsdno), est formel. Il a déclaré, mercredi 1er octobre 2014 à Tunis, lors d’une rencontre avec les représentants des médias, que si rien n’est fait pour remédier la régression démographique que connaît la région économique du nord-ouest, dans 55 ans le gouvernorat de Jendouba sera déserté, définitivement, par l’effet de l’émigration de sa population, laquelle diminue, actuellement, au rythme alarmant de 2% par an.

L’expert, qui tenait une conférence de presse pour présenter son analyse de la dimension régionale du 12ème recensement général de la population (celui de 2014), a révélé que la régression démographique de ce gouvernorat s’est accentuée au rythme de 5,7% durant la période 2011-2014, autrement dit, après la révolution. Un autre paradoxe de cette révolution.

Photos à l’appui, Kamel Ayadi s’est longuement attardé sur l’exode dramatique, de douars entiers, voire de groupes de familles dans les zones de Farouaha à Ain Sallam et de Hamaissia à Tegma (délégation d’Ain Draham).

Il a également évoqué la situation difficile des victimes des glissements de terrain et de la vague de froid de 2012 qui ont été relogées dans des tentes de fortune sans qu’aucune solution ne leur soit trouvée, jusqu’à ce jour.

L’expert devait expliquer la précarité que connaît le nord-ouest (13% de la population nationale et 11% du territoire national) par quatre facteurs négatifs.

Le premier consiste en le peu d’intérêt et la non intervention de l’Etat pour atténuer la précarité de la vie générée dans cette région par le froid, l’enclavement, le sous-développement, l’analphabétisme, les incendies de forêts en été …

Le deuxième a trait à la tendance entretenue et délibérée par le pouvoir central à externaliser la valeur ajoutée des matières premières de la région (produits agricoles, substances utiles…). Ces produits sont produits certes dans la région mais sont transformés ailleurs. A titre indicatif, les céréales sont produites au nord-ouest mais leur transformation se fait à Tunis, Nabeul, Sfax. Le marbre est extrait à Thala mais il est transformé dans les régions littorales. Le tabac est cultivé au nord-ouest mais son industrialisation se fait à Kairouan…

Le troisième porte sur la fuite des capitaux privés lesquels, à peine créés et accumulés, sont réinvestis sur le littoral.

Le quatrième concerne le capital humain: l’exode des ressources humaines. Les habitants de la région du nord-ouest sont contraints, pour survivre, de quitter le bled pour chercher de l’emploi et fuir l’indigence et le sous-développement.

Pour l’expert, la solution relève de l’intérêt national car l’exode massif des habitants du nord-ouest vers les grandes villes ne peut que créer des problèmes multiformes (insécurité, problèmes de logement, scolarité des enfants, emploi…). D’où tout l’enjeu d’œuvrer en toute urgence à désenclaver la population (70% de la population de Jendouba sont des ruraux), à les sédentariser et à améliorer leurs conditions de vie en les dotant de toutes les commodités de vie décente (dispensaires, établissements scolaires, services administratifs, eau potable, électricité…).

Est-il besoin de rappeler ici que le taux d’alimentation en eau potable est un des plus faibles dans le gouvernorat de Jendouba alors que cette région compte à elle seule six grands barrages?

Sans commentaires.

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