Une Journée de réflexion autour du thème: «Réforme fiscale en Tunisie, pour une fiscalité juste, citoyenne et au service de l’investissement». Sous d’autres cieux, on réfléchit avant de promulguer les lois et de les mettre en application. Dans le nôtre, on les promulgue et ensuite on réfléchit au degré de leur efficience sur le terrain.
Même la révolution-conspiration qui est passée par la Tunisie n’a pas changé grand-chose à une situation que nous estimions inacceptable avant le 14 janvier mais devenue carrément invivable aujourd’hui. Les hommes ont été délogés ou dégagés, le système est là et résiste.
Le ministère de l’Economie et des Finances, qui veut s’intégrer dans un processus de changement, a décidé de déclencher la révolution fiscale en la faisant précéder par celle pédagogique. Car, comme l’a bien dit Alain Trannoy, directeur d’études à l’EHESS, à l’Université d’Aix-Marseille, «ce qui importe le plus pour la réussite d’un plan de réformes fiscales, c’est l’adhésion et l’acceptation des contribuables du dispositif fiscal. C’est ce qui réduit également la fraude fiscale».
Cela s’appelle de l’économie politique, car il ne s’agit pas que de promulguer des lois, il s’agit surtout de les faire adopter par ceux et celles auxquels elle s’applique. Les approches sont différentes selon qu’elles proviennent de pays en phase de mutation du système politique et ceux gouvernés depuis des siècles par des régimes relativement démocratiques.
Réfléchir, convaincre avant de décider. C’est ce qui explique l’organisation de la journée du 1er octobre 2014. On aurait préféré que la réforme de la fiscalité et son adoption par la Constituante ou le futur Parlement se fasse à la fin des rounds de consultations et de débats sur tout le territoire national, mais nombre de lois ont été d’ores et déjà entérinées dans le cadre du budget de l’Etat pour 2014 et de la loi des finances complémentaire. Espérons que nous n’aurons pas à y revenir.
La réforme en profondeur du système fiscal, lancée en 2014 par Hakim Ben Hammouda et son équipe, viserait la simplification du système fiscal, l’équité fiscale, la décentralisation et l’implantation d’une fiscalité locale, la modernisation de l’Administration et la lutte contre l’évasion fiscale.
«La question fiscale était importante bien avant le 14 janvier, elle se pose avec plus d’acuité aujourd’hui que le pays s’est engagé dans un processus de réformes tous azimuts. Nous ne voulons plus que nos concitoyens aient le sentiment qu’ils sont injustement et inéquitablement traités par le système fiscal, et nous comptons nous projeter dans l’avenir en faisant en sorte que la réforme sur laquelle nous planchons aujourd’hui soit aussi valable sur les 10 à 15 ans à venir», a déclaré M. Ben Hammouda dans son discours d’ouverture.
Les recettes de l’Etat dans un pays dépourvu de richesses naturelles tel que la Tunisie proviennent en grande partie des impôts. Le malheur est que c’est supporté en grande partie par l’économie structurée et les simples contribuables. Les forfaitaires aussi bien que ceux qui opèrent dans l’économie informelle pompent dans les ressources du pays et profitent des avantages sans assumer la charge des impôts. D’où l’introduction de 68 métiers qui étaient auparavant considérés comme forfaitaires dans le régime de comptabilité réelle et les mesures drastiques prises à l’encontre de l’économie parallèle et de la contrebande et allant jusqu’à la possibilité de confiscation des biens des contrevenants.
«Nous voulons plus de justice fiscale et plus d’équité. Les revenus doivent être désormais répartis dans le sens de parer aux inégalités engendrées par l’économie de marché et aux distorsions entre les différents agents économiques et résultant des textes de loi eux-mêmes. Le prélèvement fiscal qui constitue le moyen le plus important de financement des charges publiques doit devenir un instrument pour la réalisation de la justice sociale», a pour sa part indiqué Habiba Louati, directrice générale des études et de la législation fiscale au ministère de l’Economie et des Finances.
L’équité a été au cœur de l’intervention de Mme Louati, considérée par les opérateurs privés comme étant la “dame de fer du ministère de l’Economie et des Finances“. Pour y arriver, la démarche participative est impérative. D’ores et déjà, nombre de consultations dans les régions, a tenu à préciser Hakim Ben Hammouda: «Nous veillerons à ce que tous les acteurs concernés par la question fiscale soient associés à la réflexion sur les nouvelles réformes. Des études d’impact ont été réalisés des mesures retenues sur les recettes publiques et à l’échelle macroéconomique».
C’est d’ailleurs, entre autres, l’un des objectifs de la journée de réflexion qui vise à approfondir la réflexion sur les fondements et la philosophie de la réforme fiscale en termes de justice fiscale: une fiscalité, levier de croissance économique et de l’investissement, une fiscalité décentralisée et usant de nouvelles technologies pour accélérer et simplifier les procédures fiscales.
Le hic dans cette journée de réflexion à laquelle ont participé des experts aussi bien nationaux qu’internationaux est peut-être le fait qu’on aurait pu épargner aux médias et aux économistes non spécialisés de la question fiscale des détails trop techniques.
Il était plus important de mettre en avant la vision des artisans de la réforme fiscale et son impact sur le simple contribuable, sur l’investissement et l’économie en général.
Mais rien n’est parfait. Malheureusement!.